Le coût du confinement

par Rémy Prud’homme.

Pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, notre gouvernement a écarté quatre remèdes bon marché. La fermeture des frontières, par pure idéologie, en expliquant que cela ne servait à rien ; tous les pays du monde ont finalement adopté ce remède. Les masques, pour la bonne raison que nous n’en avions pas, mal camouflée par des discours sur leur inutilité, et sur l’incapacité des Français – « même les ministres » a dit la porte-parole du gouvernement – à savoir s’en servir. Les tests, pour une raison mystérieuse, vendue sous le pavillon de complaisance de la scientificité. La chloroquine enfin, au motif que l’innocuité de ce médicament très connu n’était pas absolument garantie, et qu’il valait mieux, comme disent les médecins de Molière, mourir selon les règles que guérir contre elles. Ces quatre remèdes, qui ont prouvé leur efficacité dans des pays comme la Corée, le Japon, Taiwan, Singapour, ou la Chine, ont en commun d’être simples et donc compris de tous, et  de ne coûter presque rien. Leur rejet a conduit nos gouvernants, au bout de deux mois, à mettre en œuvre l’artillerie lourde du confinement.

« Quoi qu’il en coûte ». Le gouvernement, qui sait pourtant tout ou presque, est avare d’estimations. Le 21 février, le ministre des Finances avait bien évalué le coût économique à « un dixième de point de PIB » perdu. Il a rectifié ce chiffre ridicule trois semaines plus tard, le 9 mars, en parlant de « plusieurs » dixièmes. Peut-on avoir un ordre de grandeur de la facture ? Il faut, à cet effet, distinguer entre le coût pour l’économie (la diminution de PIB), et le coût pour les finances publiques (l’augmentation du déficit). 

Le coût pour l’économie sera sans doute de 7 ou 8 points de PIB. L’auteur, qui n’est pas un macro-économiste, peut se tromper, même lourdement. On peut concevoir deux méthodes (sans doute davantage) d’estimation. L’une consiste à considérer la population active, qui « produit » le PIB. Elle est de 30 millions de travailleurs. Supposons (généreusement) que le confinement en écarte les deux-tiers, 20 millions, de leur poste de travail ; certains de ces confinés ne travaillent plus du tout, d’autres s’activent, grâce au télétravail, mais sont moins efficaces qu’avant. Admettons que leur productivité diminue en moyenne de moitié. La force de travail est de fait réduite d’un bon tiers. Le PIB aussi. Il diminue de 33%. 

L’autre approche consiste à considérer la valeur ajoutée par branche. Il y a, pour 600 milliards d’euros (G€) de valeur ajoutée, des branches dont l’activité est très fortement réduite, disons de 70%, parce que commerces, usines, spectacles, hébergement, transports, etc. sont à l’arrêt ; de 600 G€ leur production passe à environ 400 G€. Mais les autres branches, pour 1500 G€, voient aussi leur activité se réduire (faute de débouchés, de main d’œuvre, ou  de composants, etc.), disons de 20% ; de 1500 G€, leur production passe à 1200 G€. De 2100 milliards, le PIB de la France se réduit à 1600 milliards. Il diminue d’environ 30%. Les deux méthodes convergent à peu près, peut être par hasard.

Ces diminutions sont annuelles. Elles évaluent ce qui se passerait si le confinement durait une année entière, ce qui est heureusement improbable. S’il dure seulement un trimestre, la baisse du PIB en 2020 (par rapport à 2019) sera quatre fois moins importante : de 7 ou 8%. On attendait +1%, on aura -7%. Cela signe une récession d’une ampleur jamais vue en France depuis la guerre ; en 2009, le taux de croissance a été de -3%. La baisse prévisible de l’activité signifie une forte hausse du chômage. Il existe une formule (discutable et discutée) qui en donne un ordre de grandeur : 600 000 chômeurs de plus.

Le coût du confinement pour les finances publiques est bien différent, mais pas moins inquiétant. Le gouvernement, à juste titre, va ouvrir grand les cordons de sa bourse. Les impôts vont diminuer, et les dépenses publiques augmenter. Les recettes des administrations font un peu moins de 50 % du PIB ; si le PIB diminue de 8%, ces recettes vont diminuer de 4% du PIB. Les dépenses vont exploser : par exemple l’Etat, par l’intermédiaire de la sécurité sociale, va rembourser aux entreprises tout ou partie des salaires qu’elles versent à leurs travailleurs confinés : cela seul représente 5 ou 6% du PIB. Ces moindres recettes et ces dépenses supplémentaires représentent quelques 10% du PIB. Le déficit prévu était de 3%, le voilà porté à 13%. Il sera financé par une augmentation de la dette publique. De 100% du PIB actuellement, elle bondira du côté de 110%. 

Ces estimations simplistes n’ont pas de prétention scientifique. D’autres les critiqueront, les corrigeront, les compléteront. Mais ces tristes chiffres donnent des ordres de grandeurs malheureusement plausibles. Les plus beaux discours n’y feront rien. Si nous travaillons moins, si nous nous déplaçons moins, nous produisons moins. Si nous produisons moins nos revenus réels diminuent. Aujourd’hui ou/et demain.

22 réflexions au sujet de « Le coût du confinement »

  1. Merci à M. Prud’homme.
    Hélas!
    Et il existe d’autres « inconvénients » à savoir les décès supplémentaires que cause et va causer cette décision du gouvernement.
    Est-on certain qu’ils ne seront pas plus nombreux que ceux de l’épidémie?

    Voila où mène l’obscurantisme: pas d’analyse avantages / inconvénients lorsque on est principalement guidé par la sottise des médias.

    Il n’y a qu’une urgence: stopper ce confinement moyenâgeux.

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    • On pourrait aller plus loin, ce confinement a t-il été évalué scientifiquement? Peut on appliquer une pensée réductionniste (« covid19 only ») à un problème qui relève de la systémique (sanitaire, sociale, économique)? Plus concrètement, a t-on évalué les victimes colattérales dues au confinement et à la panique/anxiété générale?

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  2. Très bonne analyse. J’ajoute que tout ce qui affaiblit notre économie réduit les moyens matériels que nous pouvons mobiliser pour lutter contre l’épidémie.

    Question subsidiaire: combien de temps peut on tenir ce régime avant une révolte de la population?

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  3. Il n’y a aucune révolte puisque toutes les pages Facebook affichent le logo bête et prétentieux: « Je sauve des vies Je reste chez moi » et que même sur ce blog de la Résistance, on se met à enfoncer Didier Raoult au moment où il a besoin de tous les soutiens.

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  4. « L’auteur, qui n’est pas un macro-économiste »

    Même en l’étant, il vous serait impossible de prévoir quoi que ce soit. L’économie est une science intéressante pour expliquer le passé mais certainement pas pour connaître l’avenir. Si c’était le cas, nous aurions été prévenu de la crise de 2008 bien avant qu’elle ne se produise. Elle rejoint en cela la climatologie de type alarmiste menée par des scientifiques formés dans leur enfance sur SEGA ou NINTENDO, qui basent leurs convictions sur des modèles mathématiques plus que farfelus.

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  5. Quand il faudra remettre d’aplomb des comptes publics qui auront été gravement déséquilibrés , il n’y aura pas d’autre choix que d’administrer un traitement de cheval à la population (du même type que celui qu’on a imposé aux grecs il y a quelques années). Dans le contexte social que l’on sait, il faudra mobiliser l’armée pour éviter le chaos.

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  6. Je ne pense pas qu’il faille être si alarmiste par rapport à l’économie. Certes, la croissance va baisser très fortement sur un mois mais :
    1- On peut s’attendre à un fort effet de rattrapage de la consommation dès que toute cette affaire sera réglée (peut-être plus rapidement qu’on ne croit). Tout le monde va se ruer sur les restos, les vacances, etc… cet été.
    2- Il n’y a pas le contexte d’incertitude que l’on rencontre habituellement lors des crises économiques importantes. On sait que la tempête ne va pas durer. Les entreprises ne vont pas licencier autant qu’elles l’auraient fait pour une crise ordinaire qui aurait conduit à une baisse de 7% du PIB sur un an. On sait déjà qu’on aura notre +7% en 2021. Autrement dit, la corrélation habituelle entre baisse du PIB et augmentation du chômage devrait être beaucoup moins vraie dans ce cas particulier de crise du coronavirus.

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    • je partage votre avis, l’effet peut même s’avérer très bénéfique et de manière durable en cas de relocalisation suffisante de certaines productions ( médicamenteuses entre autres )

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      • Oui, tout va bien se passer. Tout le monde va retourner au travail, bien gentiment, et ça va repartir comme avant. les banques auront parfaitement encaissé l’arrêt total de l’activité, et les sociétés fermées vont rouvrir et honorer leur carnet de commandes pleins.
        Maintenant retour a la réalité: Vous avez vu les destructions sur les Champs Elysées, il y a un an? Et bien imaginez la même chose puissance dix, et partout.

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      • à moins que la population européenne au sortir de quelques semaines de confinement n’ait sombré dans un tel état de dépression et d’impuissance, qu’elle n’a même pas connu après 14-18 suivi de la grippe espagnole, bien sûr que ça va repartir, il y aura un assainissement et des réorientations économiques c’est sûr c’est pareil après toutes les crises mais je ne crois pas un seul instant qu’on en arrivera aux suicides de masse , aux morts de faim et autres désastres apocalyptiques en Europe.

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  7. Ne tombons pas dans les travers que l’on dénonce !
    When something could be wrong… It will.
    Mais il est illusoire de prédire en quantification, c’est un piège, et contre-productif, surtout quand il s’avérerait catastrophique.
    Les asiatiques ont une grande qualité : la souplesse et l’adaptabilité de leurs organisations. Ils ont d’autres défauts, mais nous occidentaux, notre perception est focalisée sur l’émotion, et dans pareils cas ça nous coûte cher.
    Peut-être même jusqu’à une révolution, mais c’est encore bien trop prématuré pour miser sur cette hypothèse..!

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  8. Comme chacun le sait, la vie humaine n’a pas de prix mais elle a un coût. Plus un pays est riche plus il peut payer ce coût. Flinguer l’économie d’un pays se traduit forcément en vie humaines perdues. Si l’on redescend vers le niveau économique de l’Afrique, on aura la durée de vie et l’état sanitaire de l’Afrique. Bien sur on s’arrêtera sans doute avant d’avoir atteint ce niveau mais tout % de richesse en moins ce sont des vies en moins.

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    • vous aviez suggéré la bonne solution l’autre jour pour sortir de ce dead end où ce gouvernement (et son conseil scientifique, des pointures) nous enferme

      établir des panels représentatifs de la population dans chaque région(ils sont spécialistes de la chose avec le grand débat et autres idioties barnumesques) et tester la présence des anti corps spécifiques pour avoir une idée du pourcentage de la population qui est d’ores et déjà immune, et tester partout les cas douteux.

      Je ne sais si cela est possible, si la procédure existe et si elle fiable, mais en tout cas, je ne vois pas d’autre solution pour nous sortir de ce guêpier , sinon, en juillet on y est toujours.
      Personne n’en parle?

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  9. De plus, on peut ajouter a cette chute du PIB, celle de toutes les destructions qui auront lieu lorsque le peuple va se deconfiner lui meme, comprenant d’un seul coup que le sort des milliers de personnes âgées de 90 ans est plus, est peut moins important que celui de millions de familles et d’emplois qui les font vivre. En ce moment, on est en train de serrer sciemment la grosse vis de la cocotte, et vous savez ce qui arrive ensuite. L’été sera chaud, l’hiver sera long, glacial, et famélique.

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  10. Le PIB/habitant et la consommation d’énergie primaire sont directement proportionnels. L’objectif de -40% de CO2 en 2030 (dans l’UE) correspond à -32% d’énergie primaire consommée. A intensité énergétique égale, dix ans c’est court vis à vis de l’innovation, cela fait 4% de réduction du PIB par an chaque année pendant 10 ans. En gros, le Green Deal à l’européenne correspond à un confinement sanitaire tous les 2 ans.

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  11. je ne suis pas sûr que le confinement tienne les six semaines préconisées hier par le conseil scientifique… je trouve le gouvernement très prudent dans ses réactions depuis hier soir à ne dire qu’aucune décision n’est prise… il doit se rendre compte que les conseilleurs ne seront pas les payeurs… de toute façon, à voir comment la maladie se répand même dans les EHPAD pourtant fermés aux visites depuis plusieurs semaines, le virus s’est visiblement diffusé extrêmement vite dans la population ces dernières semaines, pas seulement chez les évangélistes protestants… visiblement, une grande partie de ceux qui ont les moyens de se faire tester sont positifs… finalement, on aura peut-être fait de l’immunité de groupe sans le dire… certes, il y a un nombre croissant de malades en réanimation et de décès, mais est-ce que ce nombre exploserait véritablement dans les prochaines semaines si on levait le confinement ? évidemment, c’est facile de se poser la question dans son canapé, plus difficile de prendre la responsabilité d’une telle décision pour un politique… je suis quand même frappé de voir que la Suisse qui nous avait devancé dans l’arrêt des compétitions sportives ne se rallie pas au confinement, le ministre en charge du dossier qualifiant même les mesures italiennes et françaises de politique spectacle ! Si en GB BoJo a rendu les armes, l’Allemagne n’a toujours pas généralisé le confinement et les petits Suédois vont toujours à l’école… sauf Greta, mais elle est en sabbatique et s’est même déclarée probablement contaminée !!!

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  12. Mardi je suis allé chercher ma femme de ménage, au retour vers 15h, arrêt par une mignonne et souriante gendarme. les autres prennent la relève papiers rester dans la voiture; puis papiers rendus en annonçant 2 fois 135 euros. 270 euros pour un papier mal ou pas rempli. Pour cette femme, c’est un cataclysme. Les peines sont très lourdes pour de pauvres gens et la récidive!!!
    La dictature s’installe.

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