Divine surprise

Par MD.
1/ Introduction.
La revue « Nature Climate Change » vient de faire paraître un article intitulé « Fossil CO2 emissions in the post-covid-19 era ». Selon les auteurs, nous serions donc entrés dans une nouvelle « ère », rien que cela. Le thème développé est le suivant : cinq ans après l’Accord de Paris, les émissions de CO2 ont commencé à décliner, grâce aux restrictions imposées au motif de la pandémie de covid-19. Il s’agit maintenant de ne pas relâcher l’effort sous prétexte de relance économique, et de poursuivre la réduction ainsi engagée, en adoptant de nouveaux choix politiques et sociétaux.

2/ Emissions globales.
L’article se réfère aux émissions de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles. Les données correspondantes sont celles du Global Carbon Project (GCP), dont on a déjà parlé dans une contribution récente. Dans le graphique ci-dessous, on a retracé l’évolution mondiale des émissions fossiles de CO2 depuis 1970, y compris une estimation précoce des émissions de l’année 2020. On y a fait figurer quelques évènements marquants ayant jalonné cette période.image001Jusqu’en 2019, la tendance générale était à une augmentation moyenne d’environ 0,5 Gt de CO2 par an, avec cependant des fluctuations notables. L’année 2020 a été caractérisée par une chute brusque, évaluée à – 2,6 GtCO2 (- 7% par rapport à 2019). La valeur exacte de la baisse des émissions en 2020 reste à confirmer. Mais il est certain qu’elle résulte des restrictions imposées – à tort ou à raison – aux activités pendant une partie de l’année. Ces restrictions ont pesé lourdement sur la production et les échanges, et par voie de conséquence sur les émissions concomitantes de CO2. Les relations entre PIB, consommation d’énergie et émissions sont en effet avérées (facteurs de Kaya).

3/ Répartition des émissions.
Les instances climatiques internationales ont réparti les pays du monde en deux grandes catégories : d’une part une quarantaine de pays dits « développés » qui sont énumérés dans l’« annexe B » du protocole de Kyoto, d’autre part tous les autres pays réputés « en développement ». Les pays de l’annexe B se sont obligés à réduire leurs émissions selon une certaine répartition du fardeau entre eux. Les pays en développement n’ont aucune obligation. L’accord de Paris, basé sur des contributions volontaires, n’impose pas davantage de contraintes aux pays en développement.
Le graphique ci-dessous montre l’évolution des émissions de ces deux catégories de pays entre 1970 et 2019, avec extension à 2020. Par « émissions territoriales » on entend celles qui sont émises directement sur les territoires nationaux. Les pays développés de l’annexe B ne représentent plus que le tiers des émissions mondiales (dont moins de 10% pour l’Union européenne et 1% pour la France, soit dit en passant).image002Le GCP a introduit depuis 1990 une autre acception, les « émissions de consommation ». En effet, les pays développés importent de plus en plus de biens et de services provenant du reste du monde. L’usine chinoise émet le CO2 que l’usine française défunte n’émet plus. Ce qui revient pour les pays développés à extérioriser, ou exporter, leurs émissions de CO2. D’où ce nouveau graphique avec les valeurs corrigées de ces « transferts ».image003Les estimations précises des transferts sont très incertaines, mais leur principe est peu discutable. En d’autres termes, la diminution apparente des émissions des pays développés trouve immédiatement sa contrepartie ailleurs. Mesurées à cette aune, la courbe en bleu montre que les émissions « réelles » des pays développés auraient peu évolué de 1990 à 2019. Quant aux pays en développement, bien nommés, leurs émissions n’ont cessé de croître dans le même temps.

4/ Les préconisations.
Les auteurs de l’article de Nature Climate Change donnent un exemple de ce qu’il faudrait éviter : celui de la crise financière de 2008-2009. La récession avait alors entraîné une chute des émissions de CO2. Mais un fort redressement en 2010 et 2011 avait rattrapé la tendance haussière antérieure.
Les auteurs remarquent, en le déplorant, que les premiers chiffres de fin 2020 – début 2021 laissent prévoir un rebond de l’activité économique, ce qui se répercutera inévitablement sur les émissions de CO2. Or pour maintenir l’augmentation des températures « entre 1,5°C et bien au-dessous de 2°C » (termes de l’accord de Paris), ils estiment au contraire qu’il faudrait que les émissions de CO2 diminuent de « 1 à 2 Gt par an ». Le graphique ci-dessous illustre de façon très schématique cette préconisation, en prenant comme hypothèse 1Gt de CO2 de moins par an (soit le minimum de la fourchette de « 1 à 2 »).image004Les auteurs suggèrent que les mesures drastiques adoptées à l’occasion de la covid-19 pourraient préfigurer ce qui serait nécessaire à l’avenir pour « combattre le changement climatique ». Ils remarquent toutefois que les réductions d’émissions obtenues grâce à ces mesures sont surtout dues à la récession, mais n’ont pas affecté en profondeur les structures économiques mondiales, qui restent fondées sur les énergies fossiles. En outre, dans la plupart des pays, les plans de relance post-covid sont en contradiction directe avec les engagements antérieurs.
Les auteurs préconisent donc un certain nombre d’actions urgentes. Certaines sont aussi vagues que présomptueuses : au niveau mondial, un « déploiement sur une grande échelle des énergies renouvelables » et parallèlement un « désinvestissement massif (profound) dans les infrastructures basées sur les énergies fossiles ». D’autres préconisations plus anecdotiques voire naïves sont relatives aux transports de personnes : déploiement sur une grande échelle des véhicules électriques, espaces réservés à la marche à pied et à la bicyclette, retour aux transports en commun (dès qu’on pourra le faire sans risque, est-il précisé…). Enfin une forte incitation au télétravail (« remote communications for businesses and organizations ») et au tourisme régional.
De cette façon, l’année 2021 pourrait ainsi marquer le « début d’une nouvelle phase pour combattre le changement climatique ».

5/ Conclusions.
Le simple examen des graphiques précédents suffit à se convaincre que les perspectives futuristes esquissées par les auteurs n’ont que peu de chance de se réaliser. Même si les pays développés (et encore pas tous) poursuivent leurs politiques de restrictions et de pénitence, les autres pays n’auront de cesse d’améliorer leurs conditions de vie. Ils le feront au moindre coût, c’est-à-dire en utilisant les ressources naturelles disponibles en quantités sur leurs territoires ou ceux de leurs voisins. Imagine-t-on un seul instant la Chine démanteler ses centrales ou l’Inde fermer ses énormes mines à ciel ouvert ?

Cela étant, l’article de Nature Climate Change mérite la lecture. Il est bref, simple et clair, et il constitue une sorte de quintessence de l’état d’esprit et de la doctrine officiels.
Malgré les objurgations pressantes des auteurs, on ne peut s’empêcher d’y déceler un certain désenchantement. La « divine surprise » aura-t-elle été de courte durée ?

25 réflexions au sujet de « Divine surprise »

  1. Il est intéressant de mettre en parallèle cette baisse historique des émissions anthropiques mondiales, avec l’augmentation constante du taux de CO2 atmosphérique mesuré par la NOAA à Mauna Loa (416,75 ppm en fev 2021). Sources cachées de CO2 ??? Plus sérieusement, si les ordres de grandeur du stock atmosphérique en CO2 sont trop différents de celui des émissions humaines, qu’en conclure sur les effets des politiques ruineuses de décarbonatation ???

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  2. Merci MD. Il convient effectivement, comme le rappelle Pascal1954, de mettre en perspective avec les émissions globales mesurées à Mauna Loa. Ils ne se rendent pas compte que leurs courbes douteuses ne font que mettre en évidence la quantité négligeable des émissions humaines dans le système naturel.

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  3. Personnellement, je n(ai rien contre la marche à pied… à condition de ne pas dépasser 20/30 kms quotidiens (lol), et surtout que ces p*** de cyclistes n’envahissent pas les trottoirs et autres espaces supposèment dédiés aux piétons, sous pretexte qu’ils seraient « vert…ueux » (mais là j’ironise moultement).

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  4. Plusieurs remarques à propos de ce très bon article et des discussions qui vont suivre
    1) Comme bien rappelé , il s’agit d’ une estimation précoce des émissions de l’année 2020. De plus , si on se base sur le lien donné concernant le GCB et qu’on clique sur la figure de gauche , on se rend compte que ces prévisions pour l’année 2020 rentrent dans la fourchette d’incertitude pourtant basée sur des données des années précédentes
    2) Je pense que si les estimations pour le pétrole sont sans doute assez valables , il faut se rappeler que le gaz et le charbon représentent une fois et demi la consommation de pétrole ; je pense que pour le charbon surtout , les données et donc les estimations sont certainement moins précises
    3) Même si après des données précises sur la consommation de produits fossilles en 2020 on notera une petite corrélation négative avec les données de Mauna Loa, il ne faut pas se précépiter pour affirmer que l’homme n’est pour rien dans l’augmentation du CO2 depuis le début de l’ère industrielle
    4) En effet , dans le bilan annuel du CO2 atmosphérique, il y a les sources , mais aussi les puits : 50% de la contribution anthropique repart dans les puits qui sont la biosphère marine et terrestre et 50% reste dans l’atmosphère et les données isotopiques sont là pour le prouver et vu le climat de cette année 2020 , peut-être que les puits ont un peu moins bien marché que d’habitude

    Sinon comme dit en conclusion on ne peut s’empêcher d’y déceler un certain désenchantement, il faudrait que nos politiques qui veulent sabrer notre économie et enterrer le CO2 le laisse dans l’atmosphère pour faire proliférer la biosphère et sa diversité ; de toute façon petrole , gaz et charbon seront exploités jusqu’à la dernière goutte

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    • Published: 19 May 2020
      Temporary reduction in daily global CO2 emissions during the COVID-19 forced confinement
      Michel , faut arrêter ; publié le 19 mai 2020, deux mois après que l’OMS nous disait que le Covid ne se transmettait d’homme à homme et que on pouvait voyager sans risque à travers le monde ; et vous voulez que je fasse confiance à cela pour mettre dans la tête des gens que les différences entre enregistrement de Mauna Loa et les estimations de Corinne prouve que l’homme n’est pas responsable de l’augmentation du CO2 atmosphérique ; d’ailleurs j’aimerais bien connaître son avis sur de telles conclusions

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      • Arrêtez donc vous même. La baisse de la consommation de pétrole est précisément connue à ce jour.
        Il faudrait peut-être y aller avec d’autres arguments que Corinne et compagnie.

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  5. Quelqu’un a une référence expliquant comment son faites les mesures du CO2 à Mona Loa?
    Par exemple, comment c’est échantillonné, à 1024, 4096, ou plus, bref comment fonctionne le processus?
    À 1024, il est compréhensible que l’on ne voit rien. mais aujourd’hui on doit pouvoir faire bien mieux que cela.

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  6. Continuer de montrer, démontrer que le CO2 est bénéfique, qu’il n’a rien d’un gaz qui nuit à la planète au-dessus de la France serait un axe de communication au service de la population. C’est cette voie qu’il faut privilégier, en mode argumenté et grand public, comme François Gervais le fait assez bien.

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  7. Bonsoir Laurent, absolument rien, rien de plus qu’il y a 540 millions d’année ou le taux était de 1 % (10 000 ppm) de bon C02 au service du développement de la nature. Donc à 0,10 % (1 000 ppm) que voulez-vous qu’il arrive ? Rien d’inconnu, puisque c’est un seuil déjà vécu par la terre et ses occupants. Homo Sapiens est né avec 0,40 % (4 000 ppm) de C02 indispensable à la vie. Attention, avec 0,04 %, nous sommes légèrement supérieur à la limite déclenchant les grandes famines (< à 0,03 %). Un taux de 0,08 % serait plus sécurisant pour l'avenir de l'humanité. Merci. Bien à vous. JR

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      • Bonjour Laurent, il n’y a pas de quoi, en fait la climatologie, c’est en 1 er lieu de la paléontologie. Réflexion à voie haute; Les éscrologisques vont-ils tenter d’interdire les boissons gazeuses, par définition avec C02 ajouté ou naturellement gazeuse ? Mais au fait, qu’arrivent-ils aux consommateurs de boisson au C02, décèdent-ils plus tôt ? Merci. Bien à vous. JR

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  8. @JR et aramits

    A ce propos il faut rappeler que à une autre époque qui date de 300 à 250 millions d’années et appelée PERMIEN le taux de CO2 était à peu près le même qu’aujourd’hui ; cette époque qui a suivi les mouvements hercyniens et la fossilisation des charbons du Carbonifère s’est soldée par des glaciations et l’extinction permienne avec son apothéose à la limite permo-trias
    Nous sommes aujourd’hui à peu près dans les mêmes conditions avec les mouvements alpins qui ont commencé , disons , une quarantaine de millions d’années et les glaciations du quaternaire
    Cela , c’est ce qu’on a appris à la fac dans le temps
    Aujourd’hui , quand vous lisez des textes concernant ce sujet , on comprend la chose suivante : l’extinction permienne est causée par les émissions de CO2 liées au volcanisme des trapps de Sibérie qui a duré une centaine de milliers d’années à la limite Permien- Trias et a provoqué un effet de serre dévastateur
    Il faut bien rester dans la mode actuelle « gaz carbonique » si l’on veut écrire un papier à ce sujet et faire croire que ce vilain gaz est à l’origine de toutes les catastrophes biologiques que la Terre a connu
    En fait la catastrophe permienne a démarré bien plus tôt que 100 000 ans avant la fin de cet étage marquant la fin du Primaire et la réduction des espèces terrestres et marines était déjà bien avancée. Certes les trapps de Sibérie ont pu finaliser la disparition de 95 % des espèces marinesb et de 70 % des vertébrés terrestres, de même que les trapps du Deccan ont sans doute fait disparaître pas mal d’espèces , les dinausores entre autre, à la limite Crétacé-Tertiaire
    Mais plutôt que de penser que ces trapps de Sibérie ont décimé la planète on peut penser que le CO2 qu’ils ont émis et qui remonte brutalement à la limite permo-trias est à l’origine de la reprise de la vie sur Terre au Trias inférieur
    Désolé pour cette leçon de géologie , mais j’ai l’impression quil y a des choses qui ne tournent plus rond parmi certains de nos scientifiques

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    • Je trouve ceci très instructif mais les Millions d’années sont vraiment des échelles de temps vertigineuses que je trouve difficile à appréhender .
      Bien à vous

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      • Merci pour votre réponse ; moi c’est les millions et les milliards d’euros que je n’arrive pas à appréhender surtout quand c’est l’état qui les dépense à ma place pour financer des éoliennes

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      • Bonjour Fritz, oui sans aucun doute. Mais aussi que cet argent tombe directement dans la poche d’investisseurs essentiellement étrangers (les bons amis de cette malheureuse adolescente exploitée par les financiers dits verts) et subventionnés par le contribuable Français déjà le plus lourdement taxé au monde. De plus, le réveil sera extrêmement difficile pour la future génération qui sera obligée de rétablir les moyens de production énergétique, digne de ce nom, digne d’un pays et non d’une république bananière. Mais d’ici là, la France n’existera plus, puisque vendue, euh, donnée sur un plateau à la finance mondialiste qui rêve d’une entité mondiale (comprendre un marché mondial). Jupiter avait bien commencé le job, lorsqu’il était ministre. U.Von Der Leyen se charge d’accélérer le processus. Merci. Bien à vous. JR

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