L’idéologisation d’une société savante

Un élément m’a intrigué dans la tribune de nos climatologues-consultants désireux de se faire bien voir des politiques : la manière dont Jean Jouzel est présenté. Pour cette fois il n’est pas question de prix Nobel de la paix. Ce coup-ci, c’est bien pire.

Jean Jouzel, nous apprend cette tribune, est « président de Météo et Climat ». Un clic sur internet nous apprend qu’il s’agit du nouveau nom de la Société Météorologique de France.

Là, déjà, je tique. En France, les sociétés savantes se reconnaissent en général par leur nom, du genre « Société X de France » ou « Société française de X », le X étant le domaine concerné : mathématiques, physique, chimie, etc.

Si je tique, c’est parce qu’une société savante n’est pas censé être un truc flashy qui clignote, mais un endroit où peuvent se retrouver les spécialistes d’une discipline concernée, ainsi qu’une voix identifiée pour ceux qui s’y intéressent : chercheurs, utilisateurs, amateurs, enseignants… « Météo et climat », pour moi, ça peut être le nom d’une émission de télé, ou d’un jeu de société. Pas d’une institution scientifique remontant au milieu du XIXe siècle.

Mais venons-en à l’essentiel.

L’agenda de la société contient pour l’heure en tout et pour tout six entrées. Deux n’appellent pas de commentaire particulier (l’un signale une médaille pour Joël Collado, l’autre la parution du nouveau numéro de La Météorologie). Les quatre autres en revanche, les plus récents, en disent long. Les voici en copie d’écran :

meteoclimat

Le sujet des forums parle de lui-même : transition énergétique, forum sur les énergies renouvelables, pollution… Le meilleur est, bien sûr, l’annonce d’une conférence de Pierre Rabhi, fondateur de la ferme du mas de Beaulieu dont on sait le caractère hautement scientifique. En un mot, l’ex-Société Météorologique de France faisant la pub d’une conférence de Pierre Rabhi, c’est un peu comme si la Société Française de Physique assurait la promo du dernier best-seller des frères Bogdanov, ou comme si la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique signalait le dernier horoscope d’Élizabeth Teissier.

Cet agenda n’est pas seulement consternant dans l’orientation idéologique qu’il dégage : il est aussi fort éloigné de la raison sociale de l’association selon ses statuts de 2006, dont voici les deux premiers articles :

Art. 1 – L’association dite « Société Météorologique de France », fondée en 1852, a pour but de favoriser par tous les moyens en son pouvoir, le progrès et la diffusion de la météorologie et de la physique de l’atmosphère au double point de vue de la théorie et du développement de leurs activités et de leurs applications pratiques. Elle a aussi pour vocation de favoriser les interactions entre les divers acteurs de la météorologie française et francophone. Sa durée est illimitée. Son siège social est à Paris.

Art. 2 – L’association contribue aux progrès et à la diffusion de la météorologie et de la physique de l’atmosphère par des publications, des études scientifiques et techniques, des conférences et des expositions, des concours et soutiens donnés à des activités concernant la météorologie, la remise de prix et d’autres encouragements et récompenses honorifiques.

On ne lit nulle part quoi que ce soit qui concerne les énergies renouvelables ou la pollution, l’agroécologie à la Rabhi ou plus généralement le sauvetage de la planète. Bien sûr, comme dit l’autre, « tout est dans tout » et « tout est lié » : on dira donc que la météo impacte les renouvelables, que la pollution est liée à la physique de l’atmosphère, et encore que l’agroécologie se soucie beaucoup des cycles lunaires du temps qu’il fait. N’empêche : on est quand même fort loin du but central de l’association.

Est-ce pour cette raison que de nouveaux statuts doivent être publiés (qui doivent recevoir l’aval du Conseil d’État) ? En attendant de pouvoir les lire, voici ce que suggère ma boule de cristal sur ce que pourraient devenir les articles 1 et 2 :

Art. 1 – L’association « Météo et climat », nouveau nom de la « Société Météorologique de France » fondée en 1852, a pour but de favoriser par tous les moyens en son pouvoir le progrès et la diffusion de la météorologie, de la climatologie et de la physique de l’atmosphère aux points de vue de la théorie, du développement de leurs activités et de leurs applications pratiques, ainsi que de leur importance dans l’éveil d’une conscience environnementale citoyenne. Elle a aussi pour vocation de favoriser les interactions entre les divers acteurs de la météorologie française et francophone, ainsi que de constituer un relai pour les initiatives innovantes, durables et écoresponsables dans les domaines énergétiques, agricoles et plus généralement environnementaux. Sa durée est illimitée. Son siège social est à Paris.

Art. 2 – L’association contribue aux progrès et à la diffusion de la météorologie, de la physique de l’atmosphère, de la climatologie et des risques associés aux activités humaines dans le domaine environnemental par des publications, des études scientifiques et techniques, des conférences et des expositions, des concours et soutiens donnés à des activités concernant la météorologie, la remise de prix et d’autres encouragements et récompenses honorifiques.

Pas sûr, en tout cas, que le nouveau président de Météo et Climat sache éviter le mélange des genres entre science et idéologie. Y aurait même déjà comme un doute.

9 réflexions au sujet de « L’idéologisation d’une société savante »

  1. Hé bé, Jean Jouzel, grand scientifique à l’éthique irréprochable, qui est un fervent partisan de la controverse, à condition que le contr, et qui a quelque peu oublié de bien séparer son idéologie personnelle de sa

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  2. Oups! Fausse manoeuvre…
    Hé bé, Jean Jouzel, grand scientifique à l’éthique pas vraiment irréprochable, qui est un fervent partisan de la controverse, à condition que le contradicteur soit muselé, et qui a quelque peu oublié de bien séparer son idéologie personnelle de sa fonction scientifique, se retrouve à présent à la tête d’une ex-société savante qu’il pourrit de l’intérieur pour en faire un outil de propagande du réchauffisme, de cette ânerie technico-économique des EnR intermittentes, et, plus généralement de la décroissance heureuse qui va sauver la planète – en fait, qui va être très profitable à une petite minorité, aux dépens de la grande majorité des citoyens de la planète.

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  3. JJ a rajouté « climat » au titre de la revue !
    Et le dernier numéro est un numéro spécial GIEC !
    Et le prochain numéro ? Un numéro spécial « réchauffement climatique » ?
    Et le suivant ? « Comment l’Homme modifie-t-il le climat » ?

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  4. Ce qui est navrant, c’est que même en dénonçant les liaisons dangereuses de l’idéologie et de la science, des gens très bien comme ceux de l’AFIS ont semble-t-il tourné casaque eux aussi et se rangent du côté du réchauffement d’origine anthropique, présenté comme un consensus scientifique irréfutable (ah, l’argument d’autorité, difficile d’y résister !!).
    Ainsi en 2008 on pouvait lire ce genre d’article :
    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article841

    Et aujourd’hui, plutôt ceci ou cela :
    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2681
    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2684 (et celui-là encore, ça va à peu près car au moins, il dénonce clairement l’idéologisation de la science).

    L’idéologie est une maladie de l’esprit qui n’est pas prête de disparaître malheureusement (comme la religion d’ailleurs, ça relève du même principe de croyance) : c’est la mort de la pensée libre. Et ça flanque sacrément la trouille…

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  5. Jean Jouzel, qui a publiquement pris parti pour un candidat à l’élection présidentielle en plus : la science n’est plus qu’un misérable cache sexe transparent. L’idéologie ne se cache même plus.
    C’est triste et pathétique.
    Tout cela tombera un jour, comme le communisme. Mais faudra-t-il attendre 70 ans de bêtises, de milliards gâchés et qui sait, de libertés confisquées si ce n’est pire?

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