Émission sur RTS

L’émission « Prise de Terre » sur la Radio Télévision Suisse a diffusé samedi la première partie d’une émission intitulée « Climatosceptiques : entre doutes déraisonnables et manipulation ». Avec un titre pareil, vous imaginez ce qu’était l’orientation générale de la discussion, à laquelle ont néanmoins été indirectement invités deux voix climatosceptiques, celles de Michel de Rougemont et de votre serviteur.

Amis climatosceptiques qui écouterez l’émission, retenez-vous de ressentir la consternation navrée habituelle devant la partialité journalistique sur le sujet. D’accord, il y a le titre de l’émission (qui, curieusement, ne m’avait pas été donné avant de m’interviewer). D’accord aussi, il y a le résumé :

Imposture, mensonge, escroquerie! Voilà ce que serait le réchauffement climatique selon ses rares détracteurs. Malgré les preuves accumulées, le mouvement climatosceptique continue de nier l’évidence: la planète se réchauffe et l’homme en est le principal responsable.

Qui sont-ils? Quelles sont leurs motivations? Comment est né et s’est propagé ce mouvement?
Dossier en 2 volets sur des « semeurs de doutes » que le journaliste enquêteur du « Monde » Stéphane Foucard qualifie de « populistes du climat ».

D’accord encore, il y a l’introduction où la journaliste hurle pour ainsi dire son point de vue (on a l’impression qu’elle a peur qu’on la prenne pour une déviante : rassurez-vous chère madame, en Suisse, sauf erreur, on ne va pas en prison pour délit d’opinion). D’accord, enfin, il y a la mise en forme de l’émission : mon intervention (en différé), puis une réponse en direct d’une climatologue, puis l’intervention (en différé) de Michel de Rougement, suivi d’une réponse en direct de Stéphane Foucart (avec un « t », sauf erreur, chers journalistes de la RTS !), et enfin une discussion entre les deux carbocentristes susmentionnés.

D’accord, donc, en un sens les conditions étaient parfaites (et assumées) pour présenter les climatosceptiques comme des bêtes curieuses, dont on ne donne à entendre les grognements que pour mieux expliquer comment s’en méfier.

Mais il faut savoir voir au-delà les apparences, et cette émission a en réalité pleinement de quoi satisfaire les climatosceptiques.

Tout d’abord, mes propos (tout comme, je suppose, ceux de Michel de Rougemont), ont été loyalement rapportés, et en longueur. Le premier à avoir parlé, et pendant un bon bout de temps, c’est quand même bibi. Pour cela, je remercie l’émission de façon sincère.

Ensuite, s’il est manifeste que le but était de montrer les climatosceptiques dans leur cage pour faire peur au bon peuple, il est tout aussi manifeste que l’émission a complètement échoué dans cet objectif. Je ne me place pas ici sur le plan de la valeur des arguments donnés (et m’abstiendrai donc d’en remettre une louche sur les miens), mais sur le strict bilan de ce que peut retenir un auditeur un peu attentif et critique.

À mon humble avis, ce que l’Helvète moyen a entendu sur sa radio publique ce samedi matin, ce sont quatre voix qui avaient toutes l’air à peu près raisonnables. Ce n’était pas les climatosceptiques délirants et vociférants face aux carbocentristes pondérés et compétents. Ensuite, l’auditeur s’est fatalement rendu compte que les climatosceptiques ne jouaient pas à armes égales (puisque ce n’était pas un débat mais un commentaire carbocentriste de propos climatosceptiques préenregistrés), et qu’ils auraient donc probablement eu de quoi redire aux propos carbocentristes qui suivaient. Par exemple, la climatologue chargée de dézinguer commenter mon intervention n’a même pas songé à répondre à la question que se sera pourtant posée tout auditeur un peu attentif : pourquoi diable les climatosceptiques prétendent-ils qu’il y a un plateau de températures ? « Il n’y a pas de plateau », c’est quand même un peu léger, comme réponse, il me semble…

Ma commentatrice n’a rien répondu sur la hausse du niveau marin, ni sur l’épistémologie de la pseudo-science, se contentant d’asséner des considérations oiseuses sur le fait que je parle de « théorie dominante » et que c’est pas bien car, comme chacun sait, il est interdit de nommer les carbocentristes – ils sont comme le vrai Dieu, dont on ne peut prononcer le nom. Par ce genre de commentaires, elle a surtout marqué son incapacité à se mettre un tant soit peu à la place de son contradicteur (et des auditeurs neutres). La réponse de Stéphane Foucart à Michel de Rougemont n’a pas été meilleure.

Non pas que les carbocentristes de service aient été particulièrement mauvais, mais plutôt qu’ils ont été incapables de porter une apparence d’estocade, malgré l’avantage qui était le leur à avoir systématiquement droit au dernier (et long) mot.

La discussion finale entre les deux carbocentristes a produit une pathétique mise en abyme de l’émission elle-même. Ceux-ci ont benoîtement expliqué qu’il fallait éviter de trop donner la parole aux climatosceptiques pour ne pas donner l’impression qu’un débat existe. J’ignore s’ils se sont rendu compte que l’effet de l’émission a pourtant précisément été celui-là.

Bref, l’émission s’est soldée par un match nul, alors que tout avait été fait pour aider les carbocentristes. Chers contradicteurs, on attendait mieux de vous…

Samedi prochain sera diffusé un second volet. Au vu du titre, je suppose que le premier portait sur les « doutes déraisonnables » et que le second parlera des « manipulations ». J’ai eu à répondre à quelques questions là-dessus au cours de mon interview, j’imagine donc qu’on m’entendra encore, même si je n’ai pas dit grand chose.

Je vous avoue que je suis quelque peu inquiet pour ce second volet. Qu’on commente bêtement mes propos, ça me fait plutôt rigoler. En revanche, l’éventualité qu’on se permette de jeter l’opprobre sur certains climatosceptiques en les soupçonnant de choses condamnables, ça me gêne vraiment. (Là pour le coup, je préfèrerais qu’on ne cite pas de nom.) Ou alors, si l’on prétend faire un procès, qu’on accorde aux accusés une vraie possibilité de se défendre — sans oublier qu’au tribunal c’est la défense qui parle en dernier.