L’Obscurantisme vert : note de lecture

On connaissait les Amis de la Terre, le livre d’Yves Roucaute pourrait servir de manifeste à une association inverse, celle des « Ennemis de la Terre. » Non pas parce que l’homme serait une espèce nuisible, mais parce que c’est la Terre qui est détestable.

La nature ne nous veut pas plus de bien qu’aux innombrables espèces éteintes sans pitié et de façon parfaitement « naturelle » depuis les temps géologiques. L’histoire entière de l’humanité est celle d’une espèce qui, pour son bien-être et son développement, a donc intelligemment pris fait et cause contre la planète.

« Près de la nature ? C’est toujours trop près », nous dit l’auteur. Nulle provocation là-dedans : les près de 400 pages qui déploient cette idée, nourries de quantité de références, sont un implacable plaidoyer contre les « petits bonshommes verts » (les écologistes) qui, comme l’a écrit Jean de Kervadoué, ont la naïveté de croire que « la nature est bonne ».

Pour dénoncer la peur climatique, Yves Roucaute suit d’abord le canal historique, en rappelant combien mouvementées ont été les quatre milliards d’années d’histoire terrestres où se sont succédées les périodes de chaud, de froid, ainsi que les incroyables extinction du passé – dont celle des dinosaures n’est que le dernier et plus célèbre exemple.

Yves Roucaute se livre ensuite un plaidoyer pour le progrès, la technologie, le dépassement des limites, et proclame son admiration sans bornes pour cette humanité qui s’est tant distinguée dans l’histoire du vivant. Tout est bon dans le progrès, nous dit-il. D’ailleurs personne ne songe sérieusement à revenir sur ses acquis, pas plus les écologistes derrière leur clavier que nos frères moins lotis des régions pauvres du monde, qui espèrent eux aussi pouvoir profiter des bienfaits de la modernité.

L’on pourrait croire qu’Yves Roucaute s’est trompé de siècle, qu’il est un homme des Lumières alors que le XVIIIe siècle est fini depuis longtemps. C’est l’inverse qui est vrai. C’est notre siècle, avec ses superstitions païennes, qui se trompe d’époque et qui doit de toute urgence retrouver foi en ce qui lui a si bien réussi depuis la révolution industrielle et même avant : la confiance en la capacité créatrice de l’espèce humaine. C’est cette créativité qui nous a affranchi des servitudes naturelles et nous permet de faire ce qu’aucune autre espèce vivante ne sait faire : choisir ses conditions d’existence, en faisant mieux que la nature.

Yves Roucaute a le grand mérite d’aller au bout de sa confiance dans le progrès. Il ne prend pas de gants, ni ne rend d’hommage hypocrite à la nature pour tenter d’amadouer ses contradicteurs. Pas un mot pour les « merveilles de la nature », la nécessité de la protéger, de la préserver ou de la respecter. C’est le livre d’un conquérant, « fier de sa condition d’homme » comme disait Vercors. Il refuse l’idée que l’espèce humaine devrait se brider en quelque façon que ce soit, précisément parce que le progrès, le dépassement des limites, la domination de la nature est la nature même de l’homme.

Naguère, écrire tout cela aurait été progressiste, ou banal. Descartes déjà ne voulait-il pas nous rendre « maîtres et possesseurs de la nature » ? Aujourd’hui, cette position est étiquetée « réactionnaire », « dangereuse », tant nous avons appris à valoriser la peur et à dénoncer l’esprit de confiance en nous-mêmes.

Le livre, il est vrai, reste silencieux sur certaines objections au progrès, notamment éthiques. Il les évacue en une demi-phrase, alors que des questions telles que le statut de l’embryon mériterait de vrais développements. Dans l’urgence qu’il voit à développer le progrès encore et encore, ne serait-ce que pour sortir de la misère au plus vite tous ceux qui y sont encore, le livre prend donc le risque de braquer ceux qui, prudents et de bonne foi, voudraient pouvoir se poser la question des limites du progrès, fussent-elles simplement morales.

Le « consensus scientifique » sur la question climatique n’est pas davantage abordé. Ce « consensus » mérite pourtant d’être questionné. En ces temps où la science se change en une « vérité officielle » à la contestation interdite, on ne peut pas se contenter d’évacuer le problème en ironisant sur les « petits bonshommes verts ».

Le livre n’en est pas moins un pavé sacrément bienvenu dans la zone humide des certitudes écologiques, des idées toutes faites qui ne résistent pas à l’examen, des peurs irrationnelles véhiculées par les marchands de mauvaise conscience. Un livre dont le succès montre que notre désir d’améliorer notre condition et la confiance en nous-mêmes n’ont pas dit leur dernier mot face aux idéologies régressives de notre temps.

Yves Roucaute, L’Obscurantisme vert, les Éditions du Cerf, 2022, 391 p., 24 €.

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32 réflexions au sujet de « L’Obscurantisme vert : note de lecture »

  1. Coucou,

    Quand on lit le pédigrée de l’auteur sur wikipedia on voit qu’il a franchi le mur du çon … comme dit le canard.

    A l’heure qu’il est le mur de droite doit être cassé !
    çà relativise des paroles de sagesse.

    Dommage.

    Bonne jorunée

    STephane

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    • Le mur du çon est franchi par ceux qui résonnent (c’est exprès) ainsi :
      « Tu vois, dans la vie, il y a deux sortes de gens : il y a ceux ceux qui pensent comme moi, et puis il y a les fachos.
      Toi, tu es un facho. »
      D’après Clint dans la célèbre scène du cimetière.

      Bravo, tel Monsieur Jourdain, vous l’avez bien franchi.

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      • Baloo a raison de se méfier. J’ai rencontré Roucaute il y a 50 ans, nous étions en prépa au lycée Lakanal, lui en lettres, moi en maths spé. A l’époque, il militait au PC, et respectait infiniment la figure de Staline. Même quand il tape sur les petits hommes verts, j’ai toujours des réticences à croire en sa sincérité.

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      • à Arcandier : on peut reconnaître s’être trompé dans des choix imbéciles faits 50 ans auparavant. Moi-même…
        Au-delà de cela, si un ennemi en politique m’amène un fait ou un raisonnement pertinent, je suis capable de l’entendre. L’argument  » il est de ce parti honni, donc je ne veux rien entendre de sa part  » est une manipulation idiote.

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    • Commentaire assez lamentable.
      Ils sont nombreux les gens qui ont d’abord été communistes ou même trotskystes et qui ont fini par virer de bord politique se rendant compte qu’il étaient du coté de l’utopie. C’est plutôt un signe d’intelligence.
      J’ai eu l’occasion de rencontrer il y a peu Henri Vacquin (https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Vacquin) qui entre dans cette catégorie. C’est une personne sympathique, intelligente et surtout pragmatique, qui a logiquement rompu assez vite avec son premier parti politique (il m’a dit avoir voté Pécresse à la dernière élection présidentielle).

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  2. La nature est ce quelle est: souvent belle et extraordinaire, parfois dure et même meurtrière. Au lieu de dépenser inutilement des dizaines de milliards dans des Cops et des organisations ultra politisées (GIEC , green peace et autres…) qui ne défendent que leurs intérêts propres et sont contre productives, les hommes feraient mieux d’investir tout cet argent pour se protéger des colères de cette nature et limiter les dégâts que parfois elle engendre.
    On ne change pas la nature en revanche on peut essayer de s’y adapter.

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  3. Ce livre, malgré ses limites bien décrites ici, est un livre fondateur. Il est fondateur de la contre-attaque globale indispensable face à l’invasion philosophique de l’idéologie écologiste. Tout le monde, ou presque, a intégré la notion de transition, alors que c’est une absurdité criminelle.
    Il faut le faire lire et on pourra affirmer qu’ouvrir une centrale à charbon n’est pas climaticide, ni même polluante si elle dispose des filtres adéquats, que le pétrole et le gaz naturel sont bons pour nous et que l’humanité ne peut pas se passer d’énergie à bon marché. C’est une évidence depuis la plus haute Antiquité, niée par les pbscurantistes verts.

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  4. Une révolution copernicienne dans la pensée et qui rejoint en effet le livre de Jean de Kervadoué, Hélas un nombre grandissant d’écolos ont la haine de l’Humanité; ça me rappelle le livre d’Yves Paccalet: L’Humanité disparaîtra, bon débarras! (2006)
    Diderot contre Rousseau? Oui de loin Diderot!

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  5. Taper sur les petits hommes verts me semble être une bien mauvaise stratégie. Après tout, ils ont un comportement religieux comme tout le monde, y compris et surtout comme les athées les plus convaincus et comme les fanatiques de la technologie.

    A mon humble avis, il y a deux axes sur lesquelles on pourrait peut-être modestement avoir une action efficace pour autant qu’elles soient clairement séparées :

    1. Les problèmes énergétiques, ils sont de nature politique. Il est bon que chacun exprime sa position et présente des arguments rationnels. Qui souhaite la gabegie qui s’annonce ? Probablement pas grand monde et même pas tant de ces petits hommes verts.

    2. La farce climatique en toile de fond. Ce n’est pas le moindre des soucis que d’assister à la décrédibilisation du monde scientifique dans son entier parce qu’il se montre incapable de mettre le holà à la plus ridicule des entreprises pseudo-savante de tous les temps. Pire, ce beau monde pèse de tout son poids pour promouvoir une climatologie encore bien plus faible et tordue que l’astrologie dans ses bases.

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  6. On parle des humains et de La Nature mais en fait c’est la nature contre la matière pensante qui en est sortie et se bat assez bien pour se développer et bientôt sortir de son berceau terre puis système solaire. La Nature de la terre à coté ?

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  7. La nature se fiche de l’individu. Elle a mis en place pour toutes les espèces, un système d’amélioration continue afin de coloniser tous les endroits de la terre possibles, des plus chauds aux plus froids, des plus acides aux plus basiques, dans l’eau, sur terre, dans les airs, dans les fosses sous-marines les plus profondes. En tout lieu en toutes circonstances, la vie est là. C’est assez surprenant. Pourquoi fait-elle ça ? Mystère ! L’amélioration continue consiste en une sélection naturelle, (additionnée d’une sélection sexuelle qui la contrarie parfois), qui se traduit par un tri sans pitié au fil des générations des aptitudes les plus adéquates à résister aux conditions les plus extrêmes.
    Ainsi la nature met en concurrences des espèces. Elle élimine celles qui sont moins résistantes, et pour faire ça, elle élimine à l’intérieur de chaque espèce les individus qui sont les moins performants. Ne perdurent que les plus performants des individus au sein des espèces les plus performantes. La nature se fiche de l’infini souffrance des milliards d’individus qu’elle a fait naître pour parvenir à ses fins sélectives. La mouche dans la toile d’araignée, la souris dans la gueule du chat, la gazelle dans celle du lion, les souffrances de tous ces individus en fin de vie tellement inutiles, etc… Après ça, les écolos nous disent que Dame Nature est comme une gentille Maman qui voudrait notre bien. C’est pas vraiment ça !
    Le fait est qu’au fil des sélections, homo sapiens est finalement l’heureux bénéficiaire du système le plus efficace pour coloniser en effet tous les endroits de la planète grâce au développement inédit de son cortex cérébral lui conférant une capacité d’adaptation hors norme. Ça n’a pas été sans mal. Dame nature a dû notamment résoudre le bête et mécanique problème à la naissance du passage du crâne par le bassin des homo sapiens femelles communément appelées « femmes ». Car le rapport de volume crânien d’un chimpanzé adulte sur celui d’un nouveau né est de 1 pou 3 quand il est de 1 pour 9 chez homo sapiens. Alors Dame nature toujours très inventive, ne se démonte pas, et fait naître le petit homme « prématuré » pour résoudre ce problème. C’est pour ça que le petit homme marche beaucoup plus tard que son lointain cousin. Et c’est aussi pour ça qu’est né la solidarité du groupe afin de protégé petit homme des dangers permanents de Dame nature pendant les premières années de sa vie pendant lesquelles il est plus vulnérables que dans n’importe quelle autre espèce.
    Non Dame nature n’est pas une gentille maman. Elle est le lieu de toutes les souffrances depuis tant de millions d’années. Mais malgré tout, elle est notre maison, et nous devons la préserver tout en la maîtrisant. Il nous faut savoir apprécier aussi quand elle est si sublime, et continuer de percer les nombreux mystères qu’elles recèlent.
    Amitiés Dominique

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      • Oh non, je n’ai pas cette prétention, je vais simplement dans le sens du texte :
        « … La nature ne nous veut pas plus de bien qu’aux innombrables espèces éteintes sans pitié et de façon parfaitement « naturelle » depuis les temps géologiques. L’histoire entière de l’humanité est celle d’une espèce qui, pour son bien-être et son développement, a donc intelligemment pris fait et cause contre la planète… »
        J’ai modestement un peu étayé en étalant mon peu de science comme la confiture sur une tartine.

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    • « Car le rapport de volume crânien d’un chimpanzé adulte sur celui d’un nouveau né est de 1 pou 3 quand il est de 1 pour 9 chez homo sapiens ».
      L’allométrie doit se référencer à un autre volume : est-ce le volume du corps? Sinon, cela veut dire que le volume du crâne se réduit d’un tiers, ou d’un neuvième à l’âge adulte.

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      • Oui c’est l’inverse bien sûr. Pardon. Le volume du crane grossit de 3 chez le chimpanzé et de 9 chez l’homme. Au cours de l’évolution, à mesure que les hominidés ont développé leur intelligence, et donc le volume crânien, un problème mécanique est apparu : Le bassin féminin non extensible à l’infini. La nature a donc progressivement fait naître petit homme de plus en plus « prématuré » pour avoir un crâne plus petit à la naissance. C’est pour ça qu’il est autonome de plus en plus tard comparé à ses lointains cousins, et l’effet Tanguy n’arrange rien, lol. Il marche à 9 mois, ce qui est une exception. 2 poneys sont nés il y a quelques mois dans un champ voisin de chez nous. Ils marchaient en moins d’une heure. Mais bon, il ne savait pas faire du feu. lol.
        J’essaie de vous retrouvez la source. Je crois que c’est le bouquin passionnant « le 3ème chimpanzé » de Jared Diamond.

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  8. Coucou,

    Un ptit coucou, non pas pour disserter sur le délire climatique actuel mais pour vous signaler une emission de arte qui vous rejouira, j’en suis sur !

    Une video proposée par le prof de mon fils qui débute sa 6eme, aujourd’hui même.

    Ecoutez à partir de la 38 ieme minute ! c’est incroyable. Il faudrait l’envoyer à tous les dingos du climat.

    Bonne soirée

    STéphane

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  9.  » les quatre milliards d’années d’histoire terrestres où se sont succédées les périodes de chaud, »
    Les périodes de chaud ont succédé à quatre milliards d’années. « se » est complément indirect.

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