Le mathématicien Eugène Catalan est né il y a deux cents ans. Pour célébrer l’événement, l’université de Liège organise un colloquium en son honneur les 14 et 15 octobre, dont l’accès est libre et gratuit (contrairement aux données de Météo France). Il faut juste prévenir à l’avance de sa venue.
Catalan est très connu pour avoir posé une question à l’énoncé élémentaire qui a résisté à la sagacité des mathématiciens pendant un siècle et demi. Dressez la liste des puissances de chaque entier, puis rassemblez les valeurs obtenues dans l’ordre croissant, comme ceci :
- Puissances de 2 : 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, …
- Puissances de 3 : 9, 27, 81, 243, …
- Puissances de 4 : 16, 64, 256, … (en fait inutiles, car déjà des puissances de 2)
- Puissances de 5 : 25, 125, 625, …
- Puissances de 6 : 36, 216,…
- Puissances de 7 : 49, 343, …
- …
- Liste finale : 4, 8, 9, 16, 25, 27, 32, 36, 49, …
La conjecture de Catalan affirme que les seuls entiers consécutifs que l’on trouve dans cette liste finale sont 8 (= 23) et 9 (= 32). À l’image du célèbre « théorème de Fermat », la célébrité de la conjecture de Catalan tient à la réunion de deux extrêmes : la simplicité de l’énoncé et l’extraordinaire difficulté à en trouver une démonstration, finalement donnée par Preda Mihăilescu (université de Göttingen) en 2002.
Catalan a fait d’autres belles choses en mathématiques : il a laissé son nom aux « nombres de Catalan » ainsi qu’aux « polyèdres de Catalan ». Par ailleurs, il a été activement engagé dans la vie politique de son temps.
Au moins trois exposés devraient valoir le détour : celui de Preda Mihăilescu lui-même, le tombeur de la conjecture, ainsi que ceux de Yann Bugeaud et de Catherine Goldstein. Yann Bugeaud est un excellent mathématicien de l’université de Strasbourg, qui a obtenu des résultats remarquables en théorie des nombres. Catherine Goldstein est une historienne des mathématiques, entre autres auteure d’une excellente introduction à l’édition française du livre de chevet de tout passionné de théorie des nombres, le « Hardy & Wright » (Introduction à la théorie des nombres, Vuibert, 2006). Le colloque sera enregistré et mis en ligne, et les textes des conférences seront eux aussi diffusés.
Votre serviteur, quant à lui, présentera un exposé sur deux ancêtres de la conjecture de Catalan. En voici le résumé :
Bien avant que Catalan n’énonce sa fameuse conjecture, deux questions voisines avaient déjà été posées et résolues. Les deux avaient pour origine des questions liées à l’harmonie musicale et la constitution de la gamme. La première, traitée dès l’époque de Pythagore (c’est-à-dire cinq siècles avant notre ère), portait sur l’impossibilité de trouver des entiers positifs m et n tels que 2m=3n. Une comparaison avec le point de vue antique sur l’irrationnalité de √2 montre que, rétrospectivement, la résolution de 2m=3n peut être interprétée comme la découverte du tout premier nombre irrationnel de l’histoire. La seconde s’intéressait à l’équation 2m3n=2p3q+1, qui est une modification de la première destinée à faciliter la possibilité de l’existence de solutions. Malgré tout, Gersonide a montré au début du XIVe siècle que cette seconde équation n’a elle aussi que des solutions triviales.
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