Les tables de multiplication se fichant du « mariage pour tous » et le carré de l’hypoténuse n’ayant pas d’avis sur les mérites comparés des différentes religions, les enseignants de mathématiques pouvaient jusque-là s’estimer à l’abri des questions décoloniales, des problématiques de genre et autres luttes intersectionnelles qui envahissent parfois les salles de cours. Las ! Ce temps des mathématiques comme havre de paix, où l’inclusion se rattachait à la théorie des ensembles plutôt qu’au racisme systémique, touche à sa fin.
C’est qu’il y a de quoi faire. Qu’on se le dise : les enseignants de mathématiques forment une horde sournoise de suprémacistes blancs. Cette révélation des plus préoccupantes nous est faite par un document concocté par une impressionnante brochette d’associations pédagogiques californiennes. On y apprend que « la culture de la suprématie blanche s’immisce dans les classes de mathématiques au travers des actes quotidiens des enseignants. Joints aux croyances qui les sous-tendent, ces actes perpétuent les préjudices à l’encontre des élèves noirs, latinos et allophones, en leur refusant un plein accès au monde des mathématiques ».
Je relis fébrilement les fiches d’exercices que je donne à mes étudiants… On tire deux boules d’une urne qui en contient huit blanches et cinq noires, déterminer la probabilité que les deux soient blanches… Devrais-je plutôt mettre des boules rouges et bleues ? Peut-être, mais ça ne suffira pas. Que croyais-je ? Ils sont repérés depuis longtemps, ces enseignants qui croient donner le change par des « modifications superficielles tels que le remplacement des prénoms dans les problèmes pour leur donner une tonalité plus ethnique ». Les spécialistes de la déconstruction du racisme dans l’instruction mathématique ne laisseront pas la bête immonde s’en sortir par de telles pirouettes ! Le suprémacisme blanc se doit d’être traqué dans chacune de ses cachettes.
Vous enseignez les mathématiques de la même manière que vous les avez apprises ? Suprémacisme blanc. Vous demandez à vos élèves de vous montrer ce qu’ils ont fait ? Suprémacisme blanc. Vous centrez vos objectifs sur l’obtention de la bonne réponse ? Suprémacisme blanc. Vous corrigez les erreurs ? Suprémacisme blanc.
Pour écraser l’infâme, le document préconise force méthodes pédagogiques tout droit sorties de l’imaginaire d’Épinal auquel souscrivent volontiers ceux qui ne sont pas trop souvent face à des élèves. Mais pour cette fois, leur naïveté gentillette n’est pas ce qui frappe le plus. Ce qui étonne vraiment, c’est cet improbable lien avec la question raciale, nulle part démontré. Et pour cause… Il faut vraiment n’avoir jamais voyagé au-delà de Los Angeles pour croire l’enseignement dans les pays non-occidentaux conforme à cet irénisme post-soixante-huitard qui s’oppose à ce que les enseignants enseignent et que les élèves apprennent (c’est pourtant « suprémaciste blanc », ça aussi).
En formant de futurs ingénieurs de toutes les couleurs de peau et de toutes les origines dans mon université au cœur de la Seine-Saint-Denis, je mesure chaque année combien les mathématiques sont un moyen puissant d’ascenseur social. Du point de vue de l’Histoire universelle, elles sont aussi l’un des domaines les mieux partagés par toutes les civilisations et toutes les cultures, aux antipodes de toute considération raciale ou même culturelle. C’est pourquoi, lorsque le document californien m’affirme que « considérer un ‘bon’ enseignement des maths comme un antidote aux inégalités mathématiques pour les Noirs, les Latinos et les allophones » est, là encore, de la suprématie blanche, j’en conclus deux choses. La première : je ne suis pas près d’aller enseigner en Californie. La seconde : la faiblesse avérée des digues françaises face à ce genre d’idées, qui déferlent d’outre-Atlantique, doit nous mettre sans attendre sur le qui-vive.
(tribune publiée dans Valeurs actuelles.)
Les cucuteries intersectionnelles et autres délires déconnoniaux, pardon décoloniaux, commencent (enfin !) à être mises en évidence et combattues, en particulier à l’université. C’est d’autant plus important que c’est là que sont formés profs et instits.
Le site de l’Observatoire du décolonialisme fait à cet égard un excellent travail :
http://decolonialisme.fr/
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L’enseignement des sciences en général et des mathématiques dote les gens qui les ont assimilées de défenses dangereuses contre les idéologies bien-pensantes. Pire, elles sont à l’origine de l’ère industrielle à l’origine de tous les maux de l’humanité si l’on en croît les néomalthusiens. Pour revenir l’harmonie naturelle (*) qui prévalait à l’ère « préindustrielle », il est indispensable de mettre à bas tout ce qui est logique ou rationnel, mais qui ne pense malheureusement pas bien.
(*) Trimer du lever du jour au coucher du soleil dès petit enfant, mourir de faim en période de disette, ne pas avoir son kilogramme de pain quotidien à manger si le ruisseau est à sec et le moulin à l’arrêt, avoir une espérance de vie à la naissance de 27 ans… ça, c’était de l’harmonie naturelle.
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Comment supporter sans s’énerver (c’est une litote !) de lire de telles énormités, basées sur rien d’autre qu’une idéologie des plus ineptes appliquée n’importe où n’importe comment, on dirait même au hasard (un jour où ils s’ennuyaient) ?
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Seule la co**rie humaine peut nous donner une (vague) notion de l’infini, comme disait, à peu près, Einstein ? Voltaire ?
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Albert Einstein : « Seules deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine, en ce qui concerne l’univers, je n’en ai pas acquis la certitude absolue. »
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Il semblerait que ce soit apocryphe, mais peu importe.
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D’après mes dernières lectures , l’univers va bientôt se rétrécir et aboutir au big crunch ; pour la bêtise humaine je pense qu’elle suivra les taux de CO2 dans l’atmosphère
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en tout cas, tous mes profs de math étaient blancs,
et toc
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Celui de ma terminale C était noir (en 1976)
Et d’ailleurs excellent puisque grâce à lui j’ai enfin compris la solution de l’eq diff : a sin w. t + phi…
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Oups cos et non sin..!
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Décalez vous de 90 degrés, et pas de oups 😉
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Le déphasage, c’est balourd 😉
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Aucun de mes profs de maths n’a jamais été un Martien. Donc la sélection à l’entrée (ou à la sortie?) du CAPES de maths était raciste. J’ai toujours été nulle en maths. Donc le racisme est responsable de ma nullité et l’on devrait me décerner la Médaille Fields d’honneur en compensation. Et on devrait réserver l’enseignement des Maths aux profs martiens. CQFD
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Une fois que l’on a investi idéologiquement les mathématiques, après les sciences expérimentales et les sciences dures, on est socialement et politiquement à l’os, il n’y a plus rien à politiser.
Après le langage et son écriture inclusive, la logique cartésienne… L’expression de la pensée, puis la pensée elle-même…
Dans quelques années, on se demandera quel cheminement intellectuel a permis d’en arriver là.
Finalement Orwell et Kafka étaient des rigolos sans imagination.
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Et on rajouterait Aldous Huxley, pour avoir à coup sur « le meilleur des mondes » !
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« Modern Educayshun »
Pas possible que ce court métrage vous ait échappé.
Dans le cas contraire, le voici :
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Le syndrome Evergreen. La réalité est pire.
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j’ai adoré (entre autres…) :
« Feelings are greater than facts », very much scientific !
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Ping : Université et recherche : procès en « conscientisation » et intimidation - Mezetulle
Cette exemple des méchantes démonstrations racistes faites avec des boules noires et blanches (racistes elle-mêmes, évidemment) devrait m’interpeller (et me blesser), moi qui ne suis ni boule Noire ni boule Blanche, mais tout simplement boule oubliée et invisible, parce que…jaune ! Rassurez vous, M. Rittaud, j’adore les Maths (telles qu’elles sont), et j’adore même l’Occident (où il est permis de raconter tout ce qu’on veut, même les pires sottises)
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