par Rémy Prud’homme.
La France consomme environ 430 TWh d’électricité par an, et ce chiffre est pratiquement constant depuis une quinzaine d’années. Combien de TWh d’électricité consommerons-nous en 2050 ? La réponse à cette question est difficile mais essentielle. Elle commande les investissements à engager dans les parcs de centrales électriques et les réseaux. Ne pas investir assez, c’est risquer la grande panne et/ou la dépendance des importations. Investir trop, c’est avoir à choisir entre freiner la production ou exporter à vil prix, et dans les deux cas à gaspiller des dizaines ou des centaines de milliards.
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en France au cours des quinze années passées avec les renouvelables intermittents : la demande n’augmentait pas, le parc nucléaire et hydraulique en place suffisait largement à satisfaire cette demande, l’électricité intermittente était donc totalement inutile, et en réalité elle a été soit exportée (à un prix bien inférieur à son coût) soit consommée au détriment de l’utilisation des centrales nucléaires existantes (pour économiser un coût marginal très faible). Une bonne connaissance de l’évolution de la demande est donc un préalable à la planification de l’offre d’électricité.
Plusieurs institutions s’y sont essayé, visant l’horizon de 2050. Negawatt propose 270 TWh. L’Académie des Technologies environ 800 TWh. Le gouvernement s’appuie sur RTE (Réseau de Transport de l’Electricité), qui s’appuie sur les désirs du gouvernement, et publie (en octobre 2022) un rapport intitulé Futurs énergétiques 2050. Ce rapport étudie pas moins de sept scénarios, qui donnent un éventail large des besoins d’électricité de la France (allant de 555 à 754 TWh). On le résumera d’une façon grossière en prenant la valeur moyenne : 630 TWh. L’intérêt principal de cette étude n’est pas tant dans le résultat que dans la méthode.
La méthode, tout d’abord, est totalement non économique. Pour un économiste, la demande d’un bien est, toutes choses égales par ailleurs, fonction du prix de ce bien. Dans toutes les universités du globe, un étudiant qui écrirait 50 pages sur l’évolution future de la demande d’électricité sans aucune référence à son prix se ferait tirer les oreilles. Mais nous sommes en France, et une étude qui a mobilisé des dizaines de haut-fonctionnaires, de politiciens et de dirigeants d’ONG n’a pas à s’encombrer de ces cuistreries.
Plus important et plus significatif est le détail des composantes de la demande d’électricité prévue, montré au tableau 1. On voit que la projection moyenne de RTE pour la demande en 2050 des secteurs résidentiel, industriel et tertiaire, ce que l’on pourrait appeler la demande classique, 420 TWh, est pratiquement égale à la demande actuelle, qui est aussi celle de toute la décennie passée. On est donc sous le signe de la stagnation prolongée. Mais à cette demande classique, RTE ajoute une demande politique. La forte augmentation (200 TWh) de la demande totale provient entièrement de la prise en compte de la demande générée par le double tournant politique du véhicule électrique et de l’hydrogène.
Tableau 1 – Demande d’électricité effective (2020) et prévue (2050)
2020a | 2050b | |
Demande classiquec (TWh) | 430 | 420 |
Demande politique (TWh) | ||
Véhicules électriques | 100 | |
Hydrogène | 110 | |
430 | 630 |
Cette façon de procéder évoque irrésistiblement le défunt Gosplan soviétique. Les plans français préparés sous l’égide du Commissariat Général du Plan cherchaient à répondre au mieux à ce que l’on pouvait prévoir de l’évolution de la demande des Français. La planification énergétique préparée par RTE pour le gouvernement ne cherche pas à prévoir la demande, elle la décide. Elle en déduit ensuite les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs : les options sur la table, écrit le rapport, sont : « renouvelable plus nucléaire ou 100% renouvelable ». Le lecteur a même le sentiment que ce sont ces moyens qui ont déterminé les chiffres de la demande retenus.
Cette façon de procéder est dangereuse. Elle fait reposer tout le futur de l’électricité en France sur deux paris ; le pari du véhicule électrique et celui de l’hydrogène. On ne sait pas si ces paris seront gagnés ou perdus. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils seront très coûteux. Considérons par exemple le cas du véhicule électrique : le remplacement en 20 ans de 40 millions de véhicules par des véhicules électriques subventionnés à hauteur de 6000 euros l’un, reviendra à 240 milliards aux finances publiques, à quoi s’ajoutera la perte des impôts spécifiques sur les carburants (30 milliards la vingtième année), soit en vingt an un manque à gagner de 300 milliards, et donc au total la bagatelle de 540 milliards d’euros pour le Trésor, sans parler du coût de la destruction d’une filière industrielle. La décision politique du tout-électrique impose la décision politique d’édifier 10 000 éoliennes ; et réciproquement. Le contribuable subventionne l’un à cause de l’autre et l’autre à cause de l’un. On pense à la célèbre formule de Chateaubriand : « Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand soutenu par M. Fouché ».
La série continue ! Bravo ! pour info, RTE, dont le patron est un politique nommé par les gouvernements liés aux écolos a censuré ce qui est devenu le 8 ème scénario à 85% nucléaire et le moins cher pour les clients. https://www.youtube.com/watch?v=Q_BAQfbwd6E Pitch Gallois pour le nucléaire français fort en tout
Cliquer pour accéder à Scenario-alternatif-du-Cereme-aux-propositions-de-RTE-_Futurs-energetiques-2050_DEF-4.pdf
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Merci M Pruhomme,
Les commentaires « critiques » (et constructifs) du Cérémé sur le rapport RTE sont très intéressants. (« inspirants » en nov langue)
On pourrait vous objecter que la prime VE de 6000€ ne sera (peut-être ?) pas « éternelle », tout comme le parc automobile(à électrifier) ne sera pas forcément de 40 millions de véhicules.
Quant au côté Gosplan, il suffit de parler de dogmatisme, chose bien partagée par nos gouvernements, au moins depuis une quarantaine d’années.
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Le statut de RTE qui apparaît dans la presse comme une instance objective irréfutable est complètement surestimé. A force de nominations politiques, au fil du temps, s’est installée à sa tête une camarilla d’idéologues et d’arrivistes aux dents longues, sans compétences, qui alimentent la prose de journalistes qui s’abritent derrière une « expertocratie » en apnée complaisant à leurs préjugés. Il suffit de rechercher l’itinéraire professionnel des locuteurs de RTE pour voir que ce ne sont pas des aigles en électricité ! Ils flattent ceux dont ils attendent une promotion.
Pour ce qui est de la voiture électrique, les « Gens » ne se rendent pas compte du changement d’échelle entre une charge sous 7 KVA qui va durer la nuit dans le garage, et une charge supposée « Rapide » sous plusieurs centaines de KVA, qui va quand même durer une bonne demi-heure et nécessite un poste MT/BT dont l’éclosion en masse va se faire par la grâce un coup de baguette magique ! Et je passe sur l’équivalent d’une station-service les jours de grands départs, avec des dizaines de points de recharge, il va en falloir de l’aluminium pour raccorder tous ces postes en 20 000 volts ! A raison de liaisons de 3x150mm², sous exploitées 95% du temps, quel gâchis ; et toutes ces mines de bauxite pour produire ce métal, avec leur boues rouges, l’écologie est en route ! Et rien ne semble pouvoir l’arrêter…
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Bornes de recharge ou éoliennes, finalement même combat;
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Voilà ! le problème de la voiture électrique n’est pas l’énergie supplémentaire demandée, mais le fait qu’elle le soit en peu de temps ce qui impose une puissance très importante que nous n’avons pas. Et un réseau de transport et de distribution adapté.
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« Électricité renouvelable : un fonds de garantie de 70 M€ pour inciter les industriels »
« Concrètement, le fonds de garantie, doté d’une enveloppe initiale d’environ 70 millions d’euros et piloté par la banque publique d’investissement Bpifrance, permettra de couvrir le risque de défaut ou de faillite de l’industriel. Actuellement, les producteurs d’énergies renouvelables préfèrent répondre aux appels d’offres publics dans lesquels l’État garantit un prix d’achat plutôt que de s’engager avec un industriel, explique le ministère de la Transition énergétique. La volonté du gouvernement est donc d’encourager « un recours accru aux leviers de financement privé » avec cette garantie, qui sera payante pour les producteurs et les industriels, et dont le prix dépendra des modalités du contrat, précise-t-on à Bercy. »
Ça, c’est de la subvention !
L’EPR, ce gouffre ! Mais le serpent de mer de 700 MW entre l’Irlande éolienne et la France, une caresse !
« Celtic Interconnector : le coût du projet grimpe à 1,4 milliard d’euros
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) annonce un surcoût d’environ 500 M€ au projet Celtic Interconnector, la liaison électrique entre la France et l’Irlande.
Le Celtic Interconnector, ce projet de liaison électrique entre la France et l’Irlande, va coûter plus cher que prévu. Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), « les prévisions actuelles font désormais état d’un coût du projet de 1,482 milliard d’euros », soit un surcoût d’environ 500 M€ en raison « des tensions sur les marchés de fournitures ». »
Délire de 600 km de liaison sous-marine (En continu, une station de conversion à chaque bout), et RTE qui avalise cette bouffonnerie, on mesure l’ampleur du désastre…
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Petit calcul de puissance: une pompe à essence délivre en gros 50 litres en 2 minutes; 1 litre contient 10 kWh. Donc une pompe délivre 15000 kWh en 1 heure. Sachant qu’un moteur thermique a un rendement d’environ 30%, une pompe à essence a une puissance utile de 5000 kW. Pour avoir la même chose en élec, il faut un poste HT/BT avec son transfo et ses cellules de plusieurs dizaines de k€ et la ligne qui va avec pour alimenter la borne de recharge; et si on balance 5000 kW dans les batteries, on explose la bagnole!
Pour mémoire, 5000 kW, c’est la puissance d’une assez grosse usine.
Le problème avec les lois de la physique, c’est qu’elle ne sont pas votées au parlement…., mais finalement, ce n’est peut-être pas un problème.
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Au mois d’octobre, la consommation électrique a été en forte baisse par rapport à octobre 21, la grande douceur météo y est pour beaucoup, mais elle ne suffit pas à expliquer en totalité cette forte baisse. Il y a manifestement une part non négligeable liée à la baisse d’activité industrielle, baisse liée au coût trop élevé de l’électricité.
Le pays se désindustrialise parce que les charges pesant sur les entreprises sont trop élevées (charges sociales depuis longtemps et maintenant coût de l’électricité).
Faudrait voir à pas trop s’emballer sur les prévisions de croissance de la consommation électrique.
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Coucou,
C’est un peu comme prévoir le climat dans 30 ans !
Au doigt mouillé …
mais mieux vaut utiliser des tableurs, des bases de données, des fonctions mathématiques complexes, çà fait plus sérieux ….
Ajouter qu’on a utilisé le cray 200 capable de mega téra flops, ajouter une pincée d’ordinateur quantique et la, alors la
l’avenir , avec un grand A
Bonne soirée
Stéphane
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