Les marchands de contrevérités

Je l’avais ratée, cette tribune de Libé qui s’en prend à Sarko-l’Infâme-Climatosceptique, cosignée par les climatocatastrophés habituels que sont Christophe Bonneuil, Jean Jouzel, Geneviève Azam ou encore Stefan Aykut (plus deux ou trois autres). Et ç’aurait été dommage de ne pas y revenir, tant il est réjouissant de voir leur désespoir grandir à ce point. Pour qu’ils débitent du n’importe quoi de façon si grossière, c’est à l’évidence qu’ils sentent que leur débâcle est proche.

Or donc, comme on le sait désormais, Nicolas Sarkozy s’est déclaré climatosceptique, et a enfoncé le clou quand la question lui a été reposée. Il a, nous dit cette tribune de Libé dans un style pompeux particulièrement ridicule, « fait naufrage sur les rives dangereuses, mais vouées à disparaître sous la montée des eaux, des «marchands de doute»« .

Car sachez-le, se poser des questions, c’est mal. Des experts l’ont dit, et le résultat est « indiscutable« , point final.

La preuve que le climat se détraque selon ce parterre de signataires qui savent, eux, comment il faut penser ? C’est très simple : il n’y a plus de saison, on nous détraque le temps, d’ailleurs voyez l’été qu’on a eu, si c’est pas la preuve, mon bon monsieur ! J’en entends qui se disent que j’en rajoute, alors lisez plutôt leurs propres termes :

les conséquences des dérèglements climatiques se font, chaque année passant, plus durement sentir : notre printemps exceptionnellement pluvieux, notre été exceptionnellement chaud, et le flot des réfugiés climatiques jetés sur la route par ces dérèglements globaux ne nous le rappellent-ils pas au quotidien ?

Il fut un temps où les climatologues nous expliquaient qu’il ne fallait pas confondre la météo et le climat, la première concernant le temps qu’il fait « au quotidien » tandis que le second concernait les tendances. Ils nous expliquaient aussi qu’il fallait regarder les choses de façon globale, sans se limiter à notre petit coin de terre. Apparemment, il semble que le « message d’urgence » ait fait disparaître ce besoin de profondeur temporelle et spatiale.

La contrevérité la plus flagrante et la plus odieuse est le passage sur le « flot des réfugiés climatiques« , un flot tout droit sorti de l’imagination des auteurs. La formulation est suffisamment vague pour qu’on ne sache pas à quels réfugiés ils font allusion, mais si par le plus grand des hasards il s’agissait des migrants syriens, alors on ne pourrait que dénoncer une instrumentalisation particulièrement dégueulasse (pardon du terme, je n’en vois pas d’autre) du malheur d’autrui à des fins partisanes. Le drame syrien a de multiples causes au milieu desquelles le climat ne peut même pas prétendre jouer un rôle secondaire (pour ceux que ça intéresse, j’ai analysé la question au chapitre 4 de mon dernier bouquin). Si nos amis carbocentristes inquiets en doutent, ils peuvent toujours aller demander aux migrants ce qu’ils ont fui : le « réchauffement climatique » (d’origine humaine ou pas) ou la guerre civile. S’ils veulent parier avec moi sur le résultat, c’est quand ils veulent.

Autre contrevérité majeure dans cette tribune de Libé :

Les forces politiques, économiques et médiatiques qui nient le réchauffement climatique, ou son caractère anthropique, ont d’ailleurs récemment perdu beaucoup du terrain. Jusqu’à la déclaration de Nicolas Sarkozy, elles avaient quasiment disparu en Europe.

Du pur délire, comme on a pu par exemple le lire lundi dans L’Opinion (dans un article pourtant tout sauf climatosceptique : les seuls Français qui y sont interrogés sont le décroissanciste inquiet de la fin du pétrole Jean-Marc Jancovici, et la teneuse de « registre des climatosceptiques » Corinne Lepage, c’est dire). En réalité, le climatoscepticisme politique se développe partout, notamment sous l’effet des conséquences économiques fâcheuses des décisions prises au nom du climat ces dernières années. (Voyez par exemple cet article impitoyable de Rémy Prud’homme sur les résultats de la transition énergétique espagnole.) Nos carbophobes n’ont pas dû entendre l’avis du gouvernement polonais sur la question, ni être mis au courant que Theresa May a fait disparaître le département de l’énergie et du changement climatique des portefeuilles gouvernementaux britanniques, en même temps qu’elle nommait le peu carbocentriste Boris Johnson ministre des Affaires étrangères. Ils ne doivent pas non plus avoir entendu parler des hoquets de l’Energiewende, la transition énergétique allemande sauveuse de planète. Mais peut-être croient-ils que la politique se réduit aux déclarations…

Les vérités tordues continuent juste après :

[Les forces climatosceptiques] semblaient également en perte de vitesse aux États-Unis où l’accumulation de catastrophes climatiques a conduit de nombreux Américains à abandonner leur position climato-sceptique.

Voici l’évolution sur la question, selon l’institut Gallup :

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Un petit pic en 2016, nullement sans précédent, au sein d’une courbe extrêmement extrêmement fluctuante : voilà sur quoi nos auteurs peuvent se fonder pour nous vendre une « perte de vitesse » des climatosceptiques américains. Celle-ci étant, de leur aveu même, causée par une « accumulation des catastrophes climatiques » (autre contrevérité que cette confusion climat/météo, mais on n’est plus à ça près), on peut parier sur une chute dès le retour d’un temps plus clément.

Vu comme les carbocentristes lisent cette courbe, on comprend mieux certaines choses…

Allez, une dernière pour la route. S’opposant à la peur démographique de Nicolas Sarkozy (ce qui, a priori, aurait pu avoir mon soutien), les climato-alarmistes de garde écrivent ceci :

Soyons précis : rien n’empêche d’agir pour que les émissions de gaz à effet de serre – et plus largement l’empreinte écologique – des pays du Sud n’explosent pas. Mais le plus sûr moyen d’y parvenir n’est pas de stériliser les pauvres, mais bien de s’assurer que le mode de vie occidental, insoutenable, ne soit pas étendu aux quatre coins du globe.

Je ne sais pas vous, mais moi je traduis ça par : on veut bien des pauvres à condition qu’ils continuent à crever dans la misère. Par exemple, selon la propre logique des auteurs, on devrait refuser l’entrée aux migrants puisque ceux-ci, une fois en Europe, risqueraient d’adopter ce « mode de vie occidental insoutenable » qui consiste à pouvoir manger à sa faim une nourriture saine et variée, à se loger décemment, se vêtir, se soigner…

Bien sûr, malgré Nicolas Sarkozy ou Donald Trump, tout le monde n’est pas encore devenu climatosceptique. Ce n’est pas pour autant que tout le monde a peur du temps qu’il fait. Qu’on se le dise : au-delà des déclarations de circonstances dans les dîners en ville, la climatophobie se cantonne à quelques cénacles universitaires dont l’influence déclinante est justement attestée par la sortie de Nicolas Sarkozy. Ce dernier a probablement parfaitement identifié que se déclarer climatosceptique était une bonne occasion de créer l’événement sans risquer grand chose en terme électoral. Alors quand la tribune de Libé se conclut par

Nous n’avons plus de temps à perdre. Il en va de notre avenir. Et d’une campagne présidentielle qui ne vire pas à la caricature mais qui s’occupe des grands défis du XXIe siècle

j’ai envie de dire : chiche ! Occupons-nous des grands défis ! Or que nous disent les citoyens sur les sujets qu’ils considèrent comme les plus importants ? Réponse dans ce sondage commandité par l’ONU l’an dernier : éducation, santé, emploi. Le climat, quant à lui, est dépassé même par la question de l’accès à internet !

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La place du « défi climatique »  dans les préoccupations collectives ? Bon dernier. Espérons que nous puissions bientôt dire : bon débarras.

11 réflexions au sujet de « Les marchands de contrevérités »

  1. Coucou,

    L’article de Mr Prudhomme est trés légérement tendancieux !

    Je ne comprend pas l’hostilité que vous avez contre certaines energies renouvelables .

    L’homme n’est probablement pour rien ou pas grand chose dans les variations climatiques, mais çà n’empeche pas d’essayer de produire de l’energie autrement.

    quant aux poncifs ….;

    laissons les pontifier

    Bonne journée

    STephane

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    • Bonsoir ou bonjour,
      Contre les ENR rien de particulier…
      Sauf que l’on mélange ce qui est en phase de développement d’exploitation en masse, avec ce qui est au point mais qui peut n’avoir d’intérêt que dans certains cas, ou avec ce qui est à l’aube d’une application courante, ou encore ce qui est en cours d’essai et de validation industrielle, et aussi ce qui est du domaine de la recherche et développement, etc… etc…
      Il n’y a pas de mauvaise idée, ni de mauvais système, ou de mauvaise théorie, en revanche il y a pléthore de fausses bonnes idée, de conclusions hâtives, d’emballement précipité à décréter ce qui est bien ou mal, par a-priori, voire sous un principe de « précaution » à la noix par des personnes sous l’emprise de leur égo.
      Et malheureusement, il en est de même pour la biologie, les sciences humaines, la rudologie, la logistique, la politique, les religions, j’en passe et des meilleures…

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    • La cruauté de l’arithmétique:en énergie comme ailleurs, les « recettes miracles » pour « sauver » notre monde, en particulier celles des « écologistes », prennent des exemples locaux, limités, en général sympathiques, pour les élargir à l’ensemble du Monde sans soucis des ordres de grandeur. Une simple règle de trois règle en général cruellement la question.

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    • « l’hostilité que vous avez contre certaines energies renouvelables »

      Juste le fait que ça n’existe pas les « energies renouvelables »… c’est un label arbitraire et aussi parfaitement idiot que le « bio », ou la cacheroute, qui au moins n’a pas vocation à être imposé à tous.

      Si le pouvoir est réellement laïque, il n’a pas plus à imposer l’un que l’autre. Mais il ne l’est pas!

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      • Coucou,

        Je ne comprend pas . Pouvez vous m’expliquer ? (pas l’histoire du pouvoir, mais le fait que le renouvelable n’existe pas )

        Stéphane

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      • Sur le fait que tout processus est destructif et à sens unique, c’est évident je pense.

        La réponse est évidemment qu’une étoile se consume par un processus non renouvelable mais que :
        – l’échelle de temps n’a rien à voir avec celle des processus biologiques ayant lieu autour de cette étoile
        – cette destruction du carburant primaire du système planétaire a lieu à un rythme constant et ce qui se passe ailleurs n’y change rien

        Donc cet argument de l’irréversibilité des processus physiques est éliminé de l’équation. Les étoiles produisent de l’énergie électromagnétique qu’on considère « renouvelable ».

        La photosynthèse transforme cette énergie électromagnétique en énergie chimique et toute la vie hétérotrophe part de là.

        Si on exclut la théorie de l’origine non biologique du méthane, tous les carburants carbonés trouvés dans la nature sont d’origine fossile. À l’échelle de la vie animale, on peut dire que cette resource n’est pas renouvelable, et est considérée (par facilité) comme fixe. Une question légitime est donc « est-ce qu’on consomme trop rapidement les ressources fossiles récupérables? »

        Il s’agit de savoir à quel rythme on puise dans un stock, et uniquement ça; la question de la croissance de la production labellisée « verte » « propre » « renouvelable » « approuvée par les chatons mignons ».

        Le ridicule absolu est atteint par l’objectif de l’UE (qui est AMHA un mort-vivant comme les partis politiques) de 20% d’énergie casher pardon « renouvelable ». Cela veut dire que peu importe l’augmentation de la consommation d’un stock fixe, on va se « racheter » en « consommant » « renouvelable ».

        On se demande d’ailleurs comment on peut consommer du renouvelable. Si c’est renouvelable, c’est qu’il n’y a pas d’épuisement d’un stock, et donc pas de consommation!

        Et quand on regarde ce qui est classé dans ces 20%, on tombe de sa chaise. L’intuition veut qu’une retenue d’eau est renouvelable (mais pas sans impact sur la nature) parce que le cycle de l’eau est gratuit, et il n’est pas altéré (à ce qu’on sait) par les barrages (avec un bon petit modèle on devrait bien arriver à prouver que l’évaporation de l’eau modifie très significativement le climat local et que si tout le monde fait des retenues d’eau le climat global sera modifié).

        En fait renouvelable veut dire qui dépend d’un processus naturel qui amène de l’énergie : houle, pluie, vent, soleil. On pourrait dire « énergie dépendante des caprices de la nature » ou « énergie à la merci des aléas climatiques ».

        [Remarque : La géothermie est à part, comme source d’énergie ne provenant pas du Soleil, et contrairement à ce que ses promoteurs tentent de faire croire, c’est un stock rechargeable et non un flux comme le flux solaire, et le rechargement est très lent. Donc c’est une resource à la base infime et très peu accessible presque partout.]

        Quand vous mettez vos vêtements sur un fil à linge, quand vous bronzer au soleil, on peut parler d’énergie renouvelable : vous utilisez directement l’énergie présente dans la nature. Mais en général, on ne peut pas se contenter d’utiliser cette énergie ainsi, il faut la récupérer, la concentrer, la transporter là où les consommateurs se trouvent. Pour cela il faut des équipements qui eux mêmes consomment de l’énergie juste pour rester prêts à fonctionner (une éolienne a un moteur pour s’orienter face au vent, un moteur pour que les pales ne restent pas immobiles sans vent…).

        L’impact économique des éoliennes n’est pas seulement de faire augmenter la facture d’énergie (électrique mais on nous dit qu’on va subir sur la facture de gaz aussi) mais c’est un impact économique indirect sur les cours des matières premières utilisées, donc sur l’industrie qui produit ou extrait ces matières premières, etc. Les éoliennes sont dépendantes et vulnérables mais leur fabrication n’a rien de « renouvelable ».

        Rien dans le label « renouvelable » n’oblige à respecter les chatons, les oiseaux, les chauve-souris, les saumons, ou d’avoir un impact faible sur les stocks accessibles de matières premières. La plupart des moyens de collecte dits « renouvelables » sont exposés aux cycles naturels et aux caprices de la nature.

        Au final on réalise que toutes ces machines conçus par des ingénieurs sur la base des connaissances fondamentales produites par les chercheurs sont fabriquées par des ouvriers et des techniciens, tout ce beau monde consommant de l’énergie pour sa vie de tout les jours. C’est parce que l’énergie est accessible pour avoir des logements bien chauffés, pour avoir une agriculture mécanisée et efficace, pour avoir des machines à laver, etc. que l’espérance de vie a beaucoup augmenté, et non grace à la vaccination qui n’a eu un impact énorme que sur un petit nombre d’infections transmissibles (le culte vaccinal étant le miroir du culte de la Nature) et un impact sur une majorité de maladies qu’on avait déjà fait diminuer sans les vaccines, et probablement un impact nul sur la grippe hors maisons de retraites. L’usurpation vaccinale, la plus grande arnaque médicale de tout les temps, a pour fonction de minimiser l’importance des autres progrès, et elle est défendu avec un rage hystérique par certains.

        Donc tout ce monde consomme de l’énergie non « renouvelable » pour faire des machins qui collecteront l’énergie renouvelable.

        Au final, tout ce monde est composé de grands singes donc d’animaux donc au final de consommateurs d’énergie chimique stockée comme tous les hétérotrophes. On consomme indirectement ce qui a été produit par le soleil (expérience de pensée : si le soleil s’éteint, tout le monde meurt), donc on est casher et « renouvelable » et donc tout ce qu’on fait l’est aussi.

        Donc il n’y pas d’énergie « renouvelable » parce que TOUT ce qu’on fait est renouvelable.

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      • « Vous ne seriez pas ecolo par hasard ? »

        Oui, l’écologie est un sujet très important pour moi, assez pour que j’ai voté Sarko (mais on ne m’y reprendra plus).

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  2. Merci de cette analyse sur cette tribune grotesque.

    Sur l’instrumentalisation des peurs, chacun pourra se faire une opinion, en écoutant cette émission de France Inter ( https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-05-septembre-2016 ) ou une autre sur France Culture ( http://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre/le-rechauffement-climatique-est-il-une-chance-pour-la-paix )

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