L’écologisme et la démocratie dévoyée

Comme au bon vieux temps du Politburo soviétique, les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat ont donc été d’accord sur tout. C’est ainsi qu’avec des co-présidents tels que Laurence Tubiana, ambassadrice pour la COP21, et Laurent Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, mais également avec un garant aussi objectif que Cyril Dion, qui attaque l’État pour « inaction climatique », tout a été pour le mieux dans le meilleur des villages Potemkine. 149 propositions retenues sur 150. Un taux de succès de plus de 99 %. La psychologie des groupes le savait déjà, mais les organisateurs ont brillamment redémontré qu’il était parfaitement possible de conditionner une assemblée entière de citoyens sans coup férir.

Fait du prince, la convention dite « citoyenne » a été mise sur pied en-dehors de tout cadre démocratique habituel. Exit le Parlement, donc, mais exit aussi la Commission nationale du débat public, dont on pourra se demander une fois encore l’intérêt qu’il y a à si bien rémunérer sa présidente.

Selon les éléments de langage officiels, nos 150 citoyens aléatoires non seulement se sont forgés un avis éclairé et impartial sur un ensemble de questions complexes en à peine quelques semaines, mais en plus y ont trouvé les solutions les mieux adaptées. Il suffisait d’y penser. Nul doute qu’en sera tirée la conclusion qui s’impose : nous pouvons enfin dissoudre, pour le plus grand bien de nos finances publiques, tous ces comités Théodule du climat à qui la collectivité nationale verse salaires, indemnités et défraiements depuis tant d’années, de l’Accélérateur de la transition écologique à l’Agence de la transition écologique en passant par l’Autorité environnementale, sans oublier le Conseil national de la transition écologique — à ne pas confondre avec le Comité d’experts pour la transition énergétique ou avec le Haut Conseil pour le Climat (attention : majuscules de rigueur).

Ne laissons pas ce joli monde dans l’inquiétude : on plaisante, il ne risque rien. De plus, les propositions de la Convention ne sont que les mêmes antiennes déjà ressassées depuis bien longtemps, sans que personne ne réfléchisse jamais sur les raisons qui font qu’elles ne sont pas appliquées, ou rapidement abandonnées à peine mises en place. Rappelons par exemple que l’isolation des bâtiments, une idée apparemment sympathique pour réunir le social et l’environnemental, figurait déjà au menu du « grenelle de l’environnement », il y a treize ans de cela ! Plutôt que de réinventer la roue, il eût été plus utile de réfléchir sur ce qui ne tourne pas rond dans ces vieilles lunes.

Si certaines propositions ne sont que naïves, d’autres sont extrêmement dangereuses et liberticides, notamment celle, à laquelle Emmanuel Macron a tout de même mis son veto, sur la modification du préambule de la Constitution. Celle-ci prétend carrément subordonner les libertés publiques au respect de l’environnement. Le Premier Ministre Édouard Philippe lui-même s’en est inquiété, comme l’a rapporté le Canard Enchaîné. Même Jean-Luc Mélenchon s’est montré circonspect sur cette idée de tripatouiller la Constitution pour sauver la planète. EELV, en revanche, a approuvé sans broncher l’ensemble des propositions

Sur ces idées de modification de la Constitution, posons une question : parmi les 150 citoyens, combien y avait-il de spécialistes de droit constitutionnel disposant des compétences pour savoir ce qui relevait du préambule et de l’article premier ? Si vraiment la Convention a été représentative de la population française, alors la réponse est : zéro. La proposition liberticide provient donc à l’évidence de l’un quelconque de ces experts qui ont si bien su pousser la convention vers les idées les plus radicales. L’esprit de groupe aura ensuite aisément fait le reste, car lorsqu’on n’est pas personnellement comptable des conséquences de ses propositions, l’extrémisme est bien commode pour afficher sa vertu.

Certains trouveront « courageuse » l’annonce d’un double référendum. Téméraire serait un terme plus exact, car les Français ont déjà montré, par exemple lors de la fameuse dissolution ratée de Chirac en 1997, qu’ils goûtaient peu que le pouvoir en place fasse joujou avec les institutions. Mais au fond, ce projet de référendum est surtout très lâche. Alors que le pays désespère de trouver des points de repères solides dans ce qui devrait constituer les piliers de l’État (système de santé, éducation nationale, institutions, endettement public…), le pouvoir a choisi de faire diversion avec un sujet secondaire soi-disant consensuel.

Pendant la crise du covid-19, ce n’est pas le sommet qui a tenu le pays mais bien la base, des premières lignes qu’ont été les personnels soignants aux troupes de soutien qu’ont été agriculteurs, enseignants ou encore livreurs. Il faut se résoudre à ce que cette même base doive à nouveau pallier aux carences du sommet, en exprimant par le vote que la Constitution n’est pas un tract que le pouvoir en place serait libre de réécrire au gré de ses revers électoraux ou de ses futures campagnes. La masse, le peuple, les citoyens, appelons-les comme on voudra, ont donc une nouvelle mission : empêcher que la démagogie verte défigure notre loi fondamentale. Dès à présent, organisons ensemble ce front du refus. Par delà nos différences, rassemblons-nous pour nous élever au-dessus de la propagande écologiste et montrer que nous formons encore un peuple libre.

Tribune parue dans Valeurs Actuelles.

18 réflexions au sujet de « L’écologisme et la démocratie dévoyée »

  1. La déconnexion entre les notables parisiens et les gueux provinciaux a encore une fois été démontrée il y a quelques jours lors du second tour des élections municipales : tous les médias unanime pour parler de vague verte. Il a fallu de longs jours pour qu’enfin quelques seconds couteaux remarquent que les verts avaient remportés une poignée de villes, les principales métropoles certes, montrant le biais bobo de cette pseudo élite. Alors qu’en réalité, une abstention record dont il serait intéressant d’analyser la couleur politique, et le fait qu’il s’agit des sympathisants et des militants qui se sont déplacés, explique aussi le choix stratégique du président de prendre un LR comme premier ministre.

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    • Plus l’écart entre les experts, scientifiques et le peuple sera grand sur la connaissance scientifique liée à la situation écologique et environnementale plus il sera facile pour les gouvernements technocratique de manipuler les citoyens et plus le développement d’une autonomie écologique pour les individus sera longue.

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    • Plus l’écart entre les experts, scientifiques et le peuple, les citoyens sur la connaissance scientifique liée à l’écologie sera grand, plus les citoyens seront facilement manipulés par un pouvoir technocratique. Ce genre de convention a eu le mérite de sensibiliser aux thèmes écologiques des citoyens a priori non concernés.

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  2. Très beau billet Benoit! D’anthologie!
    «  » les organisateurs ont brillamment redémontré qu’il était parfaitement possible de conditionner une assemblée entière de citoyens sans coup férir. » »

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    • +1 j’aime beaucoup ce passage « lorsqu’on n’est pas personnellement comptable des conséquences de ses propositions, l’extrémisme est bien commode pour afficher sa vertu. »

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      • Personnellement j’irais bien rencontré Monsieur Rittaud, d’ici l’année scolaire qui vient peut-être ? Peut-être lors d’une réunion de L’Association des climato-réalistes ? Ce serait pour une discussion d’épistémologie

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  3. Bonjour,

    CCC ou KKK : le volontariat est évidemment le biais le plus trompeur de cette affaire. Le questionnaire du CESE élimine systématiquement les personnes qui ne veulent pas débattre dans ces conditions. En tirant réellement au sort 150 personnes dans la population français il n’est pas possible de trouver 100% de sympathisants écolos.

    Plus étonnant, ces patrons : https://www.lejdd.fr/Societe/danone-camif-armor-biocoop-les-patrons-de-76-entreprises-appellent-a-semparer-de-lurgence-climatique-3977632

    Je n’ai pas d’explication à part prévoir le business de l’écolologisme…

    Municipales : concernant les élections, prenons l’exemple de Poitiers, 5900 personnes ont voté écolo avec 33 % de participation (13 996 votes exprimés). https://www.ouest-france.fr/elections/resultats/vienne/poitiers-86000/

    Ecologisme : la voiture électrique avec remorque transportant un groupe électrogène à moteur thermique. Ça n’est pas une belle idée ? Le 1er avril ça aurait pu fonctionner…
    https://www.automobile-propre.com/voiture-electrique-roulez-moins-cher-avec-lep-tender/

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    • J’aime beaucoup lire Emmanuel Faber, PDG de Danone, nous servir sa soupe d’agroécologie ou que sais je, quand, en « même temps », Danone développe sa production laitière au Maroc, avec sa filiale, Centrale Laitière et ses 6000 vaches en un seul troupeau.
      Notez que je n’ai rien contre ces 6000 vaches laitières, cela correspond à des besoins locaux, mais c’est d’un tel opportunisme .

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  4. Les objectifs de la Deep Ecology sont en passe d’être atteints. Il faut se souvenir de la théorisation de la prise de pouvoir très clairement évoquée par Dominique Bourg (Membre très actif de la Fondation Nicolas Hulot) il y à de nombreuses années. Un très bon N° de Sciences Humaines (il y a au moins 5 ans) m’avait fortement interpellé. Tout ce qui se passe actuellement était déjà annoncé par ce Khmer vert:

    Constats de Bourg:
    1. Les citoyens de base ne comprennent pas clairement les enjeux environnementaux et ne vivent que dans le présent,
    2. « L’urgence climatique » prime sur tout le reste,
    3. La démocratie est inadaptée à cet état d’urgence écologique.

    Donc:
    1. Il faut une « adapter » les règles démocratiques dans le sens de cette urgence,
    2. Il faut conserver les 2 chambres (Sénat , AN) qui peuvent continuer à s’exprimer,
    3. MAIS Bourg propose la création d’un conseil des sages formé par des individus sensibles aux cause environnementales, non élus (!) ET désignés (par qui?),
    4. Les décisions de ce conseil des sages prévalent sur les décision et lois votées par les 2 chambre si ces dernières vont à l’encontre de la protection de l’environnement. Donc il s’agit très clairement d’une théocratie verte qui s’assoie sur le vote des citoyens.

    Ce qui se passe actuellement avec la convention citoyenne sur le climat colle parfaitement avec les délires de Bourg et ses acolytes. Ceci n’est qu’une répétition qui finalement semble passer comme une lettre à la poste avec la béatification des journaleux militants à 99%. Deux totalitarismes émergent (écologisme et l’hydre du progressisme-islamisme-communautarisme) qui jettent par ailleurs des passerelles idéologiques entre-elles.

    L’avenir me semble très sombre

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    • Lequel Bourg baigne dans un monde étrange construit sur des fadaises « chamanistes », il est même éditeur de son gourou (De secours); et dire que ce genre d’illuminé est considéré comme une sommité par des médias, respectueux, qui en attendent les oracles ! Et encore, ce petit mondé aurait fumé, on comprendrait, mais tout ça semble se concocter à jeun, ce qui est encore plus grave…

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    • @TLS : Je ne savais pas que Dominique Bourg était partisan du Conseil des Sages.
      C’est cette option du Conseil des Sages que l’expert Julien Betaille a défendu lors des auditions de la CCC. Voici la vidéo :

      Dans son intervention, Julien Betaille supplie les citoyens Grands-Gagnants : « Non, ne touchez pas à la constitution, car ca risque de provoquer un débat explosif sur le principe de précaution qu’on a eu tellement de mal à faire avaler ».
      J’aimerai beaucoup que les démocrates lancent un débat pour évaluer le principe de précaution. Si ca se trouve le principe de précaution est néfaste pour le climat. Libérons les petits gestes quotidiens de ce carcan climaticide.

      TLS> « L’urgence climatique » prime sur tout le reste

      La première mesure qui a été prise par les municipalités EELV fut de déclarer l’état d’urgence climatique. Mazette, nous avons bien vu de quoi il s’agissait avec le covid : l’état d’urgence est une privation des libertés. Rajoutons à cela la complaisance d’EELV avec la désobéissance civile.
      Le silence des préfets et de l’opposition est assourdissant.

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  5. Ce qui est étonnant c’est que bcp de français ne sont pas dupes de cette usurpation de démocratie via cette CCC. Mais alors pourquoi le gouvernement l’a-t-il mis en place ? Pourquoi les médias dans leur grande majorité encensent-ils cette initiative citoyenne et n’y voient aucune critique démocratique ?

    – Les gouvernants et les médias croient-ils que les gens vont tout gober, qu’ils sont suffisamment cons pour ne pas se rendre compte de cette tricherie ?
    – Les gouvernants et les médias croient-ils que dans leur grande majorité les Français veulent encore plus d’écologie et qu’à ce titre tout le monde trouvera cette initiative de CCC comme louable et bienvenue ?
    – Les gouvernants et les médias croient-il véritablement en leur fort intérieur aux deux points ci-dessus ou bien sont-il suffisamment cons pour y croire ?

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    • Réponses :
      – Oui. Ils tablent sur les 60 % qui s’en foutent et/ou sont intoxiqués.
      – Oui, les mêmes 60 % accepteront : indifférence et/ou ignorance et/ou intoxication.
      – Je crois davantage à leur cynisme qu’à leur stupidité. Mais ce peut être une association délétère…

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  6. Cherchez l’erreur du véhicule électrique en ville.
    Qui suis-je?J’habite en ville et je roule en voiture électrique que je peux recharger chaque soir dans ma maison chez moi: Je suis un bobo des villes qui vote écolo
    Qui suis-je ? j’habite en ville et je roule en voiture à moteur thermique parce que je ne peux pas recharger chaque soir chez moi un véhicule à moteur électrique: Je suis Mme, Mr tout le monde des villes qui habite un appartement dans un immeuble. Je ne vais plus voter.

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    • Du peu que j’ai pu étudier l’année dernière pour la mobilité. Les véhicules électriques sont intéressant mais uniquement sur de courtes distances, en ville notamment. Des transports en commun électrique seraient un choix stratégique. D’autant que l’électrique accélère très vite, c’est idéal même en terme de conduite pour la ville. Les moteurs essences et diesels sont aujourd’hui particulièrement performant et peu polluant pour les grandes distances. On peut penser ici aux moteurs à grosses cylindrées des berlines allemandes avec un Crit’Air 1… En sommes les véhicules hybrides semblent l’idéal. Privilégier le covoiturage, les transports en commun, le transport par rails, éviter le trafic aérien même pour des raisons de nuisances sonores ou de pollutions au-dessus des villes d’Île-De-France par exemple.
      En terme de « progrès » les batteries s’améliorent et peuvent s’améliorer. C’est très important pour les ENR aussi du fait de leur intermittence. Un expert comme Jancovici – accordez-le au moins pour ce qui est de l’énergie – est de ce fait contre les ENR. Beaucoup d’ingénieurs ou d’experts plus jeunes évoquent l’intérêt des ENR avec deux stratégies différentes : pas de stockage (rare), il faut changer notre rapport à la production électrique ou du moins pas de stockage pour toute la production électrique ou stockage intégral avec le progrès des batteries (fréquent). En tout cas il n’y aura pas de progrès des batteries comme il y a eu un progrès des semi-conducteurs. Il y a pour les batteries une limite chimique, puisqu’elles exploitent la mobilité ionique, tandis que les semi-conducteurs n’avaient pas cette limite, puisqu’ils exploitent la mobilité des électrons. Du moins la miniaturisation ou la configuration topologique des transistors des CPU n’ont atteint que très récemment des limites physiques mettant fin à la conjecture (parfois dite « loi ») de Moore.

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