A en lire la presse au passage de l’ouragan Irma il y a un an, nous étions en train d’assister au passage d’un monstre climatologique hors norme, « le plus important cyclone de l’histoire climatologique » (Europe 1), « Le plus puissant jamais mesuré dans l’Atlantique » (Le Monde).
Si nous avions pris soin de montrer qu’il n’en n’était rien et que cet ouragan de catégorie 5 ne sortait pas de la norme attendue, aussi bien à l’analyse de paramètres météorologiques usuels comme ceux de la pression et des vents qu’à celle de ses paramètres secondaires, il pouvait tout de même lui être attribué un record notable dans l’Atlantique Nord : celui des plus forts vents soutenus sur la durée. Celui-ci vient de tomber, suite à une mise à jour et une correction du National hurricane center (NHC) de Miami.
Des vents nettement moins forts et soutenus qu’initialement estimés
Il y a un an, les décodeurs du Monde montraient, dans une infographie simplissime, qu’Irma avait battu tous les records de vents soutenus dans la durée dans l’Atlantique et au-delà, au niveau mondial.

Or, le NHC, dans une indifférence médiatique générale, a publié au 30 juin dernier son dernier rapport sur l’ouragan Irma où l’on peut y voir que les plus forts vents soutenus ne sont plus de 295 km/h mais de 285 km/h (155Kt) et non plus sur une durée de 33 h mais de moins de 24h !

Dans l’Atlantique Nord, l’ouragan Allen (1980) égale Irma en durée des plus forts vents soutenus >=155Kt (285km/h) avec néanmoins un pic de vents soutenus pour Allen à 165Kt (305 km/h), ce qui classe ce dernier comme l’ouragan le plus venteux de l’Atlantique Nord, aussi bien en durées cumulées à cette vitesse de vents qu’en valeur absolue de vents soutenus.
Enfin notons qu’avec des vents maximaux soutenus passant de 295 km/h à 285 km/h, Irma n’entre plus sur le podium des ouragans les plus venteux de l’Atlantique Nord.

A l’avenir, récentrons le débat sur notre préparation aux catastrophes naturelles
Annoncé comme l’ouragan de tous les records dans le bassin Atlantique, l’ouragan Irma, malgré ses vents exceptionnellement forts, fut au final un ouragan majeur sans record notable à cette échelle. On ne peut pas dire qu’une grande majorité de la presse ait visé juste en qualifiant Irma de tous les superlatifs de puissance. De là à dire que si cette presse était capable de se tromper sur un phénomène météorologique aussi bien appréhendé que celui des cyclones, elle pourrait également manquer de discernement sur le sujet du climat, il n’y a qu’un pas ; pas qu’ici j’assume de franchir.
Car sur le fond, tous ces débats autour du CO2 qui généreraient des monstres météorologiques supposés inédits masquent en réalité les vrais débats politiques sur notre préparation face à des catastrophes naturelles depuis longtemps connues et ces débats, en ce triste anniversaire d’Irma, nous les devons avant tout aux sinistrés du nord des petites Antilles et plus largement à tous non concitoyens exposés à ces risques de catastrophes naturelles.
Dans des pays réellement libres et éclairés par la science et la technique, il en va de l’honneur et de l’utilité de la presse, au service des citoyens et de la démocratie, de se pencher sérieusement et sans chasse aux sorcières sur les responsabilités politiques qui ont été à la base de nos déficiences en matière de préparation et de résilience et non d’alimenter continuellement la propagande et l’obscurantisme autour des théories carbocentristes ; néo-fatalisme fort pratique pour évacuer toute responsabilité politique et administrative, qu’elle soit locale ou nationale, face à un cyclone de catégorie 5, attendu dans cette région et pour lequel nous aurions pu être mieux préparés.
Au-delà de cette question d’utilité publique, je vous invite à me communiquer tous travaux de chercheurs dans les domaines des sciences politiques, sociales et anthropologiques sur les logiques plus ou moins conscientes de nos sociétés qui les poussent à opter pour une forme d’obscurantisme après de grandes catastrophes naturelles.