La curieuse déclaration de Jean-Luc Mélenchon

Hier soir, le fondateur du Parti de Gauche a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle de 2017. Les commentateurs ont surtout retenu l’aspect politique de sa déclaration (une candidature hors de tout parti, qui survient au moment d’un remaniement ministériel et, surtout, de discussions sur l’opportunité d’une primaire de la gauche), sans guère se préoccuper de ses annonces programmatiques. Pourtant, celle qui porte sur le climat me paraît mériter d’être relevée.

Entendons-nous bien : la chape de plomb étant ce qu’elle est sur la question climatique, je n’en veut pas spécialement à Jean-Luc Mélenchon de s’afficher comme carbocentriste. En revanche, je ne comprends pas comment la tradition politique qu’il incarne peut se concilier avec le caractère obsessionnel de la peur climatique. La vidéo que Jean-Luc Mélenchon a mise en ligne hier soir pour proposer sa candidature est explicite : après une minute consacrée à la question du prochain traité européen et à la « monarchie présidentielle », il attaque bille en tête sur le climat. Un sujet qui, j’en tiens le pari, est à mille lieux des préoccupations des classes populaires dont il se veut le héraut :

Il faut remettre du collectif, de la démocratie, du pouvoir populaire, dans notre pays. C’est très important. D’abord parce que, maintenant, le moment est venu de faire face à nos responsabilités devant l’humanité universelle. Enfin. Vous le savez : le changement climatique est commencé. Il faut donc changer notre façon de produire et de consommer. Maintenant, pas après-demain : maintenant ! Parce que c’est maintenant que le péril s’avance. Et pour faire tout ça nous avons besoin d’investissements, nous avons besoin de créer des emplois, nous avons besoin d’inventer, de donner du travail à des milliers de gens qui aujourd’hui ne demanderaient pas mieux que de travailler, et en sont empêchés. Pourquoi ?  Parce que les traités européens (…)

Créer de l’emploi ne serait-il, pour notre candidat, qu’un moyen de sauver la planète, et non une fin en soi ? Je ne ferai pas l’injure à Jean-Luc Mélenchon de le soupçonner d’une telle dérive sur le fond. Il reste que, sur la forme, sa déclaration est extrêmement maladroite.

Qu’une personnalité politique aussi expérimentée puisse commettre ce genre d’erreur ne fait qu’illustrer combien la question climatique est complètement hors-sol. L’absence prévisible de réactions sur ce point montre aussi combien nous avons collectivement intégré que le camp du bien climatique est intouchable.

Sur le fond, Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce dans sa vidéo l’absence de démocratie de l’Union européenne, ne semble pas avoir poussé sa réflexion jusqu’à se demander ce qu’il en est de la politique climatique internationale. Celui qui est l’un des rares politiques à avoir d’emblée identifié l’échec patent de la COP21 pense-t-il que la diplomatie climatique mondiale mérite le qualificatif de parangon d’ouverture démocratique ? Espérons qu’il se posera la question.

13 réflexions au sujet de « La curieuse déclaration de Jean-Luc Mélenchon »

  1. Melenchon n’est pas le seul gauchiste d’avoir avaler le Kool-aid climatique. Podemos en Espagne, le mouvement 5 étoiles en Italie et Ben Sanders aux États-Unis sont tous aussi climatophiles, et aussi nuls en économie à penser qu’on “crée les emplois” en subventionnant des technologies préindustrielles. Le cas le plus intéressant est Jeremy Corbyn en Grande Bretagne, dont le frère Piers est un météorologue et climatosceptique eminent…ce qui n’empêche pas le leader du parti travailliste d’afficher son vertitude.

    ..et aussi Varoufakis, qui vient de lancer un parti européen de gauche DiEM25

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    • Coucou Geoff,
      Le carbocentrisme s’est certes imposé dans beaucoup de partis, tout spécialement à gauche, mais c’est la première fois à ma connaissance qu’on le voit à ce point en tête de gondole d’un programme électoral (hors peut-être ceux des partis écologistes). Il n’était qu’assez peu question de climat dans le projet de 2012 de Mélenchon, même dans sa proposition de « planification écologique ».
      À mon avis, un tel positionnement pouvait être tactiquement pertinent à une certaine époque, mais plus du tout aujourd’hui.
      Je me demande vraiment quelle mouche l’a piqué.

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  2. Autrefois la gauche était probablement plus populaire que populiste. Des lambeaux de cette gauche très « charbonnière », a émergé cette gauche bien plus populiste qu’elle n’espère être populaire, dont Mélenchon est la créature hurlante.
    En tous cas félicitations pour cette reprise, qui plus est assez osée : encourager notre lectorat à regarder une vidéo de Mélenchon, on a connu plus sexy !

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  3. Coucou,

    « il ne manque plus que le grenelle du cul », disait une ex-ministre du clown qui nous a gouverné pendant 5 ans, spécialiste retrograde en tête de gondole !

    « N’importe quelle couleur, du moment qu’elle soit rouge » disait le grand pragmato-econico naziphile ford !

    Quand j’entends les gens de droite donner des leçons de verité,de liberté et de progrés, je ne sais pas, je souris , (jaune ).

    fin des bréves de comptoir. je suis d’accord avec votre point de vue mr rittaud.

    Bonne soirée

    Stéphane

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  4. Maintenant que j’ai regardé l’interview, je vois ce que tu veux dire. Le climat arrive dans son discours comme un cheveu dans la soupe, et quelle soupe! Dans six minutes il s’est affiché plus écolo que les écolos trois fois: au tout début:

    “Regardez M. Bouleau ce que nous venons de voir. Cette monarchie presidentielle où un homme décide de la guerre ou de la paix. Où une éspèce de caste de privilegiés; voire un ministre corromp.. un ministre qui est convaincu d’avoir fraudé avec le fisc se pavane en liberté, tandis que des ouvriers qui défendent leur emploi, eux devraient aller en prison. Laissez moi vous dire une chose. Ça va être mon mot d’ordre (?) central, c’est l’interêt genéral humain qui doit prévaloir aujourd’hui. Le changement climatique est commencé M. Bouleau. C’est mainteneant qu’il faut changer la manière de produire, d’échanger, de consommer. Vous aller parler dans un instant du nucléaire. Eh bien c’est le moment de commencer à sortir du nucléaire, c’est le moment d’arreter des grands travaux inutiles. Sinon, quand va-t-on le faire?”

    Puis ta citation, puis son mot de la fin:

    “La société d’abord, l’ecosystème d’abord et l’argent après.”

    Je crois que je vais m’inscrire dans son mouvement pour pouvoir démissioner en donnant mes raisons.

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