Dernières nouvelles du front

Par MD

« Nous sommes en guerre »
(E. Macron, 17 mars 2020)

1/ Introduction.
Alors qu’en France la seconde vague de la pandémie du covid19 semble être en décroissance et que les dispositions réglementaires commencent à s’assouplir, il n’est pas inintéressant de faire un point sur le développement de cet épisode douloureux, inédit dans l’histoire récente. On se gardera ici de toute considération d’ordre médical pour ne s’en tenir qu’aux aspects de statistique descriptive.2/ Décès attribués au covid-19.
Pour les raisons indiquées dans un article précédent, on insistera surtout sur l’indicateur qui paraît le plus fiable, à savoir les décès attribués. Les biais éventuels résultant d’attributions incertaines dues aux comorbidités ne semble affecter que marginalement les chiffres publiés. Voici le graphique des décès cumulés enregistrés entre le 26 février et le 13 décembre 2020. Il va de soi que l’échelle des ordonnées choisie ici ne préjuge en aucune façon de l’évolution future.image001Le graphique des décès journaliers fait apparaître un cycle hebdomadaire qui n’est qu’un artefact lié à la collecte des données : c’est pourquoi on a représenté en tiretés la moyenne mobile sur 7 jours, plus significative.image002

La première vague épidémique s’était terminée vers fin mai avec environ 30 000 décès attribués. On en avait rendu compte dans l’article précité, avec d’autres exemples européens.
La seconde vague a commencé à se manifester dès le début de septembre, avec un démarrage plus progressif, peut-être dû à la plus grande étendue géographique initiale du phénomène : on se rappelle en effet que la première séquence n’avait pris naissance que dans certains secteurs déterminés (les « clusters ») avant de s’étendre rapidement à la France entière.
Le nombre maximum des décès journaliers a été atteint vers la mi-novembre, d’où une inflexion dans la courbe des décès cumulés. Au 13 décembre, on compte depuis l’origine environ 58 000 décès attribués au covid-19.

3/ Décès toutes causes confondues.
Depuis le début de l’épidémie, l’INSEE publie régulièrement les relevés des décès journaliers de 2020, que l’on peut ainsi comparer aux décès des années 2018 et 2019. Les graphiques ci-dessous commencent au 1er mars, ce qui correspond sensiblement au début de l’épidémie.
Le premier graphique représente les décès pour les trois années considérées, qui montre très clairement les deux pics de mortalité de 2020 (mars-avril et septembre-décembre). Entre début mai et fin août, les trois courbes sont pratiquement indistinctes, à l’exception de la brève période du 9 au 13 août 2020 qui avait connu une forte vague de chaleur (températures maximum de plus de 35°C en Ile-de-France).image003Le second graphique représente :
(échelle de gauche) les cumuls de décès depuis le 1er mars
(échelle de droite) les différences entre années successives, avec en superposition la courbe des décès attribués au covid-19.image004Le décalage d’environ 5 000 décès entre 2018 et 2019 tient à un résidu de grippe saisonnière enregistré en 2018 jusqu’à la fin de mars : l’année 2019 peut donc valablement servir de terme de comparaison. Ainsi, par rapport à 2019, sur les dix mois considérés, l’excédent de mortalité de 2020 s’établit fin novembre à environ 53 000 décès. Compte tenu du décalage de dates et des périmètres légèrement différents, la correspondance avec les données épidémiologiques est correcte. L’analogie entre les courbes « excès 2020-2019 » et « décès covid-19 » est d’ailleurs manifeste.

4/ Décès par classes d’âge.
On sait que le covid-19 a été particulièrement fatal aux cohortes les plus âgées. Les graphiques suivants en fournissent la démonstration. Les classes d’âge inférieures à 50 ans ne sont pas représentées, les deux boursoufflures du printemps et de l’automne étant imperceptibles.image005image006Pour affiner l’analyse, on peut comparer l’excédent des décès journaliers par rapport à ceux de 2019 pour les mêmes tranches d’âge. On retrouve évidemment les bosses du printemps et de l’automne, et on vérifie que, pendant une période de quatre mois (mai-août) les mortalités enregistrées respectivement en 2020 et 2019 ont été équilibrées, à l’exception du bref pic de la mi-août.image007image008Au 30 novembre, les deux sexes additionnés, sur les 53 000 décès excédentaires, la tranche d’âge des plus de 85 ans en comptait 30 000, soit 53% des décès alors que selon l’INSEE elle ne représente que 3,5% de la population générale.
Comme on l’a indiqué précédemment, les tranches d’âge inférieures à 50 ans ont été largement épargnées. A la même date, on comptait même 600 décès de moins qu’en 2019. Il est possible que les confinements et les restrictions de déplacements aient contribué à ce résultat en réduisant les accidents de la route ; seule une analyse plus détaillée permettra de le vérifier. A titre d’ordre de grandeur, la mortalité routière en 2019 avait frappé environ 3 200 personnes dont 2 000 victimes de moins de 50 ans.

5/ Cas déclarés et autres paramètres statistiques.
A la fin de la première vague le nombre de décès était d’environ 30 000 pour 150 000 cas déclarés, soit près de 20% de décès rapportés aux cas, contre 4% en Allemagne. Cette proportion anormale, presque un record mondial, tenait on le sait maintenant à un retard considérable en matière de détection. Les très nombreux cas de covid-19 existaient mais n’étaient pas connus : le pourcentage annoncé n’était donc qu’un artefact. La France partageait d’ailleurs cette anomalie avec d’autres pays européens, mais toutefois dans une moindre mesure pour ces derniers. Le graphique ci-dessous montre comment a évolué le ratio décès/cas depuis l’origine.image009Si l’on raisonne sur l’ensemble des deux vagues, le nombre actuel de 58 000 décès rapporté aux 2,4 millions de cas déclarés donne 2,45%, pourcentage maintenant proche de la moyenne mondiale et européenne.

6/ Conclusions provisoires.
Au total, la France compte actuellement 36 000 cas déclarés et 890 décès attribués par million d’habitants (soient respectivement 3,6% et 0,089% de la population), ce qui la classe dans le peu enviable peloton de tête des nations. Mais il est encore trop tôt pour établir un palmarès international définitif et surtout pour en tirer des conclusions comparatives, tant sont diversifiées les caractéristiques géographiques, démographiques et institutionnelles entre les pays. En tout état de cause, l’année 2020 restera dans les annales de la démographie française, avec une mortalité supérieure d’environ 10% à celle de 2019 concentrée sur trois ou quatre mois. L’avenir dira dans quelle mesure les décès attribués au covid-19 ont constitué une anticipation sur des disparitions qui étaient inévitables à court terme du fait de l’âge et de l’état de santé des victimes. On pourra ainsi évaluer l’incidence de l’épidémie en années de vie perdues, et faire des comparaisons avec d’autres causes de mortalité.

Intermède. Tango au bal masqué (un peu de distraction dans ces temps douloureux).
Le masque a d’abord été déclaré impraticable, d’ailleurs inutile, voire nuisible, finalement pas si inutile que cela, utile mais réservé aux soignants, facultatif pour les autres, indispensable donc obligatoire pour tous, facultatif pour les enfants mais obligatoire pour les adolescents, puis pas obligatoire mais recommandé (suite au prochain numéro). Il est maintenant entré dans les mœurs. Mais gageons qu’une nouvelle loi sur la liberté d’expression pourrait voir le jour, stipulant : 1/ est punie toute allusion déplacée et forcément malveillante à ces palinodies institutionnelles et 2/ sont interdites les contrefaçons parodiques. Par anticipation, le dénommé Zéphyrin Brioché dit Cosinus a été mis en examen de ce dernier chef d’accusation. On reconnaît en arrière-plan un célèbre préfet de police.image010(source : Cosinus, Album Christophe, Armand Colin)

17 réflexions au sujet de « Dernières nouvelles du front »

  1. Article intéressant merci.
    La présentation par mortalité mensuelle est aussi très intéressante et vaut le coup d’être présentée : aucun mois de 2020 ne dépasse janvier 2017, simple mois de grosse grippe. Ca permet de relativiser grandement les mesures complètement folles prises pour tenter d’enrayer le phénomène (alors même qu’il n’existe aucun antécédent de mesures sociales efficaces contre un virus respiratoire). Inclure l’année 2017 est donc nécessaire.
    Quand on présente la mortalité mensuelle A LA SUITE depuis 1994 (archives dispos sur le site de l’INSEE), on ne peut pas distinguer 2020 des autres années.
    Par ailleurs votre analyse omet de prendre en compte l’accroissement naturel de la mortalité en France, qui est de près d’1% par an (vieillissement de la population + arrivée aux âges critiques des boomers). A fin octobre la surmortalité réelle corrigée des 12 derniers mois par rapport aux 12 précédents était de moins de 5% (les chiffres de novembre ne sont pas encore disponibles sur le site de l’INSEE).105 morts plutôt que 100 habituellement, ce n’est pas sensible dans le quotidien des gens. Dans un monde sans médias et sans politiciens, il y a 100 ou 200 ans, personne n’aurait rien vu.

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  2. Excellent ! Cela montre bien
    1 que l’on reste dans un nombre de victimes qui n’est pas apocalyptique
    2 que c’est un fléau qui ne frappe que les très vieux ou affaiblis
    L’article ne se prononce pas sur les mécanismes pouvant expliquer l’évolution temporelle. Ma conviction est que le premier pic s’est arrêté assez vite du fait de l’arrivée du printemps et alors qu’il restait encore des personnes fragiles. Les conditions météo bien plus dures de la fin de l’automne ont boosté le virus et fauché celles qui restaient. Les cas de décès sans comorbidités vont donc se raréfier (ils étaient déjà assez rares). A mon avis on est maintenant proches de l’immunité collective.

    Covid-19 Pourquoi deux pics ?

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    • Normalement une nouvelle épidémie fait deux vagues pour arriver à l’immunité collective de la pop.
      Hypothèse : La 1° vague commencée en Mars a été une demi 1° vague. Cette deuxième vague actuelle devrait en théorie nous amener jusqu’à mai prochain où tout devrait se terminer.
      Dans quelques mois, quand tout sera terminé, on pourra discourir pour dire comme quoi nous avions tous vus juste sur cette épidémie !

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      • Dans quelques mois quand tout sera terminé: je vous trouve bien optimiste.
        Soit nous avons a faire a véritable épidémie, qui fonctionne comme une épidémie, et donc qui se terminera comme une véritable épidémie et qui en fait, aurait déjà du être terminée.
        Soit nous avons a faire a une fausse epidemie, et dans ce cas, elle se comportera comme une fausse épidémie, et rien n’indique qu’elle se terminera dans un futur proche.
        Malheureusement, les études sur les fausses épidémies sont inexistantes, étant donné que celle ci est la première du genre, et toute prévision devient donc impossible.
        Mon hypothèse est que lorsque la demande de pétrole coincidera avec une production soutenable, et donc lorsque l’économie sera suffisamment détruite, nous pourrons alors envisager la fin de cette fausse épidémie.

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  3. Je suis un « très vieux et affaibli » comme dit Jean-Claude BARESCUT mais bon … à 75 ans pas très vieux quand-même … mais en ce moment, la covid est la première cause de mortalité aux USA devant le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Je suis un Québécois qui puise ses informations scientifiques sur la covid en ce moment sur C news beaucoup plus que sur nos médias canadiens ou américains. Vous êtes 70 millions… donc vous comptez beaucoup plus de scientifiques compétents que nous en avons ici au Québec, avec 7 millions de francophones. Mais je constate que vos politiques réagissent en aval du virus en tâtonnant comme on fait ici au Canada.

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    • Etant donné le nombre de deces attribues au Covid a des malades en phase terminale de cancer on comprend donc bien que fort logiquement, il ne peut y avoir que plus de deces dus au Covid qu’au cancer. ( Une petite courbe sur les de ces dus au Cancer serait intéressante a ce sujet, on pourrait en déduire quelques co-morbidites bien suspectes). A noter aussi, que desormais les courbes de mortalité ne pourront qu’augmenter, étant donné le nombre important de cancers non diagnostiques a temps, grâce a ce terrible virus, sans parler des suicides et autres dégâts collatéraux). Enfin, il serait intéressant de regarder les statistiques dans les epahd, et les comparer avec l’utilisation du rivotril. Une fois tout ceci mis dans les courbes, la vision d’ensemble de ce virus pourrait être bien différente. Portez vous bien au Canada, ou vous semblez être entre d’aussi bonnes mains que nous, qui ont l’air de bien se soucier de notre santé…..

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  4. Comme le disait Ambrose Bierce (Dont on n’a jamais retrouvé le corps…), le cadavre est un produit fini dont nous sommes la matière première…

    https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/ossements-visibles-tas-de-terre-herbes-folles-l-etat-du-cimetiere-de-pantin-revolte-des-familles-09-11-2020-8407426.php

    Un certain encombrement reflète une activité hors norme, sans doute aussi dû à des victimes du covid non référencées, car non testées, mais à Pantin, ou Thiais, les divisions n’auront pas pu être préparées, au rythme pépère qui prévaut à l’accoutumé…

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  5. Je me permets de vous mettre en lien un tableau des décès mensuels selon l’INSEE. Avec quelques annotations personnelles…
    https://drive.google.com/file/d/1JB1GiPAyNi2canYCtXeu_pQ60YRhuz-X/view?usp=sharing
    On constate une surmortalité de 31520 décès de janvier à octobre entre 2020 et 2019, ce qui ne laisse de surprendre sur le nombre de 53000 en incluant le mois de novembre. Plus de vingt-mille morts en novembre c’est quoi? On les achève à l’AK 47 ce mois-ci?
    Mon diagnostic est qu’il n’y a eu aucune seconde vague mais le résultat conjugué de l’arrivée de l’automne et de ses « grippes » habituelles, de la vague de suicides pour enfermement et faillites, et des retards de diagnostics des maladies graves en raison de la fermeture des hôpitaux pendant le premier confinement. Ces morts sont des morts politiques comme il existe des prisonniers politiques (pensée pour le professeur Jean-Bernard Fourtillan).

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  6. Permettez-moi d’avoir une approche un peu différente.
    Nous savons désormais que le Covid est une maladie essentiellement saisonnière.
    Dès lors, raisonner en année civile ne me paraît pas le plus adapté : en effet, on sait que certaines années, la grippe démarre en décembre, et d’autres années, le ou les pics ont lieu en janvier, février voire mars.
    Mieux vaut donc à mon sens raisonner en « saisons » : du 1er mai au 30 avril de l’année suivante me semble adapté.
    Sur cette base, et à partir des chiffres de l’INSEE depuis 2007 (lien https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/001641603?fbclid=IwAR0RKlBg5iNTvOecdqv5hF-QdMxktdpCdajRiLp9uTD_GtiI5AWFz_INlmE#Tableau. ), on a :
    Saison 2007-08 : 539.403
    Saison 2008-09 : 548.832 (+9.429)
    Saison 2009-10 : 541 210 (-7.622)
    Saison 2010-11 : 550 443 (+9.233)
    Saison 2011-12 : 561 376 (+10.933)
    Saison 2012-13 : 571 216 (+9.840)
    Saison 2013-14 : 553 250 (-17.966)
    Saison 2014-15 : 585 216 (+31.966)
    Saison 2015-16 : 581 652 (-3.564)
    Saison 2016-17 : 605 395 (+23.743)
    Saison 2017-18 : 611 071 (+5.676)
    Saison 2018-19 : 605 929 (-5.142)
    Saison 2019-20 : 633 206 (+27.277)
    Saison 2020-21 : en cours

    J’ai retenu 2007 comme base de départ parce que depuis cette année-là on observe une augmentation régulière de la mortalité générale en France ; laquelle est régulièrement expliquée par la pyramide des âges, et l’arrivée à la soixantaine et plus de la génération du baby-boom.
    Le chiffre entre () à droite du chiffre de mortalité est la variation par rapport à la saison précédente.

    Deux observations : (sachant que fin de la dernière « saison », du 01/05/19 au 30/04/20, coïncide avec la fin de la première vague épidémique de Covid-19)

    1- on voit que des augmentations similaires à celle observée en 2019-20 par rapport à 2018-19 se sont déjà produites 2 fois sur les 11 saisons précédentes : en 2014-15 et en 2016-17.

    2- si on trace la droite de régression linéaire de la mortalité par rapport à la saison, on obtient avec un coefficient de corrélation de 0,95 l’équation suivante :
    y = (numéro de la saison * 7,42) + 524
    où y est le nombre de décès,
    et x le « numéro de la saison » soit 1 pour la saison 2007-08, 2 pour la saison 2008-09, … et 13 pour la saison 2019-20.
    (j’ai inclus la saison 2019-20 dans la série, il serait peut-être intéressant de faire l’opération sans cette dernière saison)
    L’intéressant avec cette démarche, c’est que y = 620.000 décès quand x = 13 (2019-20)
    Le nombre de décès « théorique » en 2019-2020 est donc seulement de 13.000 inférieur au nombre de décès réel (633.206). Ce qui représente 2%.

    Et encore : les décès supplémentaires sont-ils tous dus au Covid ? Dans quelle mesure n’y a-t-il pas là des décès pour cause de cancers ou autres maladies graves dépistés trop tard (se rappeler que tout a été mis en stand-by au printemps dernier) ou soignés de façon aléatoire parce que la priorité des priorités était « le Covid » ?
    Et encore : dans les pays où à l’évidence l’épidémie a été mieux gérée, comme l’Allemagne, le % de décès surnuméraires par rapport à la mortalité « attendue » est probablement inférieur à 1%.

    Évidemment, cet argumentaire demande à être confirmé avec la saison en cours (2020-2021) qui se terminera le 30 avril prochain.
    Néanmoins, ces chiffres ne montrent-ils pas que les mesures coercitives jamais vues prises par le gouvernement sont totalement disproportionnées par rapport à la réalité de l’épidémie ?

    Qu’en pensez-vous ?

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