Climathon, semaine 3 : la constance récompensée

Le climathon semble être entré dans son rythme de croisière cette semaine, avec encore de belles réalisations malgré la diversion incongrue qu’a constituée l’actualité autour de Charlie Hebdo.
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Le Huffington Post s’est montré digne de la tradition de la presse française d’alarmisme univoque et sans nuance avec cet article très « méthode Coué » signé Gilles Finchelstein et Ernst Sterre, dont le portfolio final est tout simplement magnifique. Une mention également pour Naomi Klein qui, dans l’Humanité dimanche du 8 au 14 janvier, affirme que

l’enjeu climatique peut devenir le meilleur argument pour les progressistes pour faire valoir leurs revendications : rebâtir et raviver les économies locales, libérer les démocraties de l’influence des géants du secteur privé, empêcher l’adoption d’accords de libre-échange néfastes, investir dans les infrastructures publiques (transport en commun, logement social), se réapproprier des services publics essentiels comme l’énergie et l’eau, ouvrir les frontières aux réfugiés climatiques, respecter les droits territoriaux des peuples autochtones

Faire du climat le bras armé du progressisme réactualise une belle tradition de récupération idéologique que l’on craignait disparue.

Jusqu’à présent, les heureux gagnants et nominés du climathon se sont en général trouvés être politiquement plutôt à gauche. Le jury tient à faire savoir qu’il ne s’agit que d’une coïncidence, qui n’a pas vocation à durer tant la propagande climatique ne connaît nulle frontière politique. Pour inciter les compétiteurs de toutes tendances politiques à croire en leurs chances, le jury tient donc à faire une place à cet article du Figaro signé Marielle Court, une compétitrice dont le jury espère par ailleurs beaucoup. L’article tire parti d’une publication de Nature qui en appelle aux politiques (ses auteurs y quantifient le charbon, le pétrole et le gaz qu’il nous faudrait laisser sous terre pour sauver le climat) pour broder sur le climat et interroger les grandes figures que sont le LSCE et Alain Grandjean. Sans donner la parole à une voix critique, fort heureusement.

Le vainqueur de la semaine 3

C’est avec plaisir que le jury récompense les efforts soutenus du journal Le Monde, déjà deux fois nominé lors des deux premières semaines. La constance paye : telle est la leçon du vainqueur de cette semaine, auteur ces jours-ci encore de multiples réalisations méritoires, dont cet article de Stéphane Foucart destiné à effrayer les lecteurs avec « 2014 année la plus chaude ». Le jury se réjouit d’y lire que « la messe n’est pas formellement dite » pour savoir si 2014 détient bien ce record, ce qui sous-entend qu’un autre article du même niveau sera publié à la fin du mois. C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes, le classique « record absolu » de telle ou telle donnée mérite donc à l’évidence d’être exploité sans craindre le rabâchage. La conclusion de l’article, qui s’en prend aux vilains dirigeants américains et à leurs « penchants climatosceptiques », complète brillamment le tableau.

C’est toutefois surtout cette interview de Christophe Cassou réalisée par Le Monde et Universcience qui a emporté la décision du jury. Celle-ci permet en effet à l’interviewé de marteler pendant près de quatre minutes un message particulièrement ciselé. En voici quelques éléments de langage parmi les plus remarquables :

  • Les intervalles de temps sont trop longs pour faire peur, alors divisons-les par 2 (1’20) :

Environ tous les deux-trois ans, on bat le record de la température globale de la planète

(NB : les records de température globale sont 1998, 2005, 2010 et 2014, donc séparés de 7, 5 et 4 ans. L’écart de température entre ces quatre « records » est par ailleurs de quelques centièmes de degrés à peine.)

  • Le réchauffement ralentit : et alors ? (1’24) :

Même si, en terme de tendance, le réchauffement est un petit peu plus faible depuis une dizaine ou une quinzaine d’années

  • Si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle (1’34) :

Si on avait eu un événement El Niño extrêmement fort, du type 1997-1998, qui serait arrivé (sic) aujourd’hui cette année (re-sic), on n’aurait non pas battu le record un tout petit peu, mais on aurait explosé le record

  • La pause ? Quelle pause ? (2’02) :

Quand on replace [le record de 2014] sur les deux-trois dernières décennies, il s’inscrit évidemment dans la tendance lourde du réchauffement climatique

  • Pardon d’utiliser un terme un peu trop technique pour le profane… (2’17) :

Le système climatique ne se réchauffe pas de manière continue et… on appelle ça « linéaire », dans notre jargon.

  • S’il fait chaud, c’est que ça se réchauffe (3’00) :

Si l’on regarde les années de température globale les plus chaudes, on voit qu’elles se situent toutes sur les vingt dernières années, sur les deux dernières décennies, ce qui traduit une tendance forte et lourde vers le réchauffement climatique.

Le jury remercie le public de continuer à lui proposer des nominés pour la semaine 4. Il sera sensible, outre à l’équilibre entre tendances politiques comme signalé plus haut, à la propagande francophone hors de France, tant celle-ci ne connaît pas plus de frontière géographique que politique.