La banalité du bien

par Philippe Catier.

« Nous sommes en guerre »… Cette déclaration formulée par quelqu’un qui ne l’a pas connue doit bien entendu être prise comme une formule rhétorique, théâtrale à souhait. En fait de guerre, la dernière s’est achevée en 1945 et constitue un point de référence quant à l’appréciation des progrès apportés à la société depuis cette date, ce bien commun dont nous profitons aujourd’hui et que nous ne percevons pas forcément au point de le négliger. Au moment où disparait le président Giscard d’estaing, un des grands acteurs du développement économique de la France, on peut brosser le tableau de ce bien commun.

 Il nous parait naturel de profiter d’une paix relative, d’être la sixième puissance économique mondiale, de bénéficier d’un enseignement généralisé, d’avoir un accès facile aux soins, des droits humains correctement respectés, une démocratie qui fonctionne, bref tout un arsenal de dispositions et de services que beaucoup de pays peuvent nous envier. Combien d’efforts, de remises en cause, de prise de risques, de vision à long terme a-t-il fallu pour atteindre cet état de relatif bien-être. Et pourtant, avec l’habitude, ce capital est passé dans la norme. De commun, ce bien est devenu banal et ne s’apprécie plus car il n’a plus de référence contraire pour notre génération qui n’a pas connu, pour beaucoup, les mauvais jours, la guerre justement.

Banal comme la bonne santé dont on ne perçoit la valeur que lorsqu’on l’a perdue. Nous en avons ces temps-ci une éclatante illustration.

Nous avons globalement le même problème comportemental vis-à-vis de l’économie que vis-à-vis de la santé: Les trente glorieuses nous ont donné  des outils dont l’usage nous paraît tellement naturel, que nous en oublions les bienfaits tout en prônant par excès idéologique leurs changement. Le besoin de changement est à l’aune de l’habitude voire de l’ennui que procure le confort dans lequel la majorité des Français baigne et que malgré tout elle trouve toujours insuffisant et cherche les moyens de s’en plaindre, souvent bruyamment. 

L’affliction dépasse la réalité !

L’exemple typique est bien représenté par l’énergie nucléaire dont nous avons profité jusqu’à maintenant avec son corollaire, le coût modeste de l’électricité. Ce bien économique nous semble tellement naturel, banal, que nous ne voyons pas les inconvénients qui pourraient suivre son interruption, en argumentant sur des risques et déchets que nous devrions chercher plutôt à mieux maîtriser « quoiqu’il en coûte ».

Il est pourtant menacé par un autre, qui a planté son camp plutôt dans le domaine moral, et qui s’impose avec une autorité tentant de faire fléchir de honte (dénigrement, censure indirecte…) ceux qui ne le professent pas.

Ce bien là n’en a que l’apparence car il s’incarne avec vénération dans le changement lui-même, sorte de quête permanente évoquant la course d’un poulet sans tête, jetant aux orties les préceptes « bourgeois » comme ringuards et dignes de l’ «ancien monde ». Ce bien là se veut l’anti-bien d’avant pour un monde d’après. Il faut changer jusqu’à la notion de bien. Ses adeptes ne le voient que dans la déconstruction de la société, sans imaginer qu’ils ne sont que les représentants d’une mode, d’un courant de pensée séducteur sans autre argument « qu’un autre monde est possible ». L’irrationnel s’exhibe comme seule vérité au-delà du réel et du raisonnable, exprimant un monde fantasmé à la façon dont on manipule une console de jeux pour transformer le réel en virtuel. C’est peut-être d’ailleurs grâce à l’habitude, voire l’addiction à ces outils, que l’imaginable peut remplacer chez beaucoup la réalité et provoquer une facilité d’adhésion aux thèses les plus farfelues. Non pas qu’il faille pour les réalistes s’indigner des voies nouvelles que l’imagination peut ouvrir, mais seulement refuser que ce qui vaut et ce qui compte soit systématiquement  remis en cause au nom d’un « Pourquoi pas » universel rendant acceptable par définition toute proposition prétextant le « progrès » ou les «avancées ». Le procès du conservatisme est en effet instruit en permanence en tant que prétendu immobilisme et non sur la base des questions posées sur l’intérêt de telle ou telle mesure.

C’est pourtant par cette mode anti conformiste, mâtinée d’un certain jeunisme, que l’on peut paradoxalement le mieux caractériser la banalité de ce bien allégué, son côté convenu, moral et obligatoire, inhibant la réflexion. Il n’est souvent que soumission à l’air du temps. La diffusion des préceptes de cette mode, s’apparentant à ce que les anglo-saxons appellent la « cancel culture », par tous les canaux de l’information participe de cette banalisation. La manière dont les tenants de ce « camp du bien » s’accrochent à leur marotte, sans remise en cause, représente le véritable conservatisme, c’est-à-dire l’idéologie. Nous baignons dans la soupe des bons sentiments décrétés comme tels une bonne fois pour toutes et se colorant désormais par décret du label définitif de la « science établie par consensus ».

C’est cette soupe que nous servent les 150 conventionnels du climat censés nourrir l’action du gouvernement : l’évidence, la banalité du bien supposé leur servant de caution à défaut précisément de science véritable qui elle ne se contente pas d’évidence.

Gageons que si ces conventionnels arrivent à inscrire leur délire anti-écocidaire dans la constitution, les juges n’auront d’autre choix par la suite que de condamner toute action visant au progrès de l’humanité. Car il n’y a pas de progrès sans énergie et pas d’énergie sans dégâts collatéraux qui seront vite taxés d’atteinte à l’environnement à l’instar des décisions condamnant tout ce qui a pu porter atteinte, même sans raison puisque c’est  sa définition, au principe de précaution.

Le bien supposé, banalisé, aura alors montré, mais trop tard, ses limites.

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17 réflexions au sujet de « La banalité du bien »

  1. Nous pouvons parfaitement être en guerre, mais peut être pas celle que l’on nous présente. Regardez le nombre de super tankers ayant subi des avaries ces derniers mois, considérez les sanctions contre la Russie, l’Iran, le Venezuela, observez les livraisons Iraniennes de pétrole a la Syrie et au Venezuela sous escorte de navire de guerre russe, remarquez la fermeture inopinée de toutes les stations service en Italie pour une période de trois jours, évaluez les confinements et les interdictions diverses, qui touchent a chaque fois a la consommations d’énergie: déplacements, tourisme, ski, aux périodes les plus propices, et vous pouvez en déduire que nous sommes en pleine guerre du Pétrole. Malheureusement la diversion est telle, que personne ne voit ce qui se déroule sous nos yeux, juste au dessus de nos masques stupides.

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  2. J’ai mis ce message sur skyfall, je le remets ici parce qu’il faut crever l’abcès du changement climatique
    il faut se concentrer sur le referendum

    C’est vrai , j’ai envoyé un chèque à CONTREPOINTS ( faut nous rappeler à l’ordre pour nos cotisations à l’assoc ) avec le message suivant

    «  » » » » »Il est impératif que ce referundum ait lieu et que les Français votent NON à la question qui sera : « êtes vous d’accord pour inscrire dans la constitution, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique ? ».
    La partie n’est pas gagnée, mais vous avez les compétences pour aider à ce qu’elle le soit
    Le respect de la nature doit être ancré dans la personnalité de chacun et ne pas être délégué aux instances gouvernementales et le climat changera en fonction des lois de la nature et pas des émissions de CO2
    Si cette loi était inscrite dans la constitution , cela sera fini pour nos libertés, nos loisirs , notre niveau de vie chutera à cause des taxes et nos relations sociales et vies associatives se réduiront comme pendant la crise sanitaire
    Frederic Sommer » » » » » » »
    Pour répondre à Keppeler
    Du pétrole, on en a pour trente ans et puis on améliore les récupérations et on en trouve encore , il suffirait de laisser forer les pétroliers ce qui est interdit en France ; et puis après on va fracturer les gisements ce qui est interdit aux pétroliers mais permis aux adeptes de la géothermie qui nous branlent l’Alsace depuis des années ; mais en attendant , on a tout le temps de développer le nucléaire qui est propre et qui a des réserves pour des siècles ; mais comme dab , les écolos et les organisateurs des COP nous poussent vers la décroissance , il est temps de réagir , le référendum en sera l’occasion
    Certes du pétrole il n’y en aura plus pour des siècles et il faut limiter la population mondiale ce qui ne passera qu’en relevant le niveau des régions les plus pauvres et les aspirations inutiles des régions les plus riches , il faut donc que le niveau de vie se stabilise sur l’ensemble du globe et cela devrait être possible sans sacrifier les uns ou les autres ; mais on n’est pas parti pour cela ; les mesures restrictives qui nous attendent vont dresser les uns contre les autres et je pense que contraindre les mesures économiques ne feront que accroître ces tensions

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    • Ben voyons, et les états unis sont exportateurs de pétrole, et si on fait la guerre a la Syrie, la Libye, l’Irak, si on a des soldats et des bases dans pratiquement tous les pays pétroliers, et si on colle des sanctions a n’en plus finir au Venezuela, a l’Iran, a La Russie, c’est parce qu’on 1/ aime la démocratie 2/ et qu’on nage dans le pétrole pour 1000 ans minimum, voire 100 000….
      Si certains gobent ces histoires et vivent dans un monde ou l’essence se cree dans les pompes a essence justement, tant mieux pour eux. Mais du coup ça devient difficile de comprendre pourquoi on confine ou pas, pourquoi parfois il faut un masque ou pas, pourquoi certains savent des le début qu’il faut vivre avec le virus, jusque a quand il durera, et plein d’autres choses que vous ne pourrez jamais expliquer. Bon courage avec vos interprétations, elles sont juste fausses, du climat, a l’énergie, en passant par les épidémies.
      Personnellement, en me basant sur le pétrole, j ai prévu l’ete pourri, la deuxième vague, le confinement d’octobre, et je prévois celui de Noel et du nouvel an, et je prévois des confinements a n’en plus finir, jusqu’a ce que notre demande en énergie rejoigne la maigre offre qui nous reste.

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      • Fritz, je ne vous attaquais pas personnellement, simplement, des que l’on aborde le sujet du Pic Petrolier, je suis habitue a des réactions de déni très fortes, de sorte que je sur-reagis. De plus, lorsque vous annoncez que nous n’avons plus que pour trente ans de pétrole, en fait vous êtes nettement plus pessimistes que moi….Donc, sincerement, cette reponse n’était pas pour vous! Bonne soirée!

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  3. La totalité des lois, décrets, arrêtés ministériels ou préfectoraux et éventuelles modifications de la Constitution, promulgués depuis le 16 mars dernier, seront abrogés avec effet rétroactif. Car une nation qui a connu la liberté y revient toujours, d’une façon ou d’une autre. Gare alors à ceux qui le comprendront trop tard.

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  4. Le référendum pour modifier la constitution ne changera pas grand chose dans la vie quotidienne des gens tant qu’on ne leur donnera pas les moyens concrets de faire autrement que ce qu’ils font pour gagner leur vie, se déplacer, se nourrir, se chauffer, et accessoirement profiter des loisirs qui sont accessibles à leurs budget, comme les vacances d’été à la plage, et pour un nombre plus restreint car plus chères, les vacances d’hiver au ski. Les choses changent un petit peu, mais « à la marge » comme on dit parfois. Car pour assurer toutes ces activités, il faut une quantité d’énergie importante, qui diffère selon le pays et le niveau de vie des habitants de ce pays. Les changements se feront peu à peu au fur et à mesure que les nouvelles technologies seront mises au point , rentables (au niveau financier et environnemental), efficaces et capables de remplacer les anciennes devenues obsolètes. Les investisseurs ne sont pas des humanistes, mais des pragmatiques.

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  5. Bonjour, excellent billet Philippe comme d’habitude. Concernant le referendum, le meilleur moyen de pervertir la réponse serait d’en poser deux en une  » Etes vous d’accord pour inscrire dans la constitution, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique ? ».
    Bien évidemment, tout le monde répondra – oui – en toute sincérité à la première partie de la question (biodiversité), alors que la deuxième partie de la question n’a rien à faire là, puisque l’homme n’a aucun pouvoir sur le climat. Aucun pouvoir, certes, mais l’état a un fort pouvoir de nuisance fiscale et calamiteuse quant aux décisions sur la politique énergétique de la France. Le dernier malus à 50 000 € et les interdictions d’installer des chaudières à gaz en sont la preuve. Ne comptons absolument pas sur Y.Von Der Leyen à la solde des mondialistes pour défendre les intérêts des citoyens Européens dont elle se moque. Il est fort à parier que les Pompilimacronistes feront tout pour brouiller la question et induire les électeurs en erreur, il faudra être vigilant.
    C’est à l’image d’une scène de la période jacobine, ou Madame Roland trainée à l’échafaud, s’est écriée  » Liberté, que de crimes on commet en ton nom », aujourd’hui nous crions « Ecologie, que d’ânerie on commet en ton nom »… Bien à vous tous. Résistons. JR

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  6. Votre analyse est vraiment très intéressante! Personnellement, j’aurai changé quelques points mineurs (mais ne prenez pas ombrage : j’ai vraiment apprécié votre article, car je suis sûr en plus que vous avez condensé certaines idées pour ne pas faire trop long. Un livre un jour?)
    « et qui s’impose avec une autorité faisant fléchir de honte ceux qui ne le professent pas » : là, je lirais plutôt : » …tentant par tout moyen (dénigrement, censures indirectes) de faire fléchir de honte… »
    et
    Le paragraphe de conclusion est très bien, mais peut-être introduire avant (pour expliquer le « Car il n’y a pas de progrès sans énergie et pas d’énergie sans dégâts collatéraux ») :
    « Qu’est-ce que l’énergie? Qu’elle soit mécanique ou électrique. C’est la transformation d’une matière en une autre, libérant dans ce changement, de l’énergie.
    Pourquoi ma remarque : parce qu’en parlant de « dégâts collatéraux », on utilise les mots de l’adversaire, légitimant indirectement leur message.
    Mais je répète : votre article est vraiment très bien et mérite une large diffusion. Bravo!

    Aimé par 2 personnes

    • Ne vous inquiétez pas , je prends très positivement vos remarques. J’ai en effet tourné autour de l’expression « dégâts collatéraux » qui me paraissait la mieux appropriée pour faire accepter le fait que le progrès n’est jamais neutre et qu’il faut en accepter les conséquences si elles sont raisonnables. Il me paraissait plus neutre que « risques », « déchets » « pollution » etc..qui sont en effet des termes mal connotés. Mais c’était faute de mieux.
      D’accord pour « tentant de faire fléchir de honte »
      Merci pour vos remarques.
      Pour le bouquin ce sera peut être un jour la compilation de mes papiers comme « chroniques d’un climat détestable » //:i)

      Aimé par 1 personne

  7. En tous cas : « et de deux ! »
    Ça fait deux têtes tombées pour avoir témoigné dans hold-up.
    Paraît qu’on doit revenir à la liberté !
    Ben c’est pas encore gagné.
    Gare à ceux dont les propos contre-courant sont écoutés en masse….

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  8. Ping : Un climat de folie | Mythes, Mancies & Mathématiques

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