La mer monte ; que fait la terre ?

Par MD

1/Introduction.

Chacun sait que le niveau de la mer a le plus souvent tendance à augmenter, comme le montrent les mesures des quelque 1 600 marégraphes répartis sur les côtes, répertoriés notamment par le PSMSL. Ce sujet avait été évoqué dans trois articles antérieurs, relatifs aux cas particuliers des côtes de la France, des Pays-Bas et du New Jersey. Certains marégraphes sont très anciens, ce qui permet de disposer de nombreuses séries longues.

Cependant, les mouvements que les marégraphes enregistrent ne sont que relatifs, puisqu’ils sont mesurés par rapport à des repères terrestres qui peuvent eux-mêmes être sujets à des variations de niveaux. Une élévation du niveau de la mer éventuellement observée sur une côte est donc une somme algébrique de différentes variations élémentaires. Cet aspect avait déjà été abordé dans les trois articles précités.

2/ Le Global Positioning System.

Contrairement aux données des marégraphes, les variations des niveaux terrestres ne sont mesurées avec précision que depuis une ou deux décennies. En outre, les séries comportent des lacunes et des ruptures ; certaines ont même été interrompues. Tout ceci incline à la prudence quant à leur interprétation. L’organisme chargé de leur recension est le Jet Propulsion Laboratory (JPL) californien, lié contractuellement à la NASA. Il utilise le Global Positioning System (GPS), constellation de 31 satellites utilisés notamment pour la navigation et les mesures géodésiques. Le JPL tient à jour et met à disposition les données de ses 2 675 stations de mesure sur son site GPS Time Series (nasa.gov). On peut accéder aux données par repérage sur une carte dédiée qui renvoie à un tableau. Il est possible de zoomer sur la carte pour détailler les stations, et même aller jusqu’à la position précise de chacune d’elles. Voici un extrait de la carte zoomée sur l’Europe de l’Ouest.image001

Chaque station est représentée par un point vert, associé à un trait jaune qui illustre son mouvement horizontal par sa direction et par sa longueur proportionnelle à la « vélocité » observée sur la période. Par exemple, on peut vérifier que le continent européen dérive d’environ 25 mm par an vers l’est-nord-est. On s’intéressera ici exclusivement aux mouvements verticaux.

Le planisphère ci-dessous donne une image schématique de la répartition des stations sur la surface du globe, à la maille de 5°latitude x 10°longitude, avec un code de couleurs qui va du vert (une seule station) au jaune (2 à 30 stations) et au rouge (une à plusieurs centaines de stations).image002

On notera la très forte concentration des stations en Californie, où se trouvent pratiquement la moitié des stations mondiales notamment au voisinage de la célèbre faille de San Andreas. A contrario, l’Afrique et l’Asie sont peu pourvues, pour des raisons historiques. Les stations présentent une très grande diversité d’implantation. Certaines sont côtières, parfois à proximité de marégraphes, d’autres dans des lieux isolés, des montagnes ou encore dans des villes. La nature du support et elle aussi très variable : on peut s’étonner d’en trouver juchées sur des bâtiments, dont la pérennité et la stabilité ne sont pas garanties.

Pour chaque station repérée en coordonnées géodésiques, le JPL fournit trois graphiques des évolutions en latitude, longitude et altitude, et en déduit une estimation des trois « vélocités » (en mm/an) avec les marges d’erreur. Toutes les données numériques (quotidiennes) sont accessibles et chacun peut donc reconstituer les séries. A titre d’exemple, voici la situation précise et les graphiques JPL de la station située sur une des toitures de l’Observatoire de Paris.image003image004

Les lignes rouges en surimpression correspondent aux données mensuelles. Dans le cas des altitudes, on distingue des ondulations qui correspondent en majeure partie à la dilatation-contraction saisonnière du support.

On s’en tiendra là de cette description sommaire. Les lecteurs sont invités à se reporter à la base de données du JPL, ils y feront des découvertes intéressantes et y trouveront matière à réflexions.

3/ Résultats globaux.

Au-delà de leur brièveté et de leurs insuffisances, toutes ces données sont utiles en ce qu’elles permettent le cas échéant de « relativiser » les mesures marégraphiques pour tenter d’évaluer la part qui revient aux variations du niveau marin proprement dit.

L’exercice présenté ci-après est peut-être discutable voire téméraire, mais il ne manque pas d’intérêt. La base de données du JPL fournit la liste des stations avec entre autres leurs coordonnées géodésiques et la vélocité verticale, la seule qui nous intéresse ici. On peut utiliser cette base pour essayer de se faire une idée globale des mouvements verticaux des surfaces continentales. Puisqu’on dispose pour chaque élément de 5° x 10° d’autant de valeurs de vélocité verticale qu’il existe de stations GPS dans l’élément, on peut en faire la moyenne arithmétique. Il en résulte le planisphère ci-dessous des vélocités (en mm/an). Les valeurs positives en rouge dénotent une élévation du niveau terrestre (surrection) d’autant plus foncée qu’elle est importante, les valeurs négatives en vert un affaissement (subsidence), les valeurs en jaune sont intermédiaires, souvent inférieures à ±1 à 2 mm/an (on a éliminé du code couleur deux ou trois valeurs manifestement aberrantes).image005

On voit que les valeurs positives en rouge se situent principalement dans les zones polaires et surtout en Arctique où il existe plus de stations. On y constate probablement la poursuite actuelle du « rebond glaciaire ». En Europe, les éléments en rouge concernent la Scandinavie, alors que plus au sud on constate une légère subsidence. La zone de basculement semble se situer en mer du Nord. C’est ce qui explique notamment qu’à Stockholm et Helsinki, le niveau apparent de la mer ait baissé de 30 à 40 cm en 150 ans, et qu’il soit resté stable au nord de l’Ecosse. Pour l’essentiel de la surface du globe, la tendance paraît plutôt être à la subsidence. Mais laissons à de plus savants le soin d’approfondir le sujet.

4/ Conclusion.

On sait que l’élévation apparente du niveau de la mer dans la plupart des zones littorales et portuaires donne lieu à des inquiétudes voire à des fantasmes, quoiqu’elle semble évoluer à un rythme linéaire et modeste depuis plus d’un siècle. Les mouvements verticaux annuels enregistrés par les marégraphes sont d’un ordre de grandeur allant de 1 à quelques millimètres par an. C’est aussi l’ordre de grandeur des mouvements verticaux des terres émergées dans un sens ou dans l’autre, autant qu’on puisse en juger par les données récentes disponibles. Cette composante n’est donc pas à négliger dans les analyses.

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16 réflexions au sujet de « La mer monte ; que fait la terre ? »

  1. La définition de la grandeur intensive qu’est la Température d’un système thermodynamique nous permet de construire le concept de Thermomètre Océanique en construisant une échelle de température à mettre à coté de l’échelle du niveau de l’Océan pour afficher le température globale du climat.

    La notion de température moyenne n’a pas de sens sur la Lune parce que les parties exposées au soleil sont très chaudes et les parties à l’ombre très froide. Sur la Lune, il n’y a quasiment aucune matière à la température moyenne des parties exposées au soleil avec celles à l’ombre.
    Cela est du à l’absence de matière, gaz ou liquide en convection à la surface de la Lune.

    Sur Terre, comme il y a beaucoup de matière en convection avec une répartition de 1 pour 1000 en termes de quantité de chaleur transportée de l’atmosphère par rapport à toute l’eau des Océans, la construction d’un bête thermomètre à eau, de mer, en utilisant le niveau de l’Océan à un point donné est parfaitement correcte au sens physique et permet de lire la température globale du climat après un ajustement de l’échelle.

    Il s’agit juste d’appliquer des définitions, académiques, à un modèle, celui de la Terre, avec des données récoltées par les instituts de géophysiques.

    L’exercice est le même que de construire un thermomètre à eau, quand on était à la MJC, pour mesurer la température qu’il faisait dans le local de la MJC, mais cette fois-ci, de le faire à une échelle planétaire.

    Quand j’ai pris la peine de chercher les données (physiques et géophysiques) nécessaires à la construction de ce fameux Thermomètre Océanique, et qu’on calcule l’écart en mètres entre deux graduations, on sait évaluer le réchauffement de la planète sans satellite ni gros ordinateur inutile, on prend l’ordinateur analogique lui-même, la Terre, et lui colle un instrument construit avec les mains d’un physicien et des données du géophysicien et on a la bonne réponse sur toute affaire du réchauffement climatique.

    Aux réchauffistes de nous raconter encore des salades pour nous faire croire qu’on n’a plus légalement et scientifiquement le droit de mettre une échelle de température en face de celle du niveau de l’Océan.

    à tous les réchauffistes….

    Parce que je me suis rendu compte que chez les sceptiques, les climato-sceptiques, il y a aussi toute une faune d’intello prêts à faire mousser cette affaire, le plus longtemps possible, sans jamais penser qu’il est possible de trancher définitivement la question, scientifiquement, par une expérience ou un instrument.

    Il y a d’autres moyens, sur le CO2, en double-aveugle …, faire sortir le coupable …

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    • Il y a bien une sorte de thermomètre océanique mais il ne fonctionne pas par simple graduation au moins aux échelles de temps qui nous intéressent. La raison en est que la principale cause de l’élévation n’est pas la dilatation de l’eau mais l’apport massique provenant des glaciers. Ce n’est donc pas le niveau qui est à graduer en °C mais le taux d’élévation. Les mouvements verticaux tectoniques ne sont pas gênant puisqu’ils sont à peu près constants à l’échelle du siècle. La dilatation perturbe quelque peu la relation mais la vitesse de variation est bien à peu près proportionnelle à la température à l’échelle de plusieurs décennies.

      Si le niveau de l’océan était le thermomètre, il y aurait sérieusement de quoi s’inquiéter !!!

      En réalité, le vrai thermomètre océanique raconte la même histoire que tous les proxies de la température : rien à signaler de très remarquable à l’époque moderne.

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      • Antisceptique a eu l’amabilité de fournir un lien qui permet d’avoir une idée du thermomètre océanique.

        https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A232904/datastream/PDF_01/view

        Figure 1c page 2. Selon son goût on pourra se référer à la courbe rouge (apports modélisés) ou à la noir (taux observés).

        Un avertissent, la première phrase du papier dit : « The rate of global-mean sea-level rise since 1900 has varied over time, but the contributing factors are still poorly understood. »

        Et le résumé se termine par : « Our results reconcile the magnitude of observed global-mean sea-level rise since 1900 with estimates based on the underlying processes, implying that no additional processes are required to explain the observed changes in sea level since 1900. »

        Peut-être. A prendre avec des pincettes parce que certaines contributions sont surtout là pour boucler le bilan. Cela donne quand même une idée du thermomètre océanique.

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  2. @MD
    La mer monte ; que fait la terre ?
    Vous oubliez le fond de la mer ; les terres arctiques se soulèvent comme vous dites suite au rebond glaciaire , mais il n’y a pas que les terres ; les plates formes continentales , solidaires des terres suivent le même rebond et par conséquent l’océan arctique est entrain de se vider d’une partie de ses eaux côtières , comme bien sûr la Baltique avec son golfe de Botnie
    Et je ne parle pas des rides océaniques ……

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  3. Votre article MD est intéressant et suscite deux questions sur deux plans différents.

    Sur la forme : pourquoi votre contribution a t’elle l’apparence d’un article scientifique mais sans nom d’auteur(s), institution(s), ni liste de références?

    Sur le fond : serait-il possible d’estimer le volume ou/et la masse totale d’eau liquide présente sur terre à partir de ces mesures ou bien, au moins, leur évolution dans le temps. La croûte terrestre se déformant dans tous les sens comme vous nous le rappelez, cette quantité d’eau liquide totale ou ses variations semblent une quantité pertinente pour mesurer un changement climatique.
    Idem dans les phases solides (ça doit être plus facile et ça a du être fait par les glaciologues) et gazeuses (influence sur l’effet de serre)?

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  4. @, Antisceptique a dit :
    «  » » » » »Un complément qui me parait un peu plus sérieux que le complément précédent: » » » » » »
    Vous ne pouvez pas mettre trois lignes de commentaire pour nous éviter toute cette lecture ?

    Aimé par 1 personne

  5. Bon article
    Juste une petite critique, ou plutôt un oubli à signaler, il ne parle pas de la subsidence provoquée par les pompages ou l’affaissement naturel des sédiments comme par exemple sur les côtes Est des USA. La page d’accueil de ce site de la NOAA permet de mieux visualiser ces phénomènes (il utilise lui aussi les données du PSMSL)

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    • Papijo
      Non, ce n’est pas un oubli. Ce phénomène est bien documenté, et j’en ai parlé dans mes articles précédents : voir par exemple dans le dernier en date (Atlantic City) le paragraphe « Niveaux géodésiques ».
      Mais il se trouve que les repères géodésiques suivis par le JPL ont été – la plupart du temps – implantés à l’écart des sédiments récents sujets à des affaissements de ce genre, naturels ou anthropiques.
      A titre de simple exemple proche de nous, celui de Marseille est situé sur le même pointement rocheux que le marégraphe (et non sur la plage du Prado !😊)
      Merci et cordialement
      MD

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