« 10 milliards de cadeaux » : com’ vs. réalité

par Rémy Prud’homme

Le gouvernement, repris par les média, veut nous faire croire qu’il a « lâché » 10 milliards aux gilets jaunes, qu’il a augmenté de 10 milliards le pouvoir d’achat des Français plus pauvres. Faux. Le « cadeau » fait à ceux qui ont des fins de mois difficiles s’élève au mieux à 4 milliards.

Quatre mesures ont été prises le 10 décembre, dans la hâte, l’improvisation et l’imprécision:

(1) l’augmentation de la prime d’activité, incorrectement baptisée 100 € de plus pour les smicards, d’un coût estimé à 2,5 milliards ;

(2) l’allègement des charges sur les heures supplémentaires, à la Sarkozy, pour un coût de 2,5 milliards ;

(3) l’abandon de la hausse de la CSG pour les retraites des ménages dont le revenu fiscal est bas, pour 1,5 milliard ; et

(4) l’abandon des hausses des taxes sur les carburants initialement prévues dans le budget, pour 3,5 milliards.

Le total fait bien dix milliards. Mais pas dix milliards de cadeaux.

La première mesure, l’augmentation de la prime d’activité, pour ceux qui la demandent, est un vrai cadeau, qui augmentera le niveau de vie des plus pauvres, et pas seulement des smicards, de 2,5 milliards.

La deuxième mesure, qui concerne les heures supplémentaires, est double. En jargon, on dit qu’elles sont désocialisées, et défiscalisées. Désocialisées : le paiement de ces heures supplémentaires est dispensé des cotisations sociales, à hauteur d’environ 1,2 milliards. Défiscalisées : le revenu de ces heures supplémentaires est exonéré de l’impôt sur le revenu, ce qui représente 1,3 milliards. Mais en réalité, cette dernière exonération est un leurre. La moitié des ménages, les moins riches, ne paient pas l’impôt sur le revenu. Le produit des heures supplémentaires de ces ménages n’est de toutes façons pas taxé au titre de l’impôt sur le revenu. Le 1,3 milliard d’exonération ne bénéficiera qu’à ceux des ménages imposés au titre de l’impôt sur le revenu. Tant mieux pour eux. Mais il est ridicule ou malhonnête de compter cette défiscalisation comme une contribution au pouvoir d’achat des plus pauvres. (Soit dit entre parenthèse, on observe un phénomène comparable à propos de la suppression de la taxe d’habitation. En fait, quelques 20% des ménages – les plus pauvres – sont depuis longtemps déjà exonérés de taxe d’habitation. On leur supprime un impôt qu’ils ne payaient pas. Et on s’étonne qu’ils ne disent pas : merci.)

Les deux dernières mesures (sur la CSG et les carburants) sont des diminutions d’augmentations prévues ; des non-augmentations d’impôts, pas des diminutions d’impôts. Je menace de prendre 200 euros dans votre poche. Vous hurlez. J’y renonce. Direz-vous que je vous fais cadeau de 200 euros ? En réalité, ces deux mesures nous ramènent à la fiscalité de 2017. Elles n’augmentent en rien le pouvoir d’achat des gilets jaunes.

Au total donc, le père Noël Macron met 3,8 milliards (2,5 + 1,3) dans la cheminée des Français les plus pauvres. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur le montant et la nature de ce cadeau. Est-ce assez pour les pauvres ? Non, certainement. Trop pour les finances publiques ? Oui, sûrement. On peut et on doit en discuter. Mais ce qu’on ne peut pas faire, c’est déguiser 3,8 milliards en 10 milliards. Com, fake news, mensonge, ignorance, propagande, appelez-ça comme vous voudrez. Cela affecte la crédibilité de la parole publique. Cette crédibilité est un bien commun essentiel, et par les temps qui courent elle est sérieusement malade.

6 réflexions au sujet de « « 10 milliards de cadeaux » : com’ vs. réalité »

  1. De toutes façons, sans croissance de la production consommable (l’inflation de la valeur de marché de certains actifs n’est pas de la vraie croissance), ce que gagnent les uns est perdu par les autres. La catégorie socio des gilets jaunes, qui correspond en gros à l’essentiel de la population (ainsi qu’en témoigne les plus de 80% de soutien à un moment) est bordée d’un coté par les très riches (même si on les met à contribution, cela ne fait pas grand chose réparti sur le reste de la population) et d’un autre coté par des populations fortement assistées (et faiblement intégrées !) qui reçoivent l’essentiel des aides. Donc, en dernière analyse c’est bien la catégorie gilets jaunes qui sera ponctionnée (par l’impôt ou par la dette qui est un impôt différé) encore plus et elle ne recevra qu’une partie de ce qui lui est ponctionné !

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  2. Il y avait un budget 2019 , avec des hausses et des baisses ( baisse des taxes d’habitation …) par rapport à ce budget , c’est bien une dépense supplémentaire de 10 milliards qui est faite.

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