Le frigo climatique de Jean-Louis Étienne

par Cédric Moro

 « L’équilibre du climat » est l’une de ces expressions toutes faites qui est le signe très reconnaissable du penchant des climato-alarmistes à plonger tête baissée dans le simplisme. Ainsi de Jean-Louis Étienne, dont on peut apprécier les qualités d’explorateur mais qui, sur France Bleu, se vautre dans ce concept fallacieux.

Le résumé de son intervention indique :

Également médecin, Jean-Louis Étienne détaille le fonctionnement de la planète à la manière de celui d’un corps humain. « Les pôles sont essentiels à la machine climatique« , explique-t-il, « la chaleur des tropiques doit être échangée avec les pôles afin de préserver un équilibre. » Le problème est donc que l’augmentation globale de la température, aux pôles comme dans les tropiques, induit un déséquilibre dans cet échange. « On a perdu 4°C au Pôle Nord », alerte l’explorateur. « On a ouvert la porte du frigo, on va manquer de froid pour équilibrer la chaleur des tropiques. »

Il suffit de regarder le graphique suivant pour comprendre qu’il n’y a pas d’équilibre du climat (même si le mot climat est ici un peu fort, puisqu’on ne parle que de la seule température). On notera également que des réchauffements climatiques ou de grandes glaciations peuvent avoir lieu sans que l’homme rejette du CO2 en quantités industrielles dans l’atmosphère.

Dansgaard

Température moyenne observée au cours des dernières 11000 années (d’après Dansgaard et al., 1969, Schönwiese, 1995)

De plus, on notera que des réchauffements climatiques peuvent avoir des impacts très positifs sur le développement de l’humanité, comme ce fut le cas du développement de la civilisation romaine, et qu’à l’inverse les refroidissements climatiques peuvent avoir des impacts très néfastes, comme ce fut le cas des grandes famines du Petit Âge glaciaire, qui ont probablement accentué la marche des peuples vers les révolutions occidentales. Malgré le cas de la civilisation romaine et le fait qu’il n’existe pas d' »équilibre climatique », Jean-Louis Etienne ne s’embarasse pas pour affirmer que « La terre a une petite fièvre (+1°C en un siècle)… et que cela suffit à déséquilibrer la machine climatique ».

Le « frigo » de la planète

L’allégorie du frigo parle à notre besoin naturel et quotidien de nous alimenter. Laisser ouverte la porte du frigo, c’est voir la nourriture dépérir rapidement. Il y a un registre de peur « reptilienne » sur laquelle joue ici Jean-Louis Étienne : dans le cadre de sociétés urbaines médiatisés où ce n’est plus le butin de la chasse et de la cueillette qui détermine notre alimentation quotidienne mais bien le remplissage du frigo.

Pourtant, dans l’histoire du des climats terrestres, avec 2/3 d’océans à la surface du globe, le réchauffement climatique s’accompagne toujours d’une augmentation de la matière organique disponible… et donc de la nourriture disponible. Par exemple, au Crétacé, des forêts luxuriantes recouvraient la planète, et vivaient les animaux les plus gigantesques que notre terre ait porté : les dinosaures.

Sur la partie « consciente » de l’allégorie du frigo, celle qu’a explicitement évoqué l’explorateur (le fait que la porte est maintenant « ouverte »), le raisonnement est lui aussi déconnecté de toute réalité. D’abord parce que les climats polaires ont toujours été ouverts sur les autres climats de la planète. Ensuite, parce que penser qu’une source de froid nouvellement ouverte dans un espace donné entraîne une hausse des températures, il faut oser.

14 réflexions au sujet de « Le frigo climatique de Jean-Louis Étienne »

  1. Pour un vrai frigo, je crois me souvenir que, ouvrir la porte ayant pour effet de mettre en marche le système de refroidissement, la chaleur produite fait plus que compenser le froid qui se disperse. Bref, pour réchauffer la cuisine, ouvrir son frigo est effectivement efficace. Mais ça n’a rien à voir bien sûr avec le « frigo polaire » de Jean-Louis Étienne.

    Aimé par 1 personne

  2. Si le réchauffement peut expliquer l’excès de glace de l’Antarctique, pourquoi « l’ouverture » du climat polaire sur le climat du reste du globe ne pourrait pas le réchauffer?

    J’aime

    • C’est ce qui est merveilleux dans cette fable, on peut se permettre d’expliquer et de justifier absolument tout et son contraire.
      Notre bon docteur a la gentillesse de nous faire part de son diagnostic éclairé alors que ce n’est que l’avis d’un illuminé.

      J’aime

      • c’est vrai que du coup, j’ai revisionné* les premiers épisodes des shadoks et les similitudes sont étonnantes et drôles.

        Reste à attribuer les rôles entre les shadoks qui ont les pieds vers le haut, les shadoks qui ont les pieds vers le bas, ces deux espèces vivant sur un monde en constante variation de forme, et les gibis vivant sur une planête plate et qui puisent leur énergie dans l’atmosphère et qui règlent leurs problèmes de surpopulation un peu comme les lemmings (les eurocrates?).

        J’aime

  3. Ping : Le « frigo » climatique et simpliste de Jean-Louis Étienne | Contrepoints

  4. Ping : Le « frigo » climatique et simpliste de Jean-Louis Étienne

  5. Ping : Le catastrophisme climatique des années 60 à 80 à l’épreuve des faits | Mythes, Mancies & Mathématiques

  6. Ping : Heureuse année 2019 | Mythes, Mancies & Mathématiques

Laisser un commentaire