par Rémy Prud’homme.
La grave crise financière et économique mondiale de 2008 est née d’un excès de prêts immobiliers risqués aux Etats-Unis. Les prêts immobiliers ordinaires, avec une forte probabilité de remboursement, dits « prime » avait le double inconvénient d’empêcher beaucoup de pauvres d’accéder à la propriété, et de limiter les gains des banquiers. Pour faire plaisir à la fois aux pauvres et aux banquiers (un rêve de politicien), on a imaginé des prêts immobiliers extraordinaires, dits « subprime », avec des ratios prêts/revenu très généreux. Ces prêts étaient évidemment plus risqués.
Ce risque accru était en principe maitrisé par des merveilles d’ingéniérie financière (titrisation, taux variables, réassurance) incompréhensibles, et incomprises par à peu près tout le monde, y compris par les banquiers. Les prêts subprime ont donné lieu à une bulle du logement bon marché, qui a fini par éclater. Ce qui était prévisible, et prévu, est arrivé. Certains ménages ont été incapables de payer leurs annuités de remboursement ; les banques ont saisi leurs logements et les ont vendus à vil prix ; certaines de ces banques ont à leur tour été incapables d’honorer les emprunts qu’elles avaient contractés ; et le système s’est écroulé comme un château de cartes. Les montages mirobolants des financiers ont été incapable d’empêcher cette chute. Les ménages pauvres ont été les dindons de la farce : ils ont perdu leurs logements, et leurs maigres économies.
La question se pose de savoir si l’excès d’investissements risqués dans la transition énergétique, en jargon le « net zéro » [1] n’est pas en train de préparer une crise comparable. La récente faillite de la SVB et du Crédit Suisse, deux banques vertueusement et lourdement engagées dans ce type d’investissement, pourrait le suggérer. Il ne s’agit ici que d’une hypothèse, et l’auteur ne dispose pas des données et de la compétence nécessaires pour la confirmer ou l’infirmer. Mais les similitudes sont troublantes. On en évoquera trois.
Ampleur – L’AIE (Agence internationale de l’Energie) a présenté en 2021 un document intitulé Net zéro en 2050 – Un itinéraire pour le secteur global de l’énergie, qui décrit ce qu’il faut faire d’ici 2030 (ignorons 2050), et ce que cela va coûter. A faire : multiplier par 40 la production de batteries, et par 10 les ventes de véhicules électriques, transformer totalement les réseaux de transport d’électricité, capturer le CO2 de l’air et le stocker, etc. A payer : le coût cumulé des investissements requis pour ce joli programme qui s’élève à 30 000 milliards de dollars [2] ; il s’agit là d’un coût prévu, et il est bien établi que pour à peu près tous les grands projets, le coût effectif est considérablement plus élevé. Ce document n’est pas le résultat des élucubrations de deux ou trois hurluberlus irresponsables, mais bien un rapport officiel de l’AIE, une organisation intergouvernementale, et il reflète la volonté affichée des gouvernements des grands pays industriels de s’engager dans cette voie. Par comparaison, en 2007, le montant cumulé des prêts subprime s’élevait à 1300 milliards de dollars. Les concepts d’investissements cumulés et de prêts cumulés sont assez comparables, car les investissements du « net zéro » seront minoritairement financés par des subventions budgétaires, et majoritairement par des prêts. Certes, le chiffre des prêts subprime se rapporte aux seuls Etats-Unis, alors que ceux de l’AIE concernent la planète entière. On voit cependant que les prêts à la transition écologique seront un multiple de ceux qui ont été faits au logement subprime.
Risques – Les prêts à la transition énergétique sont-ils aussi risqués que les prêts subprime ? Foncièrement oui. A peu près aucun des investissements « zéro carbone » requis n’est commercialement rentable. Ni les véhicules électriques, ni les champs d’éoliennes ou de panneaux solaires, ni les réseaux de transports et de distribution de l’électricité, ni l’hydrogène, ni la capture et le stockage du CO2, etc. Ces investissements sont peut-être désirables socialement (ce qui est loin d’être certain), mais ils ne seront pas engagés sans subventions publiques ou sans contraintes réglementaires, du type obligations d’achat de l’électricité renouvelable ou subventions à l’achat des véhicules électriques. Il y a là une grande différence avec toutes les innovations industrielles des deux derniers siècles – des chemins de fer aux engrais en passant par l’avion ou l’électricité nucléaire. Ces innovations se sont développées en réponse à une demande de marché, avec des prêts du secteur privé qui ont finalement tous été remboursés (à l’exception, un peu spéciale, des emprunts russes). De plus, plusieurs des « technologies d’avenir » considérées (comme par exemple les électrolyseurs à hydrogène, la capture de CO2, ou les batteries avancées) sont des paris techniques, risqués comme tous les paris.
Garanties – La garantie des prêts subprime était les montages financiers magiques, qui ont été vite débordés. La garantie des prêts aux investissements du net zéro est le soutien financier public. Est-elle plus solide ? On peut en douter. En 2030, les budgets publics mondiaux s’élèveront à environ 44 000 milliards de dollars [3]. Ce flux est à rapprocher du stock d’investissements écologiques d’au moins 30 000 milliards prévu par l’AIE pour cette date. Comment ce flux, qui doit d’abord servir à financer des dépenses peu compressibles d’éducation, de santé, de sécurité, etc. partout dans le monde, pourrait-il garantir les risques posés par ce stock d’investissements risqués ? Rares sont les banquiers qui le croiront. En cas de coup dur, cette digue serait aussi vite emportée que les fameux montages financiers.
Si les décisions folles de l’AIE étaient mises en œuvre (ce qui ne sera certainement pas le cas), il y aurait donc de bonnes raisons de craindre la survenance d’une crise financière aussi grave, et sans doute même beaucoup plus grave, que la crise des subprimes.
[1] Cet anglicisme se rapporte aux rejets anthropiques de CO2.
[2] Selon l’AIE, le coût de ces investissements passe de 1000 G$ en 2021 à 5000 G$ en 2030.
[3] En 2023, le PIB mondial est de 100 000 G$ ; avec un taux de croissance annuel de 3%, il atteindra 127 000 G$ en 2030. Les budgets publics représentent actuellement 34% du PIB. Si ce ratio reste constant, ils représenteront 43 000 G$ en 2030.
Un soupçon (?) d’optimisme par rapport à la très intéressantre étude : Tesla est redevenue bénéficiaire, et pas qu’un peu… même si des augmentations diverses et variées de matériaux et autres « ingrédients » pourraient remettre en cause cette rentabilité.
Le champion européen de la voiture électrique aka Norvège vient de supprimer les primes à l’achat desdits véhicules.
Pas mieux (plus) !!!
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Comment se mettre à l’abri de ces politiques occidentales … les BRICS commencent à s’organiser ! (https://www.globaltimes.cn/page/202208/1272908.shtml)
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Encore un excellent article de Monsieur Prud homme
Après la dernière guerre, le monde et les Européens étaient pauvres ; mais on a laissé les initiatives aux industriels pour refaire le monde et cela a marché et nous sommes devenus riches ; je veux dire nous avons bien vécu et même pu faire des économies et acheter ou faire bâtir des résidences secondaires et les banquiers se sont rempli plein les poches; maintenant , l’immobilier , surtout celui concernant les résidences secondaires, va se casser la gueule avec la crise énergétique et financière mondiale qui nous arrive.
Maintenant , à la place de l’immobilier ils se rabattent sur cette crise énergétique imminente qui nous attend en essayant de pomper les économies qui nous restent ; et de solliciter dans leur travail les états qui nous pompent via les impôts pour nous faire gober la transition énergétique des énergies propres et nous faire investir dans le solaire pour chauffer nos maisons, les éoliennes pour nous faire acheter des voitures électriques ou fabriquer de l’hydrogène pour remplacer les avions et faire voler des zeppelins
Il est clair que le monde va changer ; pour l’instant nous vivons avec une énergie issue à 80 % de fossile ( pétrole gaz et charbon en part égale) ; les réserves ne sont pas éternelles et ne sont pas pareilles ( voir ASPO) : le pétrole a atteint son plateau ou le peak oil, le gaz le fera dans trente ans et le charbon dans cent ans ; il faudra bien revoir tout cela et passer au nucléaire et à un mode de vie plus économique ; mais faudrait laisser aux peuples le temps de s’adapter , ce qui en principe est possible grâce aux réserves de fossile existantes et connues pour l’instant
Ce qui est inadmissible c’est que certaines catégories de personnes (banquiers et politiques ) sur cette planète essaient de précipiter ces changements de société en répandant la peur dans les civilisations avec le GIEC , les changements climatiques , la montée du niveau des mers , l’augmentations des catastrophes climatiques etc….
Il est impératif de dessaisir l’ONU et les politiques de ces évolutions sociétales qui sont nécessaires et de redonner les rennes aux industriels qui nous ont amené à notre niveau de vie et sauront le conserver pour les générations futures
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Bonjour Professeur, si l’on parle « des dépenses écologiques », voici une nouvelle dramatique, qui va entraîner, entre autres, la suppression de 500 000 emplois en Europe. Ceci, sans parler de l’assignation à résidence que cela induira et de la réduction des libertés, c’est bien l’objectif, il n’y aura plus assez de véhicule pour tout le monde. Vous aviez quantifié le coût du passage à 80 Km/h à 12 millions d’ €, hors temps perdu. Quel sera le coût de cette suppression des moteurs thermiques dictée par l’U.E.? Merci. Bien respectueusement
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Il est intéressant de se remémorer la faillite d’Enron en 2001.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Enron#:~:text=Enron%20est%20la%20contrepartie%20de,devient%20un%20business%20de%20trading.
Son activité ressemble un peu à celle des multiples traders qui achètent de l’électricité à bas prix à EDF dans le cadre de l’Arenh et/ou sur le marché européen de l’électricité pour la revendre aux particuliers.
Eux ont eu la chance d’éviter la faillite en 2022 car le gouvernement a obligé EDF à leur revendre (toujours à bas prix) plus d’électricité pour leur éviter d’en acheter à plusieurs centaines d’euros le MWh sur le marché.
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