Bruno Latour : comparé au climat, le covid-19 est « un minuscule petit problème »

par le Lecteur Discret.

Poussée de fièvre climatique le matin du 3 avril 2020 sur France Inter, où plusieurs intervenants ont tenté de minimiser la gravité de la crise sanitaire actuelle face à l’urgence d’un effondrement futur.
Ce fut d’abord le tour du sociologue Bruno Latour, chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’Ordre du mérite, qui était l’invité de l’émission « Le Grand Entretien« …


Sur le caractère contre-intuitif et irresponsable de l’idée de « gestes barrières contre le retour à la production d’avant » [Séquence de 7:26 à 9:05] :

A quoi ça sert d’avoir tout arrêté, de s’emmerder à être confinés chez soi, si c’est pour reprendre exactement comme avant ? D’autant que, il faut quand même le rappeler, quand on était en janvier ou décembre, on était aussi devant une catastrophe… On allait vers une catastrophe, cette fois-ci la plus grande et la plus vaste, qu’on appelle la mutation écologique (…). Il y a deux catastrophes enchâssées l’une dans l’autre. Et c’est ça qui m’intéresse, moi : c’est que, en fait, malgré la situation tragique que nous vivons en ce moment, elle est moins tragique, pour les gens qui s’intéressent à la mutation écologique, qu’en janvier ! En janvier, on voyait une société entièrement folle (…) qui allait dans une espèce d’inconscience émouvante, bouleversante vers une catastrophe que l’on sait simplifier très bien par la question de la température du climat mondial. Ce qui est bouleversant pour moi dans cette situation, c’est que brusquement, on a un arrêt général. Et ce serait absolument terrifiant de ne pas profiter de cet arrêt général pour infléchir le système de production. Nous savons qu’il est responsable et qu’il nous précipite et qu’il nous accélère vers une catastrophe par rapport à laquelle celle du virus actuel est un minuscule petit problème… Même s’il est très tragique, évidemment… de dire ça maintenant… Ce qui est fou, ce qui est un peu indécent, c’est dire ça alors que y’a plein de gens qui sont sur le front (…).

Sur la manière dont chacun devrait profiter de la crise sanitaire [Séquence de 9:50 à 11:10] :

Est-ce que chacun de nous est capable, maintenant, de profiter de la crise, comme on profite d’une maladie (…) pour réfléchir : bon, une fois que la maladie sera finie, qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je ne vais pas changer un peu de mode d’existence ? Je crois que c’est un peu ça la métaphore qu’il faut prendre… L’autre métaphore que j’utilisais, c’est aussi celle du coup de volant : tout le monde disait, encore en janvier, c’est impossible de suspendre le développement économique… En deux mois, tout est arrêté ! Donc [petit rire], on voit bien (…) cet effet de carnaval : tout est inversé ! C’est pas moi qui suis fou, c’est la situation : une espèce d’immense carnaval où tout ce qui était impossible (de suspendre la production économique du monde entier), bah ! Ah ! Tiens ! Ben si, on peut faire ! (…). Si on profite pas de cette situation incroyable de suspens, pour se dire « alors maintenant qu’est-ce que je garde, qu’est-ce que je garde pas ? ». Si on ne fait pas preuve de discernement, c’est quand même gâcher une crise… C’est un crime ! [petit rire](…).


A propos de la supposée chance découlant de cette crise [Séquence de 11:15 à 12:17] :Bah ! Toutes les crises sont des chances si on les saisit bien… Enfin, c’est une chance… Il y a quelque chose d’indécent de dire ça (…). Mais le rôle de la pensée, c’est aussi de jouer le coup d’après ! De toute façon, on va la résoudre cette crise ! (…) La crise suivante, c’est pas du tout pareil : on ne sait pas si on peut surmonter le basculement d’une économie industrielle dans le cadre (…) de ce qui est possible écologiquement. Donc c’est ça le problème fondamental pour moi. Donc la question c’est : est-ce qu’on peut apprendre de cette crise ? Sans ça, on va reprendre exactement comme avant et on va se retrouver en juillet comme on était en janvier, c’est-à-dire devant la précipitation de toute une industrie vers un mur (…). Nous ne sommes pas les seuls, nous les écologistes au sens large, à nous préoccuper de la suite : y’a une multitude de gens qui sont en train de penser au coup d’après (…). La chose la plus intéressante dans la crise actuelle, c’est que c’est le virus qui nous donne cette leçon, parce que c’est quand même absolument inouï de penser que nous sommes tous chez nous confinés pour agir contre le virus par des gestes barrières. Donc nous réapprenons une capacité d’action qui est en fait une action de masses… Si vous voulez, moi, j’ai 73 ans, qu’est-ce que ça me rappelle ? (…) mai 68, en beaucoup plus grand, quand les usines étaient arrêtées et suspendues, quand on commençait à réfléchir à la suite (…). C’est bien un mouvement de masses : chacun de nous en restant chez nous, nous (…) redessinons une forme d’action globale qui est tout à fait extraordinaire, et c’est ça la leçon du virus ! (…)

Sur le rôle de l’Etat dans la crise sanitaire et la « crise écologique » [Séquence de 21:33 à 23:06] :

C’est une crise (…) qui (…) nous ramène quand même à l’Etat classique du XIXe siècle (…). Au fond, on est d’accord pour obéir : l’Etat a son autorité pour prendre des mesures. Dans l’autre question qui est celle de la mutation écologique, l’Etat n’a pas cette autorité et c’est ça le problème : si on disait « maintenant, nous prenons des mesures exactement aussi sévères que nous avons prises pour le Covid, nous les prenons maintenant pour la mutation écologique », par exemple : (…) on arrête de chercher du pétrole, etc. M. Macron n’aurait absolument pas l’autorité pour être obéi : ce serait des émeutes ! Le problème c’est comment on compose cette future autorité ? On ne peut pas la composer si les citoyens eux-mêmes s’en remettent à une autorité supérieure… parce qu’elle n’existe pas ! (…) Chacun de nous doit inventer des gestes barrières, ad hoc en quelque sorte : position professionnelle par position professionnelle, objet technique par objet technique, décision par décision.


A la suite de cet entretien, c’est Claude Askolovitch qui, dans sa revue de presse, choisit de traiter la crise sanitaire sous un angle « bucolique » :

Des vies sauvées grâce au coronavirus : terrible paradoxe porté par Les Echos ! Car aux vies emportées par le Covid-19, il faut opposer les vies épargnées par la mise à l’arrêt d’une partie de l’activité économique. La Chine a perdu officiellement 3 300 personnes mais la pollution de l’air lui coûte chaque année 1,1 million de morts. En France, le Coronavirus a tué quelques 4 000 fois, MAIS la pollution de l’air emporte chaque année 48 000 de nos concitoyens. Et bien, les gaz à effet de serre et le dioxyde d’azote refluent : la une de Sud Ouest me proclame un répit pour la planète. Alors, le bucolique nous prend (…). Les Echos, décidément indispensables, me disent (…) que les Bourses ont parié sur nos guérisons, ne s’effondrent pas, et préparent le retour à l’activité. Mais cette reprise sera-t-elle, comme le redoute Sud Ouest, une rechute de pollution carbonée ou inventerons-nous autre chose ? (…)

31 réflexions au sujet de « Bruno Latour : comparé au climat, le covid-19 est « un minuscule petit problème » »

  1. 1- Sublime la notion de « température du climat »: on voit là la maîtrise du bonhomme en physique (qui, entre parenthèses se vantait d’en apprendre à Einstein sur la relativité),
    2- Effrayant ce désir fou, délétère, morbide et qui suinte à chaque phrase, de voir arriver l’apocalypse et la mort, cette promesse du pire: un nouveau St Paul,
    3- Intéressante la trajectoire du mec, Torquemada de comptoir, de la folie rouge du grand soir radieux à la bêtise verte du jugement dernier, qui n’est en fait qu’un appel à la transcendance.

    On est du même âge (71 pour moi, 73 pour lui), on a vécu les mêmes époques, les mêmes évènements et je me sens à des années-lumière de ce pauvre type. Décidément, je n’ai pas la fortune que je mérite!

    Aimé par 2 personnes

  2. Fascination pour la mort et la destruction. Ce n’est même plus Philipulus qui incite à se repentir. C’est plutôt le sadique qui se réjouit de voir la perte des êtres humains et la ruine de l’économie. Terrifiant et abject.
    Cette ruine va conduire à de grandes souffrances. Pour un mort évité par la baisse de pollution due au confinement, combien de morts induits par la pauvreté provoquée par ce même confinement?

    J’aime

  3. Nous ne nous méfions pas assez. L’écologisme tel qu’il se présente est parfaitement identique des méthodes des Khmers rouge, seule la couleur change. Ces Khmers verts qui dévoilent petit à petit (il ne fallait pas aller trop vite pour ne pas affoler les gens) leur volonté de détruire tout notre système pour nous ramener 100.000 ans en arrière, sont les représentants d’un des système politique des plus dangereux.
    Méfions nous au prochaine élection, on pourrait basculer dans le pire des système.
    En ce qui concerne Claude Askolovitch, lui aussi cache bien son jeu, comme la chaîne Arte d’ailleurs et en particulier l’émission 28′ où l’égérie de l’émission arrive à introduire, quel que soit le sujet de l’émission du jour, le réchauffement climatique. Ils se retrouvent entre gauchistes mélanchonistes mafiotés par les escrologistes.

    Aimé par 2 personnes

  4. Bruno Latour nous explique en définitive que le Covid-19 en France n’aura été que la répétition générale de la grande tragédie prochainement jouée sur toutes les places: « Obéissance totale de la population à un régime coercitif ». Ceci était un exercice… Obtenir le maximum de morts n’aura été qu’un moyen et non un but, même si des pervers narcissiques ne peuvent s’empêcher d’éprouver une jouissance immédiate à la souffrance qu’ils ont provoquée tout en apparaissant comme des protecteurs (on vous interdit l’hydroxychloroquine pour prévenir vos accidents cardiaques). Las! ce virus est bien paresseux et on a beau maintenant compter les vieux tombés dans l’escalier de la maison de retraite, seule l’utilisation pleine et entière de la réserve mortuaire (6838 malades en réanimation à ce jour) va pouvoir ragaillardir la Kommandantur. N’aurait-on pas commencé à entendre murmurer le mot « génocide » au fin fond de la France jaunie des ronds-points?

    Aimé par 2 personnes

  5. Bruno Latour, chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’Ordre du mérite.
    Les décorations sont données à n’importe qui, aux pires voyaoux.
    Mes grands pères doivent se retourner dans leur tombe, eux, ils ont fait Verdun pour sauver la civilisation.

    Aimé par 1 personne

    • Mon papa, « simple » héros de la guerre de 39-45, bataillon de choc, débarquement Ile d’Elbe, Corse sur le Casabianca, Provence, blessures, outre la Croix de guerre et la Médaille Militaire a fini par obtenir 40 ans après la fin de la guerre la légion d’honneur « D.P.L.V » (Décoré au Péril de Leur Vie), remise par son lieutenant de l’époque, le (devenu) général **** Roland Glavany.
      Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans ce cas précis, c’était mérité !

      J’aime

    • Tiens ça me rappelle que mon grand-père m’avait dit que lorsqu’il est parti à la guerre 39-45, on lui a donné un fusil, mais aucunes balles !!!! C’est peu comme en ce moment avec les masques !
      Lu hier, hilarant :
      « L’Académie nationale de médecine constate qu’«en France, l’habitude n’a pas été prise de constituer un petit stock de masques anti-projection dans chaque foyer» ».

      J’aime

  6. Latour, prends garde, Latour, prends garde de te laisse abattre. Car avec toutes les carabistouilles que tu nous sors régulièrement, ta crédibilité se réduit de jour en jour et tend vers zéro.

    J’aime

  7. Une minute de silence pour les générations d’étudiants de sciences po qui ont été biberonnés de post normal science par bruno latour. Ca promet pour l’avenir.

    J’aime

  8. Dans l’Histoire, les imprécateurs ont toujours eu tort, toujours… Mais c’est un « beau rôle », valorisant et facile à tenir et une posture qui suscite la fascination morbide de certains. Mais au total, les imprécateurs ont toujours eu tort, vraiment toujours….

    J’aime

  9. IL se fourre le doigt dans l’oeil ce Latour car la crise économique liée au covid 19 est une simulation de ce qui arriverait avec la mise en oeuvre du Green deal européen : effondrement industriels chômage et misère généralisée, envolée de la mortalité infantile, faillite des systèmes de santé, émeutes, guerres et j’en passe …

    J’aime

  10. Ce matin sur Europe 1 dans l’émission de F. Taddei, j’entends Albert Dupontel (que j’aime bien par ailleurs) qui nous raconte que la pandémie actuelle est due à la nature qui se révolte et à la modernité alors que c’est au contraire un comportement ancestral de chasse (au lieu de se nourrir d’animaux d’élevage) qui nous a amené là ! On a eu droit à tous les poncifs écolos, faut écouter ça… Franchement, je n’arrive pas à comprendre le raisonnement de ces gens.

    J’aime

  11. Askolovitch :
    « Et bien, les gaz à effet de serre et le dioxyde d’azote refluent : la une de Sud Ouest me proclame un répit pour la planète. »
    Il dit la même chose qu’ici : https://www.20min.ch/ro/news/monde/story/Moins-de-pollution–mais–peu-d-effet–sur-le-climat-22469220
    dans le texte “L’Organisation météorologique mondiale constate une baisse drastique des émissions de CO2 depuis le début de la pandémie. “
    et on nous montre sur une image où on voit la quantité de CO2 augmenter !!!!!!!!!!!!!!!!
    Je pense qu’ils confondent CO2 et pollution (particules fines…). Par exemple dans le texte on parle de ciel plus clair or le CO2 est invisible.

    J’aime

    • Ils voient le CO₂ dans l’air! Ils ont donc été touchés par la grâce après avoir supplié Sainte Greta qui leur a accordé une partie de ses pouvoirs climatiques supra-naturels. Loué soit son nom.

      J’aime

  12. Je ne pense pas que la situation actuelle soit favorable à un infléchissement du système de production. Ca n’est qu’en restaurant la bonne santé de l’économie, et à condition de procéder de façon lente et méthodique , qu’on peut mener à bien un tel projet. Imposer la décroissance à une population dont le pouvoir d’achat commence à être dramatiquement amputé , c’est le meilleur moyen de giletjauniser l’ensemble du corps social.

    J’aime

    • La transition verte c’est la récession du Corona virus promise chaque année jusqu’en 2050. Je ne suis pas sûr que la population se révoltera. Voyez le cas du Venezuela.

      J’aime

  13. Bonjour à tous,

    Je retombe encore sur ces chiffres de mortalités causées par la pollution (48000 en France par ex). En 2018 quand l’OMS avait sorti ces chiffres je n’ai jamais pu mettre la main sur l’étude qu’il y avait derrière.
    Si quelqu’un dispose de précision à ce sujet je suis preneur car j’ai quand même du mal a avaler ce décompte. Surtout à comprendre comment ils isolent et caractérisent la cause unique de mortalité….m’étonnerait pas qu’il y ait encore un modèle épidémiologique alambiqué à base de forçage là derrière.

    Tristan

    J’aime

    • D’après les statistiques annuelles d’Airparif, la pollution de l’air a été divisée par deux en 20 ans et par 10 en 60-70 ans. On en déduit donc que dans les années 1950 la pollution de l’air causait 480.000 décès par an. Mais alors? c’était la cause quasi-unique de décès à l’époque?

      J’aime

    • Je pense me souvenir des modalités principales de cette « étude ». A partir d’une carte de France de la mortalité par cancer du poumon, un certain nombre de zones ont été définies. La mortalité la plus faible est celle des moyennes et hautes altitudes, mais qui ont un nombre d’habitants bien plus bas. On fait alors l’extrapolation aux populations des villes importantes, ou de la France en proportion de leurs nombres d’habitants. Ce nombre est comparé aux plus élevé et la différence correspond au nombre de vies gagnées. Le sérieux de cette méthode a été discuté.

      J’aime

  14. Recopié de 2017 sur ce même blog…:
    Il me semble que les jeunes générations, probablement comme le furent les adhérents du parti ouvrier social-démocrate de Russie au début du XXème siècle, sont aveugles au fait que l’écologie est en train de devenir aussi dangereuse que l’a été le communisme. Rappelant La Peste Verte de Gérard Bramoullé, Henri Lepage dénonçait il y a quelques années ‘le retour à un obscurantisme élitiste plaçant l’humanité sous le contrôle fort peu démocratique d’êtres qui seraient en quelque sorte les nouveaux prêtres d’une écologie triomphante’. Plus récemment, Dominique Lecourt écrivait: Les minorités se sont emparées du politiquement correct. Raymond Boudon avait raison. Il s’agit d’un instrument de conquête du pouvoir, non par des majorités conformistes, mais par des minorités actives bien organisées qui répandent leur conformisme propre’. Je trouve cela glaçant, et en tant qu’ex scientifique, j’ai assez honte du fait qu’une communauté qu’on croirait rationnelle glisse sans résistance vers une idéologie de dictature.

    J’aime

  15. « En France, le Coronavirus a tué quelques 4 000 fois, MAIS la pollution de l’air emporte chaque année 48 000 de nos concitoyens. »

    Est-ce que quelqu’un à la source de cette information? J’avais lu un article « scientifique » il y a longtemps (je l’ai perdu) et j’avais cru comprendre qu’il s’agissait de 46000 pour l’Europe et non la France seule. Et par ailleurs, est-ce que l’on peut porter crédit à ce genre d’étude dans laquelle aucune corrélation directe n’est établie entre les décès et la pollution incriminée (ici les particules fines) contrairement par exemple au cancer du poumon?

    J’aime

    • D’ailleurs chaque année les gens mis sous respirateurs à cause de la pollution encombre le système des urgences a tel point qu’on est obligé de transporter des malades dans d’autres régions ou dans les pays voisins.

      J’aime

    • Bonjour,

      Je me suis posé à peu près la même question et deux personnes m’ont répondu (voir 14h55 le 5/04 RICOfr). Si tu remontes le fil de commentaires tu trouveras la source.

      Tristan

      J’aime

Laisser un commentaire