Science et politiques stupides, 1/2 : bio, biologie, covid

une réflexion en deux parties par Robert Girouard.

En politique comme dans la vie, le mieux est l’ennemi du bien. Interventionnistes par nature, les gouvernements s’évertuent en effet à mettre de l’avant des politiques ou des programmes qui visent à améliorer les choses dans divers champs d’activité — économie, énergie, agriculture, santé publique, etc. Mais, souvent, pour ne pas dire trop souvent, ces mesures présentées comme des panacées ne donnent pas les résultats escomptés ou sont carrément néfastes. L’histoire récente et l’actualité fournissent quantité d’exemples de politiques stupides… oui, stupides, n’ayons pas peur des mots.

Prenons le cas du Sri Lanka. Nouvellement élu en 2019, le gouvernement de Gotabaya Rajapaksa a tôt fait de lancer sa réforme agricole visant à faire du Sri Lanka le premier pays producteur mondial d’aliments 100 % biologiques. Ce projet d’agriculture soi-disant durable s’inspirait d’un manifeste1 émanant du Viyathmaga, un mouvement idéologique et en apparence vertueux, composé de membres de l’élite intellectuelle et technocratique srilankaise et qui a aidé M. Rajapaksa à prendre le pouvoir. Fort de cet appui et malgré les mises en garde des agronomes, ce dernier s’est empressé de bannir toute utilisation et importation d’insecticides et d’engrais chimiques dans le but de contraindre les agriculteurs à adopter le bio. D’une pierre deux coups, l’agriculture srilankaise allait ainsi devenir un modèle pour l’humanité, avec des rendements miraculeux, tandis que le gouvernement économiserait 500 millions $ par année en subventions aux agriculteurs pour l’achat d’intrants. Trop beau !

Mais, oups, les résultats —désastreux — de ce programme fondé sur la pensée magique ne se firent pas attendre. La production de riz a chuté de 20 % dès la première année tant et si bien que le pays, jadis autosuffisant, a dû en importer pour 450 millions $. La culture du thé, importante source de devises, a également été frappée de plein fouet. Même constat pour le caoutchouc et la noix de coco. Déjà aux prises avec la crise sanitaire mondiale et la chute consécutive du tourisme, autre source majeure de revenus et de devises, l’économie srilankaise s’est rapidement détériorée, avec toutes les conséquences sociales que l’on devine. Certes, le gouvernement a eu le réflexe relativement rapide de lever les interdictions suicidaires et d’offrir certains dédommagements, mais, selon certains observateurs2, il n’aurait pas totalement retenu la leçon.

Tout cela n’est pas sans rappeler la politique agricole russe formulée par le biologiste amateur Trofim Lyssenko dans les années 1930, laquelle n’a pas livré les mirobolantes améliorations de rendement promises et censées compenser les déboires de la collectivisation des terres. Fondée sur des postulats scientifiques dépassés, voire corrompus, cette politique avait toutefois le net avantage d’avoir le soutien inconditionnel et musclé de Staline et du Parti communiste. Les opposants au lyssenkisme étaient en effet envoyés au goulag ou éliminés ; Nikolaï Ivanovitch Vavilov, l’éminent botaniste et généticien russe qui fonda et dirigea l’Institut pansoviétique de culture des plantes, grand adversaire de Lyssenko, fut notamment emprisonné. Le lyssenkisme a finalement été abandonné plusieurs décennies plus tard, mais le terme est resté pour désigner toute pseudoscience au service d’une idéologie.

Autre exemple, cette fois dans le domaine de la santé publique : la politique idiote du « zéro Covid », qui consiste essentiellement à confiner toute une population — par exemple les 23 millions d’habitants de Shanghai — dès qu’un cas est déclaré au sein de celle-ci. La Chine de Xi Jinping est aujourd’hui la seule à poursuivre cette politique. Tous les autres pays qui l’ont essayée l’ont abandonnée en raison de ses coûts faramineux et des contraintes déraisonnables qu’elle impose aux populations concernées. Pourquoi la Chine persiste-t-elle à appliquer cette médecine de cheval ? Selon le site Bitter Winter3, qui surveille la situation des droits de l’homme et de la liberté religieuse en Chine, cette stratégie a été décidée non pas par les autorités sanitaires, mais bien par Xi Jinping lui-même et le Comité central, et ce, pour des motifs idéologiques inspirés des écrits de Marx et Engels. Primo, les épidémies sont le produit du capitalisme, elles ne sauraient se développer dans les sociétés communistes : le Covid est donc une importation. Deuxio, les stratégies occidentales favorisent la bourgeoisie qui bénéficie d’un meilleur accès aux soins et aux vaccins, tandis que le « zéro Covid » protège toutes les classes sociales également. Comme quoi les régimes autocratiques sont toujours plus lents à corriger leurs erreurs parce qu’il n’y a pas d’opposition pour relever l’idiotie de leurs arguments.

Références

1. Vistas of Prosperity and Splendour
2. In Sri Lanka, Organic Farming Went Catastrophically Wrong, Ted Nordhaus et Saloni Shah, Foreign Policy, 22 mars 2022
3. Xi Jinping’s Zero-COVID Policy: It’s the Ideology, Stupid, Hu Zimo, 21 mars 2022

(Suite jeudi : la politique énergétique québecoise)

19 réflexions au sujet de « Science et politiques stupides, 1/2 : bio, biologie, covid »

  1. Certains libéraux technophiles me donnent aussi le sentiment d’être des lyssenkistes adeptes de la pensée magique. Leur foi absolu dans les vertus du capitalisme et du progrès scientifique les conduit à systématiquement nier ou minimiser tous les contraintes physiques qui sont nature à entraver la croissance économique. Il est frappant de constater qu’à chaque fois qu’un problème de nature écologique ou sanitaire nécessite la mise en oeuvre de mesures ayant un impact négatif pour l’économie (trou de la couche d’ozone , réchauffement climatique ,perte de biodiversité , appauvrissement des sols , scandale de l’amiante , épidémie de covid , pesticides , perturbateurs endocriniens , épuisement des matières premières etc..), vous avez comme par hasard des scientifiques de sensibilité libérale qui adopte un point de vue rassuriste . Ils sont tellement convaincus que la science est prise en otage par des idéologues déclinistes qu’eux aussi finissent par laisser les passions parasiter leur pratique scientifique.

    J’aime

    • @alcatraz
      concernant votre conclusion , je pense que vous êtes à côté de la plaque parce que je pense ( je ne vous connais pas) que vous n’êtes pas un scientifique ; certes tous les scientifiques ne sont pas d’accord avec les quelques rares du GIEC qui eux sont vraiment des otages ; mais ils sont muselés par les politiques et les médias qui font le travail de ces derniers

      J’aime

    • Il me semble que ce que vous appelez « problèmes écologiques » avec certitude demanderait un examen approfondi pour en établir le bien-fondé. Cela ressemble fort aux litanies apocalyptiques dont nous sommes assommés à longueur de télé

      J’aime

    • Ben oui, la science et la technologie son en perpétuel bouillonnement et que tous les scientifiques et ingénieurs ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. C’est comme ça et c’est tant mieux. On sait où mène la pensée unique.

      J’aime

  2. Ils sont tellement convaincus que la science est prise en otage par des idéologues déclinistes…

    Quand on voit un prédicateur barbu taper dans gong en marmonnant des propos millénaristes le doute sur la fragilité de sa santé mentale n’est pas permis.

    J’aime

  3. La politique « zero covid » peut fonctionner au tout début d’une épidémie lorsqu’on essaie de bloquer complétement la propagation d’un virus pour l’éradiquer. Les chinois avait réussi cela lors de l’apparition du SARS-COV 1 en isolant chaque malade. Une fois que le virus s’est propagé au niveau mondial, cela ne sert plus à rien.

    J’aime

  4. Bonjour à tous,
    Je viens de recevoir une invitation pour « Les universités d’été de l’économie de demain ».
    Tout d’abord, d’accord, je reçois de drôles de trucs, c’est vrai.
    Ensuite et surtout, cela commence ainsi : « 3 ans, c’est selon le GIEC le temps qu’il nous reste pour inverser la courbe du changement climatique et préserver le capital naturel et humain de la planète. C’est le temps que nous avons pour que l’économie change de modèle ». Etc.
    D’où une question et une réflexion : Est-ce que le Giec écrit réellement ce qui précède (trois ans), dans son résumé pour décideurs ou ailleurs ? (Je n’ai qu’une envie modérée de me plonger dans cette littérature).
    Si cela est vraiment écrit par le Giec, qui peut prendre cela au sérieux ? Y compris les gens du Giec, y compris nos décideurs politiques, économiques, etc. Si le fond est vrai, alors, de toute façon et quoi que l’on fasse, c’est râpé. Autant s’occuper d’autres choses.
    Ce qui m’étonne un tantinet, c’est que parmi les « les entrepreneurs visionnaires » qui seront présents à cette chose, on trouve ou sont annoncés, le PDG d’EDF, le DG de L’Oréal France, celui de la Fnac, etc ainsi que des patrons d’entreprises moins traditionnelles (disons bobo pour simplifier beaucoup).
    Que vont faire ces types là dedans ? Se donner bonne conscience ? Redorer l’image de leur entreprise ? Faire plaisir à un copain ou une copine ?
    Il y a aussi une certaine Nadai Maïzi, présentée comme « Giec ». Vérification faite, cette personne est « directrice du Centre de Mathématiques Appliquées de Mines ParisTech, … » et aussi « auteure principale pour la contribution du 3eme groupe de travail au sixieme rapport du GIEC (AR6) depuis janvier 2018 ». C’est en tous cas ainsi qu’elle est présentée sur le site du Centre de Mathématiques Appliquées en question.
    Bref, ma question principale est « Qui peut prendre cela (3 ans) au sérieux ? »
    Bien à vous
    JCBM

    PS : Je sais bien que ce n’est pas le sujet du fil mais je viens de recevoir cette invitation et ne sais pas trop où en parler sur Mythes, mancies …

    J’aime

    • Quand je pense que j’ai encore eu une discussion très récemment avec un collègue au sujet de la dimension politique du GIEC…
      Même sujet, je m’interroge :

      ENVIRONNEMENT – Un accueil de pied ferme. Lundi 20 juin, 25 scientifiques du Groupe d’experts pour le climat (Giec), de l’IPBES (le Giec de la biodiversité) ainsi que des économistes et spécialistes de l’environnement, attendront les 577 nouveaux députés devant l’Assemblée nationale pour leur proposer une formation au climat et à la biodiversité.

      Que les scientifiques, ou du moins ce qui s’en prévalent, restent dans leurs labos et que les élus restent à leurs assemblées respectives et les cochons seront biens gardés.
      A-t-on prévu une intervention des climato-réalistes histoire de rééquilibrer un peu la communication ?

      J’aime

      • Les sujets de discussions seront
        – pour les uns : trouvez nous de nouvelles raisons de taxer les contribuables
        – pour les autres : d’accord, mais faudra nous doubler notre salaire et notre budget de missions

        Aimé par 1 personne

    • Est-ce que le Giec écrit réellement ce qui précède (trois ans), dans son résumé pour décideurs ou ailleurs

      Non. Les rapports du GIEC sont des synthèses de travaux scientifiques. Ils publient des « prévisions » assorties de qualificatifs de confiance (« il est très probable que… ») Ils évaluent des scénarios et leurs conséquences probables compte-tenu de l’état des connaissances. On peut critiquer leur approche et leur état d’esprit, mais ils restent dans le domaine scientifique.

      Par contre, certains scientifiques (membres du GIEC ou pas) ne se privent pas d’utiliser leur autorité de « sachants » pour diffuser un message alarmiste et pousser leurs convictions politiques. Les médias adorent ça car la peur fait vendre. Les politiciens adorent ça car ils se présentent en sauveurs. C’est de l’instrumentalisation de la science et il faut la dénoncer comme telle.

      Plus généralement, il faut rappeler que la science dit ce qui est et ce qui va probablement se produire. En aucun cas la science ne peut dire si c’est bien ou mal car c’est une question de morale et non de science. En aucun cas la science ne peut dire ce qu »il faut imposer ou interdire à la population, car c’est une question de décision politique et non de science.

      Tout discours qui commence par « la science dit que nous devons faire ceci ou cela » est une imposture.

      J’aime

  5. Petit HS

    Le Mieux est l’ennemi du Bien.

    « Ici, je l’avoue, mon titre m’accable et je suis furieusement tenté de descendre de ma chaire. Exégèse signifie, hélas ! explication, et voici un monstre de Lieu Commun qui vient au-devant de moi sur la route de Thèbes. Jamais, sans doute, une énigme plus difficile ne fut proposée à un Œdipe.

    Voyons cependant.

    Si le Mieux est l’ennemi du Bien, il faut nécessairement que le Bien soit l’ennemi du Mieux, car les abstraits philosophiques ne connaissent pas plus le pardon que l’humilité. Un homme peut répondre à la haine par l’amour, une idée jamais, et plus cette idée est excellente, plus elle récalcitre.

    On affirme donc, implicitement, que le Bien a horreur du Mieux et qu’une haine farouche les divise. C’est à qui mangera l’autre, éternellement. Mais alors, qui est le Bien et qui est le Mieux et quelle fut l’origine de leur conflit ? Que nous veut ce manichéisme grammatical ?

    Est-il bien, par exemple, d’être un sot et mieux d’avoir du génie ? Quand on dit que Dieu a tout fait pour le Mieux, dois-je entendre qu’il n’a rien fait pour le Bien ? Dans quelle caverne métaphysique ce comparatif et ce positif se sont-ils déclaré la guerre ? C’est à en devenir fou.

    Je prends ma tête à deux mains et je me donne à moi-même des noms très-doux : — Voyons ! encore une fois, mon cher ami, mon trésor, mon petit lapin bleu ! un peu de calme, nous retrouverons peut-être le fil. Nous avons dit ou entendu dire que le Mieux est l’ennemi du Bien, n’est-ce pas ? Or, qu’est-ce que l’ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc le Mieux et le Mal sont identiques. Voilà déjà un peu de lumière, semble-t-il…

    Oui, mais si le Mieux est vraiment le Mal nous allons être forcés de reconnaître que le Bien, à son tour, est aussi le Mal, d’une façon très-incontestable, puisque tous les hommes avouent qu’il est lui-même mieux que le Mal qui est le Mieux et que, par conséquent, il est mieux que le Mieux qui serait alors le Pire !!!???

    Zut ! Ariane me lâche et j’entends mugir le Minotaure.  »
    L. Bloy
    Exégèse des Lieux Communs
    😉

    J’aime

  6. Aimer ratiociner dans la torpeur de la salle des profs aux stores baissés et savoir choisir des exemples concrets pertinents sont visiblement deux exercices très différents. Car dans la vraie vie, les travaux conjugués de David E. Martin, Christine Massey, Pierre Chaillot, Denis Rancourt, Li-Meng Yan, ont montré que la maladie dite covid 19 n’existe pas, et que la fraude repose toute entière sur des tests RT-PCR dont les amorces sont fantaisistes et les températures de cycles fausses. En d’autres termes, le nombre de malades de la maladie dite covid 19 est à ce jour égal à zéro dans le monde. On ne demandera pas aux grands mathématiciens d’en dresser la courbe…

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s