Turn au vert

par Philippe Catier.

On ne peut qu’être intrigué par le fait de voir l’enfermement idéologique dans lequel baignent nos dirigeants concernant la transition énergétique. L’activisme dont ils font preuve concernant l’objectif de « décarbonation » de l’énergie en remplaçant une énergie déjà décarbonée, nucléaire et hydraulique, par une autre, éolienne et photovoltaïque, n’a apparemment pas de sens.

On peut également s’étonner de l’empressement à mettre sur le marché des véhicules électriques dont on sait qu’ils ne répondront pas de sitôt à la demande et que leur bilan en émission carbone ou particules (pneus, freins, route) est équivalent au diesel. Sans compter la destructuration de l’industrie automobile que cela implique.

Toutes ces questions ne peuvent se résoudre en invoquant seulement l’incompétence de ceux qui nous gouvernent. Mais quelles sont leurs bonnes raisons ?

On peut évoquer, comme je l’ai déjà fait (les masques), la nécessité de parer à la baisse de la production pétrolière inéluctable à terme ou un souci d’indépendance énergétique en passant au tout électrique. Mais, encore une fois nous avons déjà le nucléaire…

Il est également légitime d’invoquer la nécessité de brosser les partis écologiques dans le sens du poil pour s’assurer une élection présidentielle. Ces partis sont en effet à l’origine des décisions fondamentales que sont l’abandon du nucléaire et la volonté de décroissance.

Mais tout cela, bien que réel, est-il vraiment suffisant pour engendrer un tel bouleversement ?

Une autre raison plus prosaïque se dessine, cette raison que tout économiste connaît : C’est la nécessité pour le marché de renouveler constamment ses produits pour faire tourner la machine, le changement étant le moteur de la consommation, génératrice de profit. Ce mouvement perpétuel a donc besoin d’être alimenté en permanence par de nouveaux produits. L’écologie n’y échappe pas et se trouve même être une opportunité formidable pour le développement économique en permettant de rebattre complètement les cartes du secteur énergétique, lui-même organe essentiel de la machine.

C’est ainsi que ce « turn over » des marchandises tourne au vert…, paradoxe extraordinaire pour un mouvement qui a pour projet fondamental de sortir du capitalisme destructeur. Ce dernier d’ailleurs ne se prive pas d’annoncer la couleur par un « green washing » permanent et à toutes les sauces : même Total, l’ennemi juré, ne s’en prive pas en faisant sa publicité sur le développement de parcs éoliens dont il projette d’inonder le pays. L’absorption de l’écologie par le marché nous est d’ailleurs parfaitement demontré par Moore dans son récent film « planète of humans ». Le marché recycle tout à son profit par une capacité d’adaptation qui fait vraiment la différence avec les sociétés dont l’économie est administrée.

C’est pourtant ce que va tenter de faire la « commission citoyenne pour le climat » en produisant un rapport dont l’axe central est truffé d’interdictions et de taxes en tous genres destinées à freiner « quoiqu’il en coûte » la consommation : produire moins, consommer moins, travailler moins…

Le match est donc engagé entre deux concepts tout aussi inquiétants : soit la décroissance « anticapitaliste » et surtaxée écologique fatale à l’économie, soit la création ex nihilo d’un marché de couleur verte, à de nombreux titres artificiel et subventionné, mais qui suit la doctrine du turn over permanent et qui risque d’aggraver la situation par taxes et impôts excessifs, voire simplement par déficit de la demande ( industrie automobile par exemple) Dans les deux cas le virus vert est inoculé dans le système et s’apprête à engendrer l’écroulement que les collapsologues annoncent… mais avec un raisonnement différent puisqu’ils pensent à l’inverse que c’est la décroissance heureuse qui sauvera l’humanité.

L’échec est contenu dans ce piège contradictoire issu de l’écologisme et du marché.

21 réflexions au sujet de « Turn au vert »

  1. Votre article décrit très bien la situation. Cette opposition des deux camps verts fait inévitablement penser à la communication paradoxale du pervers narcissique. « Le pervers communique de façon paradoxale ce qui va lui permettre d’assujettir sa victime. En perdant son souffre-douleur dans un dédale d’informations contradictoires, il empêchera de prendre de la distance, de penser et de réagir sainement. » nous dit Jean-Charles Bouchoux (Les Pervers Narcissiques, éditions Eyrolles, 2011) comme s’il parlait aussi des agissements de notre gouvernement pendant l’épidémie et encore maintenant avec la fausse sortie de l’état d’urgence sanitaire (le projet de loi n°3077).
    On retrouve également dans votre description la mise en œuvre du « capitalisme de connivence » dénoncé régulièrement par Charles Gave, inventeur du nom. Selon que vous êtes plus ou moins proche du pouvoir, les règles ne sont pas les mêmes. Proche de la banque centrale, vous bénéficiez de la liberté du néo-libéralisme, de la dispense fiscale, des aménagements légaux pour faciliter l’implantation de vos éoliennes, des taux d’intérêts proches de zéro. Loin du pouvoir, vos revenus sont entamés par un taux de prélèvements obligatoires de 46%, on prévoit de nouvelles taxes confiscatoires, une réglementation envahissante vous enferme et vous vous débattez dans une société communiste et liberticide.
    Ces deux volets seront menés « en même temps ». Dans d’autres époques et pays, on appelait ce genre de régime un régime d’apartheid.
    Une dernière chose me paraît très inquiétante: la fascination du pouvoir politique pour la chose médicale, avec cette volonté récurrente de manipuler les corps, d’ordonner très concrètement ce qu’on va y faire entrer, médicaments, vaccins, et de pénétrer à l’intérieur de la relation médicale entre un médecin et son malade. Cette obsession pour la possession du corps des autres, qu’on peut trouver chez certains fanatiques de campagnes vaccinales coercitives mondiales, évoque malheureusement beaucoup certains ingrédients du nazisme.
    Tout ceci , n’est pas sain.

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    • Il est en effet trés révélateur de voir comment les réactions à deux phénomènes apparement distincts comme le climat et l’agression virale créent des similitudes comportementales lièes peut être à l’absence de visibilité concrète, au caractère virtuel du problème seulement défini par la peur qu’il engendre. Le syndrome du lapin dans les phares paralysé d’angoisse jusqu’à abdiquer sa liberté de fuir le danger qu’il ne connait pas et à s’en remettre au puissant.
      Et le puissant détendre son pouvoir…
      Tout ceci n’est pas sain en effet

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      • Tant que l’on ne voudra pas comprendre que le virus et le climat sont les deux facettes d’une adaptation inéluctable au pic pétrolier, (et il y en aura sans doute d’autres, menant toujours vers moins de liberté, moins de déplacement, moins de dépense énergétique donc) on ne peut saisir ce qui se passe. Une fois qu’on accepte cette hypothèse de base, tout devient assez limpide. Il n’y a plus de pervers narcissiques: il y a juste une grosse M..rde noire en vue pour notre civilisation, et que ceux qui nous dirigent traitent comme d’habitude, par le mensonge et l’omission.

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      • Et pour developper (un peu) sur le caractère de ces deux facettes, je conclurai en disant que le climat donne la nouvelle orientation pour notre économie, qui doit devenir plus sobre et bien entendu verte. Pour ce faire, le virus a pour rôle de détruire l’ancienne économie, dont la gabegie en matière energetique est quand même indiscutable. Ou comment passer de l’ère de l’avion a celle du vélocipède.

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  2. Simplement, ces dirigeants de grands groupes ont compris le problème posé. Puis admis la réalité des choses et tentent de s’y adapter sans s’enfermer dans un entêtement suicidaire. Le business est ainsi fait, c’est sans doute son meilleur côté. Ceci dit, si Total est l’un des grands pétroliers qui est sur cette ligne, ce n’est pas le cas de tous, les américains en particulier. Il est vrai que le candidat président qu’ils ont soutenu ne les incite pas vraiment.
    Mais quoiqu’il en soit, ce ne sont pas les écologistes et leurs lobbies anti tout qui motivent les industriels, ce sont les scientifiques, les marchés qui se dessinent, les startup qui réussissent, qui innovent, imaginent, s’adaptent aux nécessités de demain. L’énergie est la plus importante des adaptations, mais elle n’est pas la seule, l’alimentation, donc l’agriculture va aussi devoir s’adapter. La question qui se pose, c’est le temps de réponse de l’adaptation.

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  3. Adopter ces mesurettes dérisoires alors que la plupart des plus grands pollueurs de la planète ne sont pas disposés à entreprendre quoi que ce soit de radicale pour gérer la crise climatique , fera perdre à la France du terrain dans la compétition mondiale ,ce qui affaiblira son économie et accentuera les tensions sociales. Je ne suis pas certain que les jeunes bobos qui s’imaginent naivement qu’on peut concilier la lutte contre le réchauffement climatique avec la préservation de notre niveau de vie , continueront à mettre les problématiques écologiques au centre de leurs préoccupations quand ils n’auront plus de boulot

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  4. Tout cela finira mal.
    L’économie de marché est totalement dévoyée par les politiques. En faussant le marché, croyant le réguler, ils créent de nouveaux problèmes, et essaient de les résoudre avec toujours plus de réglementations et de taxes, créant encore d’autres problèmes, etc… .
    En voulant s’immiscer dans l’économie libérale, celle-ci ne le devient plus : il devient effectivement un capitalisme de connivence, marqueur absolu des régimes non démocratiques, liberticides.
    Ils font l’erreur fondamentale décrite par Frédéric Bastiat avec son sophisme sur la vitre brisée : ils pensent relancer l’économie en détruisant les outils existants pour les remplacer par d’autres plus « vertueux ». Mais qui sont en réalité extrêmement coûteux, peu voir pas efficace mais donnant seulement bonne conscience. Avant l’effondrement.
    Il a fallu 70 ans pour que disparaisse l’URSS.
    Donc notre chute n’est qu’une question de temps.

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  5. Rien à redire à votre analyse. Juste un commentaire sur cette idéologie verte portée par des personnes qui ne connaissent pas leurs dossiers. Le pétrole, que les écologistes souhaitent remplacer, ne sert pas qu’au domaine énergétique, il est à la base de toute l’industrie chimique. Ainsi, arrêter l’exploitation du pétrole, comme le souhaite bon nombre d’écologistes, nous conduira à repenser entièrement, par exemple, la synthèse de polymères qui sont omniprésents dans notre vie quotidienne. Y compris justement pour diminuer nos besoins énergétiques puisqu’ils sont plus performants que tous les matériaux qu’ils ont remplacés depuis le début de l’ère industrielle. Sans polymères, vous ne faites pas d’éolienne, d’ordinateurs, de téléphones (les jeunes qui défilent pour le climat ne semblent pas conscients de cela), de véhicules (sauf à ce qu’ils consomment plus), de vêtements (sauf à revenir exclusivement au coton avec les problèmes de terres disponibles et d’épandages massifs de produits chimiques pour les produire)… La liste est longue. Tous ces matériaux devront être remplacés quand le pétrole viendra à manquer mais nous ne savons pas encore le faire, et cela conduira aussi à de nouveaux défis environnementaux, le premier étant: quelles terres disponibles pour la production de molécules biosourcées? Les déchets organiques suffiront-ils à répondre à nos besoins…etc
    On pourrait ajouter à cette liste la production de médicaments…
    Les écologistes de l’extrême n’ont pas du tout intégré cela dans leur logiciel et n’ont pas compris que l’on ne peut pas faire de changement brutal de mode de vie.

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    • Pour voir l’effet d’un changement rapide de mode de vie (en une quinzaine d’années), voyez l’exemple du Venezuela. Exemple: les centrales thermiques sont en panne faute d’entretien, le pays dépendait du barrage de Guri à plusieurs centaines de kilomètres de la côte habitée. Un incendie a détruit une partie des lignes haute tension. Depuis les Vénézuéliens vivent avec des délestages électriques récurrents, pendant lesquels il n’y a plus d’eau (pompes), plus d’assainissement, plus de téléphone portable.

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  6. « soit la décroissance « anticapitaliste » et surtaxée écologique fatale à l’économie, soit la création ex nihilo d’un marché de couleur verte, à de nombreux titres artificiel et subventionné »

    Bien vu : deux forces contradictoires mais qui vont dans le même sens.
    Ce qui est très perturbant c’est que tout va très vite.
    Et la moindre occasion (comme la crise du covid par ex.) est utilisée pour aller encore plus vite.
    Et tout ce mouvement n’a qu’un prétexte : le RCA via les emissions de CO2 que plus personne ne veut contester (ni les journalistes qui normalement devraient enquêter, ni les scientifiques dans leur grande majorité qui ont soit peur, soit s’en foutent).
    Et pourtant c’est finalement cet aspect scientifique fondamental concernant le CO2 qui devrait être questionné.

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  7. Pour ce qui est du pic pétrole, l’hypothèse est aussi ridicule que celle de notre contrôle du CO2. En investissant dans les méthodes d’extraction des hydrocarbures non-conventionnels, on a au moins 4 siècles de ressources devant nous. Voir les rapports IFPEN, notamment celui de 2013.

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      • Même si elle n’espère avoir la technologie que dans une trentaine d’années la Chine est prête à la confrontation armée pour accaparer les réserves de méthane autour des îles Senkaku. Il y en assez pour assurer son indépendance énergétique pendant très longtemps. Dans l’intervalle, les gaz et pétrole de roche mère seront de plus en plus accessibles. Qui a besoin de l’Arabie Saoudite ?

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  8. Illustration dans Le Monde de ce week-end :

    Jean-Pierre Clamadieu : « Il ne faut surtout pas reculer dans la lutte contre le changement climatique »
    Le président d’Engie était l’invité du Club de l’économie du « Monde » jeudi 25 juin en visoconférence. Il revient sur l’urgence d’une relance marquée par l’accélération de la transition énergétique.
    Propos recueillis par Philippe Escande et Nabil Wakim Publié le 26 juin 2020 à 10h15 – Mis à jour le 26 juin 2020 à 16h37

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/26/jean-pierre-clamadieu-il-ne-faut-surtout-pas-reculer-dans-la-lutte-contre-le-changement-climatique_6044249_3234.html

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  9. une ancienne ministre de l’ecologie qui a des infos de temperature de « plus de 45°C en siberie » pour justifier des mesures de controle des voyages en avion..
    Bon pourquoi pas ,mais quel besoin de lancer des chiffres au hasard alors que l’info reelle etait de 38°C.Record non encore homologué et qui ne depasse que de 0.7°C l’ancien qui date de….1988..

    https://www.liberation.fr/checknews/2020/06/25/une-temperature-de-38c-a-t-elle-vraiment-ete-enregistree-en-siberie-ce-samedi_1792267

    https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/environnement-des-deputes-proposent-un-quota-carbone-individuel-pour-limiter-l-usage-de-l-avion-bb1c7edd1dee741a0f938f5c23437b7b

    Apres de telles approximations on peut se demander comment ces gens peuvent etre pris au serieux

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    • Le Big Brother vert est en train de se mettre en place en Europe, avec réduction potentielle des libertés et régression économique, facilitée par un certain virus arrivé fort à propos. A croire qu’on a mis une puce obédiencielle dans le cerveau d’une grande partie des Européens (le vert lave t’il le cerveau plus blanc?)….La liberté de pensée est en danger dans notre pays et dans le reste de l’Europe. Ce comportement égoïste des pays nantis mené par le bout du nez par « les verts » (qui est derrière eux??) va à l’encontre du partage et du développement des pays en voie d’émergence, à l’avantage des néocolons chinois, américains et russes, chapeautés par les GAFA. La réduction du CO2 est un crime contre l’humanité: ce n’est pas avec la permaculture qu’on nourrira 10 milliards d’êtres humains, sauf peut être « l’élite intellectuelle ». Un climat chaud, avec 1000 ppm de CO2 et précipitations élevées a permis de nourrir avec une couverture végétale tropicale des tonnes de dinosaures pendant 100 Ma. Plus que les 10 millards d’êtres humains de 2050.

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