Le scénario de référence du GIEC est-il crédible ?

par Michel Negynas.

Quelques réflexions tirées du blog de la climatologue Judith Curry à partir d’un billet de Kevin Murphy.

Les scenarios du GIEC sont basés sur plusieurs hypothèses d’évolution des concentrations en CO2 dans l’atmosphère (donc de nos émissions) baptisées RCP2.6, RCP4.5, RCP6 et RCP8.5. Les chiffres correspondent à une puissance en W/m2 qui intervient dans le calcul des élévations de température planétaire correspondantes.

Le RCP8.5 est le scenario extrême. Il a été défini en prenant les hypothèses les plus pessimistes pour tous les facteurs entrant dans la prévision : en 2100 une population de 12 milliards d’habitants, peu de développement technologique, une croissance faible du PIB, une utilisation intensive de l’énergie avec de fortes émissions. (Detlef P. van Vuuren et al, Climatic Change, Nov 2011.)

En fait, ce qui était au départ une hypothèse académique d’étude aux limites (« worst case ») a glissé dans le statut de scenario de continuité (business as usual). Et cela donne la figure ci-dessous :

A priori, rien à redire… sauf pour notre ami Benoît Rittaud qui a écrit La Peur exponentielle. En effet, il semble bien que la prévision est effectivement une exponentielle qui s’étend à l’infini.

On peut avoir une discussion sur les énergies fossiles disponibles, qui peuvent singulièrement tronquer la courbe. Mais on entrerait sur un débat genre « peak oil » qui serait difficile à arbitrer…

L’approche de Murphy est une approche « système » qui se fiche des hypothèses et se base sur une méthode assez utilisée à partir d’une « fonction logistique » issue d’observation de prcess similaires à ce qu’on pourrait attendre des évolutions énergétiques : des substitutions progressives au fur et à mesure des progrès et ruptures technologiques.( J.C. Fisher & R.H. Pry in their landmark forecasting paper, A Simple Substitution Model of Technological Change.)

Cette méthode stipule que le taux de croissance (ici de nos émissions) croît d’abord exponentiellement, atteint un pic et redescend vers une asymptote. 

Si on étudie le taux de croissance historique du CO2, on voit que nous sommes dans la portion de courbe où il n’y a plus d’accélération, mais pas encore au niveau du pic. Cela donne la courbe ci-dessous.

On voit bien aussi que l’hypothèse RCP8.5 ne colle pas avec un phénomène de substitution long terme tel qu’il est analysé généralement.  

Le paramètrage de la courbe logistique donne une concentration de CO2 en 2100 de 654 ppm, alors que RCP8.5  donne 936 ppm. En fait, le scenario de référence devrait être proche de RCP6.

Surtout, la courbe d’évolution des taux de croissance montre que pour atteindre RCP8.5, il faut une rupture complète par rapport à l’évolution historique. 

Or, tous les calculs des objectifs à ne pas dépasser en température sont basés sur 936 ppm. L’étude citée plus haut montre que cela a une probabilité très faible de se produire. 

Ainsi, les objectifs de limitation de montée en température planétaire sont non seulement entachés de l’incertitude sur la sensibilité climatique elle-même (la fourchette indiquée par le GIEC est entre 1,5 °C et 4,5 °C pour un doublement du CO2) mais aussi sur des hypothèses d’évolution « naturelle » des concentrations en CO2 irréalistes.

Mais les sauveurs de la Planète pourront dire que la limitation des émissions à 654 ppm, c’est bien grâce à eux. Et pour peu qu’on soit sur la fourchette basse de la sensibilité climatique (ce qui semble actuellement le résultat le plus fréquent des dernières études), on atteindra l’objectif de l’accord de Paris. En 2100, Al Gore aura des montagnes de fleurs en permanence sur sa tombe, Jean Jouzel sera le héros de mangas cultes, et Emmanuel Macron peut-être au Panthéon…

Jean Cocteau disait : « Lorsque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ».

21 réflexions au sujet de « Le scénario de référence du GIEC est-il crédible ? »

  1. Il va être intéressant de voir comment le GIEC va ajuster ses scénarios, afin d’arriver à un résultat où la bêtise de la transition énergétique actuelle sera contournée. Quelle sera alors la nouvelle peur millénariste?……

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      • Pas vraiment « son » travail en fait… https://judithcurry.com/2019/01/28/reassessing-the-rcps/ On aurait pu se donner la peine de citer coller le lien vers la source.

        Sur le fond : « Increasing CO2 is a long-term substitution process as it transitions to a larger fractional share of atmospheric concentration. If well underway, such a process can be studied utilizing a logistic function as described by J.C. Fisher & R.H. Pry in their landmark forecasting paper, A Simple Substitution Model of Technological Change. The methodology provides a top-down appraisal of an ongoing transition assuming continuity in evolution of its contributing elements into the future. The method has been successfully employed in thousands of long-range forecasting applications across many fields of study. »

        Tout l’article se base sur cette hypothèse, qui mériterait d’être mieux détaillée. Ce n’est pas parce que ça marche pour un grand nombre de prévisions, que cela marche forcément pour le CO2. Quelles sont les preuves que cela fonctionne ?

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      • Le prochain commentaire de pleureuse qui vient plomber l’ambiance pour le plaisir de critiquer subira un coup de ciseaux global et non négociable. Toute réponse au présent commentaire subira le même sort.

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  2. Dans tous les scénarios catastrophe des climato-alarmistes, on néglige deux facteurs importants concernant la race humaine: sa formidable ingéniosité et sa remarquable capacité d’adaptation.

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  3. L’hypothèse que les émissions de CO2 suivront une courbe logistique plutôt qu’une exponentielle, est dans ce cas supporté par les « classiques » courbes de Kondratieff, illustrant les cycles des vecteurs énergétiques utilisés par le passé ( https://www.sociostudies.org/almanac/articles/energy-_kondratieff_waves-_lead_economies-_and_their_evolutionary_implications/ & aussi https://www.dropbox.com/s/7qpvdqxielo3ego/Kondratieff%20curve.xlsx?dl=0 ). En sera-t-il encore ainsi pour le futur? Seul l’avenir nous le dira, mais je suis convaincu que la température moyenne globale (l’indicateur climatique de référence du GIEC, dont on peut cependant contester la signification thermodynamique, la température étant une grandeur intensive, et donc par essence locale) restera sous les 1.5°C fatidiques (on se demande bien pourquoi d’ailleurs, aucun fait scientifique justifiant cette limite). Une analyse non linéaire des données climatiques (mesures directes de température et proxies) incitant même à penser qu’en fait, nous nous orientons vers un refroidissement « moyen » au long des prochaines décades ( https://file.scirp.org/pdf/ACS_2019010914482656.pdf ).

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  4. Je ne suis pas scientifique, mais je réfléchis –ce n’est pas incompatible, remarquez !–.
    De même qu’on peut admettre qu’une épisode météo puisse s’emballer très localement, pour un très court laps de temps [ Je pense notamment au 16 avrli 2005, où une forte pluie en plaine, avec de la neige au dessus de 800 mètres d’altitude, avait amené une brutale chute de la température, et la neige était tombé très fortement en plaine sur une surface de quelques dizaines de km2 –plus de 20 cms à moins de 300 m. d’altitude. — épisode qui a été appelé : inversion de température– ].
    De même, j’ai du mal à admettre que le climat, à l’échelle de la planète, sur une durée indéterminée, puisse s’emballer ; qui plus est, au delà d’une MOYENNE de température MONDIALE !
    Même si j’avais été réchauffiste, j’aurais difficilement pu admettre cette fameuse théorie des 2°C !
    Climatiquement vôtre. JEAN

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  5. Ce qui m’inquiète un peu c’est que je venais sur ce forum pour découvrir des analyses contradictoires sur les thèses du RCA. Mais au fil du temps, je constate un tassement des avis et on en vient à simplement se demander lequel des modèles du GIEC est le plus réaliste linéaire ou exponentiel avec des augmentations plus ou moins importantes de CO2 , gaz que je croyais avoir lu lavé de tout soupçon et créateur du verdissement de la terre.
    bref je vais finir par tomber dans la peur exponentielle decrite si souvent ici. Mais j’espère toujours.

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  6. Oui c’est vrai. Mais vous terminez avec une corrélation CO2 et sensibilité climatique (en parlant de la fourchette haute et basse du Giec prédite pour la température générée par un doublement CO2).
    C’est ce que je soulignais et qui me tarabustait un peu
    Bonne soirée.

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    • ce graphique de sensibilité, lié à l’amplification du soi-disant effet de serre atmosphérique, est la clé de toute « projection ». La sensibilité est directement liée à l’amplification du « forcing CO2 » par la somme des autres forcings naturels (somme qui n’est rien d’autre qu’un « potentiomètre » d’ajustement). Les commenter ne veut pas dire que l’on endosse les modèles du GIEC. Que du contraire: ce qui a été fait plus haut dans cette discussion est une démonstration par l’absurde (en reprenant les modèles du GIEC) de l’ineptie de cet objectif de 2°C ou 1.5°C. Ceux qui se mobilisent pour l’atteindre, sont en retard scientifique d’une demi décennie, m^eme s’ils se contentent de lire les rapports du GIEC pour se faire révéler la « vérité climatique ».

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  7. Il ne faut pas oublier que dans le scénario RCP8.5 (en 2100) on a +6.6 W/m2 (part du CO2) +1.9 W/m2 (part de CH4, N2O et halocarbones) –> la somme fait bien 8.5. On retranche aussi -0.1 W/m2 (part des aérosols, 03, etc.) . Total 8.4
    En bref, il n’y a pas que le CO2 dans l’histoire

    La phrase « Or, tous les calculs des objectifs à ne pas dépasser en température sont basés sur 936 ppm. L’étude citée plus haut montre que cela a une probabilité très faible de se produire. » est incompréhensible.
    Celle qui se rapproche le plus, dans le texte initial est « Consequently, the findings of any impact assessment based in RCP8.5 should be critically reviewed, as they reflect a highly unlikely, if not impossible, outcome. » ce qui peut être traduit par « Par conséquent, les conclusions de toute étude d’impact fondée sur le RCP8.5 devraient faire l’objet d’un examen critique, car elles reflètent un résultat hautement improbable, voire impossible. ». Et une telle phrase c’est un épouvantail car aucune étude d’impact sérieuse ne se contente d’un seul scénario. De telles études utilisent en général plusieurs scénarios (6.0, 4.5) ainsi que plusieurs modèles (de climat) et plusieurs méthodes de régionalisation (de ces climats à grosses mailles). L’idée étant d’avoir une estimation de la sensibilité des modèles d’impact.

    Donc, en résumé, la validité du scénario RCP8.5 n’intéresse pas grand monde. Les vrais problèmes sont ailleurs.

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    • Le scenario RCP 8,5, initialement conçu comme le scenario extrême, est devenu le scenario de référence par rapport auquel on établit les contraintes pour arriver à l’objectif de rester en dessous des fatidiques 1,5 degrés. Car si les chiffres sont en valeur absolue, les contraintes elles seront bien en relatif par rapport à la référence « business as usual »
      Il est aussi celui dont les media et les politiques se servent pour étayer le catastrophisme.
      Kevin Murpphy dit entre autres:
      « AR5 does not provide probability assignments for any of the RCPs, and yet many impact assessments utilize RCP8.5 to declare consequences of inaction. For example, while RCP4.5 and RCP8.5 are utilized for the Fourth National Climate Assessment (NCA4), the majority of its assertions are based in RCP8.5. The NCA4 states, “RCP8.5 implies a future with continued high emissions growth, whereas the other RCPs represent different pathways of mitigating emissions.” »

      (AR5 ne fournit pas de calculs de probabilité pour les RCP, et de nombreuses études d’impact utilisent RCP 8,5 pour lister les conséquences de l’inaction. Par exemple, alors que la 4ème étude d’impact (du GIEC) utilise RCP 4,5 et 8,5,la majorité de ses assertions sont basées sur RCP 8,5. Cette 4eme étude du GIEC énonce; « RCP 8,5 implique un futur avec des émissions continuement en hausse, alors que les autres RCP représentent différentes trajectoires de réduction des émission)

      Sur son blog, Judith Curry continue cette discussion, en particulier elle distingue le scenario du pire « concevable ( « académique » ) (RCP 8,5 ) et le scenario du pire « plausible » qui devrait être seul utilisé pour les études d’impact (et donc l’établissement des contraintes). Elle suggère d’affecter des probabilités à ces scenarios.

      L’épouvantail, utilisé par les catastrophistes, c’est bien le scenario RCP 8,5 lui même.

      Mon propos était de souligner un point parmi d’autres du catastrophisme ambiant et pas de présenter cela comme le seul sujet.
      Si « les vrais problèmes sont ailleurs » je vous invite à les exprimer ici pour le profit de tous.

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