2024

par Pierre Béguin.

Cet article est d’abord paru sur un blog hébergé par la Tribune de Genève. Merci à l’auteur pour son autorisation de republication. N’hésitez pas à aller mettre un mot gentil dans le fil de l’article original. BR.

Au secours ! Ils sont devenus fous !

Mais qu’est-ce donc que cet incessant et hystérique défilé de prédicateurs qui font retentir dans tous les médias les trompettes de l’Apocalypse ?

Pour 2080 prédisent les uns, dans un élan d’optimisme ; pour 2050 affirment les autres. Et pendant que ces Cassandre observent anxieusement chaque variation du thermomètre en levant le petit doigt pour savoir d’où viendra le vent de l’Apocalypse, leurs copains collapsologues en sont déjà à l’étape suivante : « Trop tard ! CO2 ou pas, changement des politiques énergétiques ou pas, bouleversement des habitudes consuméristes ou pas, il est déjà trop tard : risque systémique global, conflits géopolitiques, crash économique et boursier, le climat n’aura même pas le temps de se dérégler ; avant 2030, et peut-être même 2024 (soyons précis !) on est tous foutus. Effondrement total de notre civilisation industrielle ».

Dans des Universités, en Suisse romande comme ailleurs, des professeurs l’annoncent à leurs étudiants, quand ce n’est pas chez Darius en personne. Il n’est pas jusqu’au Cycle d’Orientation où ma fille de 14 ans, en cours, se voit proposer des articles affirmant « scientifiquement » une possible augmentation de la température moyenne jusqu’à 9 degrés d’ici 2080. « Ce sera beaucoup plus ! » surenchérit sentencieusement sa prof. De quoi motiver ses élèves à étudier pour un avenir que, dans le même temps, on leur prédit qu’ils n’auront pas…

Attention ! Nos amis collapsologues sont des optimistes. Cet effondrement est une réelle opportunité d’envisager un nouvel avenir, affirment-ils (cf. Une autre fin du monde est possible, de Pablo Servigne). On croirait entendre les promesses d’une certaine secte vers un monde meilleur par un transit sur Sirius… moyennant une épreuve fatale par le feu à Salvan ou à Cheiry.  Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, la perspective de rôtir dans le chaos me semble difficilement compatible avec un avenir radieux. Et ce ne sont pas mes filles, un brin démoralisées par ces prophéties qui doivent être sérieuses puisqu’elles retentissent jusque dans leur cadre scolaire, qui me vont me contredire. Ou quand l’école apprend aux élèves, non plus comment penser, mais ce qu’ils doivent penser…

Pourtant, entre tenants du réchauffement climatique et collapsologues, il y a pire. Si ! Si !

Ainsi d’un certain Antoine Bueno, chargé de mission au Sénat, qui se fend d’un essai hallucinant Permis de procréer, publié chez Albin-Michel. L’argumentation repose sur le postulat « réchauffiste » : toute nouvelle naissance, à plus forte raison dans notre société consumériste, est par définition un pollueur supplémentaire, un dangereux émetteur de CO2, un affreux mangeur de viande, un irresponsable producteur de déchets, qu’il convient si possible d’éliminer : « La naissance d’un enfant américain est une très mauvaise nouvelle, bien plus que la naissance de dix enfants nigériens » affirme notre essayiste.

Tuer l’homme pour sauver la planète ? Oui et non. Notre chargé de mission reste un humaniste – du moins le prétend-il – qui se défend de prôner l’eugénisme ou le retour à certaines politiques totalitaires. Pour lui, il s’agit « de mettre en synergie les droits de la planète avec le droit des enfants et des femmes » (les mâles, réduits semble-t-il à des usines de sperme qu’il faudrait anéantir, sont-ils exclus de ces droits ?). Certes, mais comment?

Par un contrat de parentalité – qui n’a strictement rien à voir avec un certain contrat social –, c’est-à-dire « un accompagnement des projets parentaux » dans le cadre « d’une individualisation de la politique parentale ».

Notre auteur a bien besoin de recourir systématiquement aux formules euphémiques. Car en réalité, au nom de la sauvegarde de la planète, c’est un contrôle total d’une internationale des États sur les naissances qu’il prône : « Avoir un enfant, c’est d’abord un contrat qu’on passe avec la société et avec la planète ». Bigre ! Et si les parents venaient à refuser ce contrat, si le femme mettait au monde un enfant sans permis de procréer qui lui aurait été délivré – à condition que le cadre familial ait rempli les conditions d’obtention – par une armée de psychologues, nouveaux commissaires du peuple de la dictature écologiste, Antoine Bueno recommande ni plus ni moins la déchéance immédiate de l’autorité parentale, le bébé étant alors confié à une famille agréée.

« Je souhaite mettre fin à cette sacralisation absurde du lien biologique » explique notre grand penseur de gauche qui, après son deuxième enfant librement venu au monde, entend donc interdire aux autres de procréer autrement que dans le cadre d’un planning familial rigoureusement édicté par les États et contrôlés par ses commissaires du peuple, eux-mêmes contrôlés, j’imagine, par une sorte de suprastructure à l’échelon mondial (on se demandera toujours qui contrôle le contrôleur). Bueno le mal nommé préconise entre autres pour toute naissance envisagée la création « d’une redevance de procréation » selon le principe du « pollueur-payeur », l’imposition de thérapies aux parents susceptibles (je souligne) de maltraiter leurs enfants, le cas échéant une invitation ferme à avorter jusqu’à la 24e semaine.

Ce n’est pas tout !

Au niveau de notre planète terre, il recommande la création d’un « marché mondial des permis de procréer » : les pays riches du Nord pourraient (devraient ?) dans cette optique acheter des droits de procréation aux pays en voie de développement pour compenser, le cas échéant, le surplus de leur propre procréation nationale, alors que les pays du sud pourraient vendre des droits de procréation pour autant qu’ils mettent en place de rigoureuses politiques de dénatalisation. Ou comment rétablir le colonialisme par le contrôle des naissances…

Voilà donc où peuvent mener les idéologies écologico-réchauffistes des marchands de la peur : à cautionner très sérieusement le totalitarisme le plus sordide, un totalitarisme qui n’a rien à envier aux heures les plus noires du nazisme.

Sauf que ce totalitarisme-là est justifié par la bonne cause, voyons ! Sauver la planète ! Et dire que l’Instruction publique genevoise s’y laisse prendre, Mme Torracinta en tête ! Ou quand les pires dérives entraînent même nos autorités !

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On nous a répété comme une litanie qu’il ne fallait pas céder à la peur devant les attaques terroristes. Pourquoi, tout à coup, devrions-nous céder à la peur insidieusement insufflée par des marchands d’Apocalypse ? Pourquoi ne leur oppose-t-on pas le même démenti ? Et pourquoi ne voyons-nous pas dans leur action la même stratégie terroriste visant à éradiquer les régimes démocratiques ?

Pollution, il y a ! Et de profonds changements dans nos habitudes consuméristes s’imposent. Mais de grâce ! Que cessent ces trompettes de l’Apocalypse, que se taisent celles ou ceux qui en jouent plus ou moins sincèrement dans des médias trop complaisants, qu’on en finisse avec cette prise en otage ignoble de la jeunesse ! Ce n’est pas en créant la panique qu’on peut prétendre résoudre les problèmes que l’on dénonce.

11 réflexions au sujet de « 2024 »

  1. Ce qui est bien avec la démographie et le phénomène unique dans l’histoire de transition démographique mondiale auquel nous assitons, c’est qu’il est relativement prédictible dans le temps, hors guerre massive.

    A priori donc, si on tire les leçons de ce qui s’est passé au niveau démographique dans les pays avancés et intermédiaires, il suffit de laisser faire l’exode rurale des pays les moins avancés pour qu’il n’y ait plus de problème démographique liés à la surpopulation car c’est avec l’urbanisation que les taux de fécondité diminuent automatiquement et que les pays du monde entier arrivent progressivement à 2 enfants par femme, sans politique coercitive et eugéniste.

    Je crois donc être fondé en disant que la deuxième moitié du XXIème siècle ne sera pas celle de la surpopulation mais celle du vieillissement de la population mondiale, à l’image des problèmes que vivent l’Allemagne et le Japon. A mon avis, avant la fin du siècle, le monde va tout faire pour avoir des politiques natalistes car les réservoirs d’immigration de jeunes vont être rares (un petit peu d’Afrique Subsaharienne et d’Inde/Pakistan) ; l’IA et les robots ne combleront que partiellement le manque en humains mais devraient améliorer les progrès de l’humanité. Donc, ce scénarii de dictature eugéniste dénataliste devrait se heurter à la réalité démographique du vieillissement ; même pas besoin de parler des ressources.

    Sur le fond, oui, avec la collapsologie et la décroissance, on assiste en directe à la mutation de l’eugénisme du XXème siècle qui mène à des logiques totalitaires de contrôle des naissances. Il ne faut pas oublier que comme l’eugénisme, la collapsologie climatique se réclame de la science pour mener à terme son projet totalitaire de décroissance énergétique : c’est le scientisme du XXIème siècle.

    Mais soyons optimistes, comme l’eugénisme, cette idéologie va se fracasser sur le mur de la réalité, tel un nazi prenant un balle entre les deux yeux d’un GI noir américain.

    Espérons simplement que ce mur de la réalité ne soit pas celui d’une guerre mondiale ou d’une régression sensible des progrés de l’humanité causées par cette idéologie et ses fanatiques. Car la question énergétique est sensible et primordiale dans le fonctionnement de tout système humain et certains pays, dans un soucis d’indépendance et de vitalité, voudront contrôler, utiliser et vendre leurs énergies fossiles plutôt que d’acheter la camelotte EnR de pays avancés fanatisés. Là est donc le risque de guerre mondiale sous fond d’idéologie climatique même si je le juge peu probable car on voit mal un pays gagnant une guerre avec des tanks aux batteries rechargées à l’énergie éolienne 🙂

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    • Bon post/analyse .. excepté pour le point de Godwin … « tel un nazi prenant un balle entre les deux yeux d’un GI noir américain »: ce n’etait vraiment pas nécessaire..

      Un guerre mondiale ? Bouuuuuuuh … c’est une catastrophe climatique avec l’explosion d’émission de CO2 … Jamais nos ideologues aux idées courtes ne pourront s’y résoudre ….

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      • Point de Godwin qu’il faudrait ne pas évoquer alors qu’on se situe dans une mutation de l’eugénisme. Dois-je rappeler vers quelle dérive nous a mené l’eugénisme du siècle dernier, avec le nazisme en paroxysme ? Mais si maintenant on ne peut plus parler des dérives de l’eugénisme sans se faire mettre « out » par le point de Godwin, où va t-on ? Et, c’est un fait historique, le dur mur de la réalité, l’armée américaine brassée génétiquement a bien vaincu les nazis sur le front ouest, qui se sentaient pourtant si supérieurs sur leurs bases eugénistes et racistes. Mais ok, j’étais un peu dans la provoc, je suis sur un blog et non dans un rapport ou un ouvrage. J’ai le droit de m’y lacher un peu.
        S’ils veulent mettre en application leur idéologie globale, ils seront obligés de mettre en place des systèmes coercitifs, voir de mise sous tutelle d’Etats entiers, notamment sous forme militaire. C’est un scénario faible mais pas incohérent avec leur logique globale. Les écolos ne pourront se résoudre à faire la guerre, à l’image des curés des croisades, mais ils pourraient servir de courroie idéologique aux Etats et à leurs armées.

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    • « Mais soyons optimistes, comme l’eugénisme, cette idéologie va se fracasser sur le mur de la réalité, tel un nazi prenant un balle entre les deux yeux d’un GI noir américain.  » C’est juste, mais avant que GI noir ne zigouille le nazi, forcément à pertir de juin 1944, il y a eu quelques dizaines de millions de morts ! Les prophètes de malheur écolos, collapsologues et autres illuminés font le lit d’une dictature pire que les nazis ou les Khmers rouges, puisqu’il ne veulent pas un « Homme nouveau », mais défendre Mère Nature contre la méchanceté de l’Homme (surtout de l’homme, d’ailleurs !). Il faut les combattre pied à pied et dénoncer toutes leurs impostures qui se parent des beaux atours de « défenseurs de la vie », à commencer par la « transition écologique » ou le « développement durable » qui sont des absurdités.

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  2. Le principe de réalité fait déjà des ravages: gilets jaunes et taxes carbone, recul de l’arrêt du nucléaire, hésitation à arrêter les centrales à charbon en 2022, en Allemagne certains ministres n’hésitent plus à crier au fou publiquement…
    Et tôt ou tard, la question climatique sera questionnée, il suffira d’une NIna un peu forte…

    Le risque est surtout d’achever de décrédibiliser les institutions démocratiques et la science.

    Paradoxalement, le retour à la réalité ne serait pas une prise de conscience du réel, mais une fuite en avant dans l’obscurantisme.

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  3. L’illustration de cet article est remarquablement choisie, et c’est avec une jubilation fébrile que j’ai ressorti « l’étoile mystérieuse » de ma bibliothèque. On y trouve déjà nos actuels prophètes de l’apocalypse moderne et autres « scientifiques » avides de célébrité. Il y a juste les noms à modifier. Et pourtant, c’était en 1942. Hergé voyait juste et l’humanité n’a pas changé….. Hélas !

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  4. Toujours plus ! Et allez donc ! Encore des caricatures ! C’est vrai qu’on entend tout et n’importe quoi. D’abord « sauver la planète » ? De quoi ? Un astéroïde geocroiseur fonce sur la terre ? Mais même dans ce cas, c’est les espèces vivantes qui seraient menacées et en 1er lieu l’homme. De même si la température monte de plusieurs degrés, et de combien surtout, la planète a déjà connu ça. Mais c’était il y a longtemps. Très longtemps. Des dizaines de milliers d’années. Des centaines peut être ?
    L’espèce humaine a survécu. Mais de nos jours, les conséquences seraient bien plus graves sûrement. Bon, je ne sais pas répondre mais rappelons que les projections sont de 2 à 5 ° ce qui n’est déjà pas mal. Si je peux dire.

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    • Zimba dit: « les projections sont de 2 à 5°C ».
      Remarque: ces projections reposent sur des scénarios très peu vraisemblables et sur des estimations de la sensibilité climatique anciennes et très surestimées. La quantité de CO2 dans l’atmosphère ne pourra pas doubler. Le scénario RCP8.5 est totalement improbable. Les estimations empiriques récentes de la sensibilité climatique sont plutôt dans le bas de la fourchette du GIEC (1,5°C) ou en dessous. Compte tenu de ces attendus, le réchauffement à venir sera au pire de 1°C. De plus, selon le GIEC, il se produira plutôt aux pôles qu’aux tropiques, l’hiver que l’été et la nuit que le jour. Comme les épisodes de réchauffement précédents (minoen, époque romaine, optimum médiéval) il restera une période de prospérité et de bien-être pour l’humanité.

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  5. A lire les commentaires je me désole de ne pas voir compris le principal de ce qui a été évoqué par Pierre ??!
    A savoir l’éducation et la démotivation massive de la jeunesse…

    Rendre coupable d’exister est la pire éducation que l’on puisse insuffler à notre jeunesse !

    Je crois que le plus lourd tribu que toutes ces C…… vont nous retourner en pleine poire, c’est cette annihilation de la génération montante.
    Je n’ose pas imaginer comment vont faire cette génération pour accepter que nous ayons perdu autant d’énergie en balivernes et comment nous ayons mis aussi peu de moyen pour les chose essentielles ? Comment vont-ils trouver l’envie de créer, l’initiative, le goût du risque, comment vont-ils pouvoir apprécier la communauté et le partage, comment vont-ils surmonter l’individualisme ?
    Que peut-on faire quand on nait coupable et que ses propres parents ou grands-parents le sont encore plus ! par dogmatisme et propagande !
    Je crois qu’on massacre une génération complète et qu’on a absolument aucune espèce d’idée des conséquences et du temps ou du nombre de générations qu’il faudra passer pour que l’empreinte nauséabonde ne puisse enfin se ressaisir …!
    Alors oui ! c’est un problème mondiale de la société humaine ! et les protagoniste de Malthus pourront le porter en enfer.

    Je me dois de donner ici un petit coup de ciseaux. Ne nous énervons pas, cher jopechacabri, et gardons-nous d’écrire des choses qui dépassent notre pensée. BR.

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    • Oui je reconnais, la fin allait un peu trop loin, vous avez bien fait, mais vraiment les Malthusiens m’exaspèrent. Je ne donne plus de cour depuis un malheur personnel récent, mais les élèves que je voyaient me remontaient tellement de contre-envies, tellement de lourdes craintes qu’on leurs insémine en toute matière, que j’en ai le tournis et la rage aussi.

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