Hommage à István Markó

Allocution prononcée lors des funérailles du Professeur dr. István Markó, le 7 août 2017 à Grez-Doiceau,

par Prof. dr. Alain Préat.

Je parle au nom d’un groupe de scientifiques, ingénieurs, philosophes, média, société civile, presque tous universitaires. Le corps de ce groupe francophone et néerlandophone comporte une trentaine de personnes, qui se sont spontanément rassemblées autour d’un seul thème ou projet, à savoir l’approche la plus libre exaministe et constructive qui soit d’un problème scientifique qui a des répercussions sur la société dans son aspect le plus large, ici la climatologie.

Très vite, István s’est naturellement imposé par ses connaissances, en témoigne sa formidable carrière académique, et son activité sans limites, il était notre ciment, notre boussole et s’est investi totalement dans notre objectif, dans le plus grand respect des règles déontologiques que cela pouvait impliquer puisque nos points de départ sont les institutions scientifiques. István était donc, et de loin, le plus actif, il était sur tous les fronts, il savait tellement de choses qu’il pouvait se permettre de consolider les passerelles entre nos disciplines fort différentes. Là réside la qualité suprême d’un scientifique au sommet de son art. Sa force de travail, sa mémoire alliée à un caractère exceptionnel n’ont pas d’équivalent.

Parlons-en justement de ce caractère. En premier lieu c’était celui d’une écoute de tous les instants qui en faisait très vite un ami au sens noble du terme, tout pouvait lui être demandé, mais son amitié ne l’a jamais empêché de renoncer à ses convictions intimes supportées par sa boussole à lui, la rigueur scientifique. C’est bien ici la définition du vrai scientifique, au sens noble du terme, désintéressé, sans a priori… Avec lui pas de consensus, ni dans le groupe, ni a fortiori en-dehors. Simplement l’analyse des faits, ensuite seulement leur interprétation la plus rationnelle sans essayer de plaire. Son souci était la quête de la vérité, quête exigeante s’il en est, et impliquant de courir le risque de déplaire, voire de choquer. En témoigne notamment la publication du livre intitulé « Climat : 15 Vérités qui dérangent » qu’il coordonna de bout en bout. Il détestait par-dessus tout les modes intellectuelles et pouvait être féroce contre ces dernières. Oui István était d’une trempe au-delà de l’imaginable et beaucoup hors du groupe redoutaient ses interventions, ses écrits et préféraient même éviter débattre avec lui. Pourtant István n’est pas une personne agressive ou haineuse, cela fait bien longtemps qu’il avait compris que cela ne sert strictement à rien, que du contraire il était jovial, taquin, facétieux, aimait nous faire rire et aimait que nous le fassions rire. Il ne détestait personne, pratiquait un humour parfois corrosif mais jamais méchant.

Oui notre groupe est un bel exemple de parfaite ‘symbiose’ entre individus venant d’horizons assez différents, une synergie qui ne s’est jamais démentie au cours de ces presque 10 années que nous nous connaissons. Une telle synergie autour d’un thème de société important eut lieu la première fois à la transition des années 1700/1800, en Ecosse, lorsque James Hutton publia en 1795 sa Théorie de la formation de la Terre. Cette publication souleva une controverse, surtout avec les physiciens, et de là naquit le fameux Oyster Club qui regroupait nombre d’intellectuels scientifiques et philosophes qui se réunissaient régulièrement pour débattre des nombreuses causes affectant la Terre. Ils se réunissaient à Edinburgh et consommaient des huîtres lors des réunions. Notre groupe ne consomme pas d’huîtres aux réunions, mais souvent des produits nouveaux aux noms imprononçables, à l’aspect plus qu’étrange, souvent inquiétant, qu’István rapportait à chaque retour de ses missions de Chine. Il s’amusait de nos réactions… L’analogie ne s’arrête pas là, c’est dans ce fameux Oyster Club du début des années 1800, qu’un de ses membres chimiste éminent, Joseph Black découvrit le CO2. Le témoin a apparemment bien été relayé comme l’ont souvent constaté les étudiants de l’UCL lors de leurs séminaires prestés par István qui arborait fièrement un T-shirt, à la gloire du CO2, T-shirt qu’il avait lui-même dessiné et fait imprimer en différentes tailles pour que tout le monde puisse aussi en profiter. Oui István était taquin, facétieux, il ne manquait pas d’humour tout en servant une cause des plus sérieuses, celle de l’honnêteté et de la rigueur la plus absolue en Science. Il nous manquera cruellement, il nous manque déjà et notre Oyster Club, version ‘chinoise’, lui adresse toute son admiration et tentera de poursuivre son idéal dans l’analyse rigoureuse des données tant scientifiques que sociétales.

Merci donc István pour tes qualités exceptionnelles au service du plus grand nombre. Tu nous manqueras cruellement, mais tes idéaux de liberté et de raison sont immortels. En les servant, sans faillir et sans désemparer, nous rendons hommage à la mémoire du grand István Markó.

Une réflexion au sujet de « Hommage à István Markó »

  1. Bonjour,
    Istvan Marko est le premier scientifique que j’ai vu en vidéo expliquer le réchauffement climatique de manière réaliste et surtout compréhensible pour un non scientifique, quand je m’y suis intéressé de plus près en décembre 2016. Explications très claires car il savait expliquer les choses simplement et de manière sympathique en plus. Exceptionnel effectivement. Une grosse perte aussi pour les quidams comme moi qui cherchent à comprendre, car il pouvait apporter la contradiction à certaines personnes de par sa stature scientifique. Je vais sans aucun doute revisionner ses conférences.
    Toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches, et qu’il repose en paix.

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