Aujourd’hui peut-être

Aujourd’hui le président américain Donald Trump doit indiquer si oui ou non il retire son pays de l’Accord de Paris de 2015.

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C’est l’un des rendez-vous symboliquement les plus importants de ces dernières années.

Le retrait de l’accord était une promesse de campagne de Trump. On sait ce que valent parfois ce genre de promesses, toujours est-il que les derniers bruits qui courent à Washington prédisent effectivement un retrait.

Lors du dernier sommet du G7, Trump a marqué son territoire en affirmant sa position non tranchée sur le climat. Un cavalier seul que la presse a bien entendu commenté de façon un rien lourdingue sur le mode du « consensus » des six autres membres. Le fait qu’en terme de population et de richesse les États-Unis pèsent à peu près autant que les six autres réunis n’a, lui, pas trop été rappelé.

Ce serait bien sûr un beau moment que de voir les États-Unis torpiller l’accord. On imagine déjà les moralistes de tout poil, de notre Nicolas Hulot national aux militants de la marche pour les sciences, déverser leurs slogans lacrymaux et dénonciateurs. Toutefois, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, je ne pense pas que l’impact d’un tel retrait dépasserait de beaucoup une simple portée symbolique. Les grosses décisions, celles qui engagent vraiment, ont déjà été prises par la nouvelle administration américaines. Toutes vont dans le sens d’une indifférence climatique totale, que ce soit sur le clean air act, la réorganisation de l’EPA (l’agence nationale de protection de l’environnement) ou encore l’autorisation de la construction du pipeline Keystone XL pour transporter  des hydrocarbures du Canada au États-Unis.

Pour les alarmistes climatiques, réussir à garder les États-Unis dans l’accord de Paris serait un succès qui aurait donc tout d’un baroud d’honneur. Cet accord étant essentiellement vide, on peut être dehors comme dedans sans que cela change grand chose – c’est sans doute la raison pour laquelle Trump n’en est pas déjà sorti. Souvenons-nous du sauvetage précédent de la planète, le défunt « protocole de Kyoto » : il n’avait eu rigoureusement aucun impact sur les émissions de gaz à effet de serre, et le pays qui avait le plus réduit ses émissions dans sa période d’application avait été… les États-Unis, qui n’avaient pas ratifié le protocole.

Bref, le retrait éventuel de Trump de l’accord de Paris fait surtout miroiter une belle occasion de voir la mine déconfite de tous nos prêcheurs d’apocalypse. Sans doute cela signifierait-il également (et ça, ce serait en effet peut-être un peu plus que symbolique) le début d’une période de vaches maigres pour la bedonnante bureaucratie climatique. Tout ça ne serait pas rien. En plus, un retrait pareil ne manquerait pas d’allure, à l’image d’un de Gaulle retirant la France de l’OTAN.

En attendant l’annonce de ce soir (heure française), ma boule de cristal a déjà lu pour vous l’éditorial de Libération-Le Monde-Le Figaro qui sera-été publié dans cette bifurcation spatiotemporelle qu’on espère, où Trump retire les États-Unis de l’accord. En potentielle avant-première, le voici :

Même pas honte

Bien loin d’une ruse de la raison dans l’histoire, la décision de Donald Trump de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris a tout d’un saut dans l’abîme qui engage l’humanité toute entière.

C’est donc un multimilliardaire sous l’influence des lobbys du fossile qui, de façon unilatérale, aura eu le pouvoir de renier l’engagement universel dont les Nations unies avaient accouché aux forceps en 2015. Dans cette drôle de démocratie que sont les États-Unis, où le nouveau président a pu être élu en obtenant moins de voix que son adversaire, la science a moins de poids que le dollar. Déjà affaiblie par quantité de décisions pro-charbon et pro-pétrole prises dès le début du mandat de l’homme d’affaire à la Maison Blanche, la conscience écologique mondiale vient de subir un grave revers.

Même insuffisant, l’Accord de Paris était une vraie, une belle, une grande première pierre pour bâtir un monde plus sain, tourné vers la croissance verte et engagé sur le chemin d’une philosophie du renouvelable plutôt que du jetable. Hier, la lourde tâche de sauver la planète de l’hubris humaine était immense. Aujourd’hui, elle est brusquement devenue hors de portée.

Nous voilà donc dans le jour d’après, où plus rien ne se dresse contre les pires scénarios climatique pour notre siècle. Il ne s’agit hélas pas là d’une prophétie quelconque de tel ou tel illuminé, mais des prévisions scientifiques les plus précises, les plus pointues, et les plus consensuelles au sein du Groupe d’experts intergouvernemental pour l’étude du climat (GIEC). Toutes les courbes, toutes les données, tous les modèles confirment ce qu’annoncent des milliers et des milliers d’articles scientifiques publiés dans les meilleures revues : si l’humanité ne met pas fin sans tarder à sa folle course en avant qui lui fait rejeter des dizaines de millions de kilotonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère chaque année, elle provoquera un emballement climatique sans précédent dans l’histoire géologique, dramatique pour elle-même aussi bien que pour l’ensemble de la biosphère.

Hausse de plusieurs mètres du niveau marin, destruction des écosystèmes, fonte des glaciers et de la banquise, épisodes caniculaires incontrôlables ou encore effondrement des rendements agricoles ne sont que quelques uns des effets déjà visibles de ce réchauffement de 3, 4, voire 6 degrés sur lequel nous sommes engagés.

Telle un bolide piloté à pleine allure par un aveugle qui fonce sur le mur des limites de la planète, le système capitaliste néolibéral mondialisé, dont Trump n’est finalement rien de plus que la caricaturale et tragique incarnation, s’enivre de l’instant, jouit de sa puissance, et se montre incapable de faire face au caractère profondément obsolète du modèle de croissance sur lequel il repose. À l’heure où la plupart des grands pays se lancent dans des transitions énergétiques profitables à tous, à la fois respectueuses de la planète et créatrices d’emplois, le président américain fait le choix coupable, irrationnel et contre-productif de s’arc-bouter sur les vieilles lunes productivistes du siècle dernier.

Certes, nous n’avions jusque là guère avancé sur le chemin d’une conscience écologique commune, cette noosphère qui, un jour, devait permettre de traduire en actes cet espoir nouveau d’une humanité réconciliée avec elle-même et son environnement. Les avancées étaient timides. Mais elles existaient. Trump, d’un trait de tweet, vient de nous faire reculer de plusieurs décennies, alors que les scientifiques et les experts nous disent qu’il ne nous reste que quelques années pour agir avant l’irréversible.

Tout espoir est-il donc éteint ? Les efforts des hommes et des femmes de bonne volonté au travers de décennies de sensibilisation et d’action, même modestes, sont-ils destinés à être balayés par ces quelques businessmen véreux qui ont eu l’oreille d’un président inculte, mal élu et dont une pile de billets verts a étouffé le sens moral ?

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, dit-on. Or c’est cette fois la vie sur Terre toute entière qui est menacée par la honteuse décision de Washington. L’espoir s’est désormais réfugié en Europe et en Chine, deux parties majeures de l’Accord de Paris qui ont dès avant l’annonce de Trump annoncé leur engagement à faire vivre l’Accord de Paris envers et contre tout. Il faudra aussi compter sur la société civile américaine pour combattre avec la dernière énergie la bêtise insigne de leur président.

Il est donc urgent de lancer dès aujourd’hui un appel à la conscience citoyenne universelle, de sorte à faire barrage à la cupidité folle d’un seul homme et à préserver l’espoir d’un futur solidaire pour une humanité prospère et pacifique. Plus que jamais, clamons en toutes les langues, à toute heure et en tout lieu que les premières victimes de l’inaction court-termiste seront nos propres enfants. Ce sont eux qui vivront dans la planète que nous leur laisserons. Dans cette ère nouvelle qu’est l’Anthropocène, où l’homme s’est fait force géologique majeure, seule une conscience collective résolue pourra faire entendre la voix de la science et éviter notre ruine morale ainsi que tant et tant de malheurs dont nul ne peut prévoir la dramatique ampleur. C’est au nom de la vie elle-même que nous devons combattre. Ensemble, unis, montrons que la lumière peut encore l’emporter sur les ténèbres. Faisons en sorte que jamais la nuit ne tombe sur l’humanité même si, depuis hier, le ciel s’est brutalement assombri.

Pourvu…

17 réflexions au sujet de « Aujourd’hui peut-être »

  1. Ouf ! Ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère !
    Curieux tout de même qu’ils ne citent pas parmi les cataclysmes annoncés les poulets qui vont perdre toutes leurs plumes comme l’avait fait sans aucun sens du ridicule une revue « scientifique » bien connue ( Sciences et Vie, dans un numéro spécial consacré au réchauffement climatique il y a un peu plus d’un an ) .

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  2. Benoit, il faut faire carrière dans le journalisme. Avec un tel édito, vous êtes de suis embauché dans n’importe lequel de nos torchons subventionnés.

    C’est vraiment très bien écrit, et se rapprochera sans doute fortement de ce que l’on pourra lire dans les journaux (sans doute moins bien écrit), puisque Trump a bien annoncé le retrait de l’accord de Paris.

    A quand la même ôde contre la pensée unique réchauffiste?

    Merci pour cet article

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  3. Bravo pour ce brillant exercice de mancie mythologique !

    Mais il y a certainement un truc ? Du machine learning sur une base de données des productions antérieures de la presse consensuelle ?

    Trop fort !

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  4. Bravo pour cet excellent édito « langue de bois » médiatique !

    Petite remarque au passage : « l’autorisation de la construction du pipeline Keystone XL pour transporter des hydrocarbures du Canada au États-Unis. » peut être vu comme un soutien à l’industrie pétrolière par les « ECOLO BOBOS AVEUGLEES PAR LE RCA » mais c’est surtout une mesure de sécurité INDISPENSABLE : actuellement ces transports s’effectuent principalement par trains de plusieurs km de long et les déraillements et accidents spectaculaires se multiplient (rappelons simplement la catastrophe de Lac Mégantic, …) : Un pipe, c’est le moyen de transport le plus sûr…. et le plus écolo !

    Merci encore pour vos articles.

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  5. Les ecolos et journalistes que j’ai vu à la télé hier soir et ce matin avait un nouveau raisonnement que tu n’as pas prévu: Exxon est contre Trump, alors Trump a tort.

    Vu aussi: Jouzel sur BFMTV qui disait qu’il suffit que l’Europe redouble ses sacrifices et tout ira bien; Hulot positivement joyeux ce matin parce que le refus de Trump va revitaliser les efforts du peuple écolo: le tête du WWF chez Bourdin qui veut mettre les 2°C dans la constitution; et l’appel de 18 juin de Macron (en anglais), demandant aux scientifiques, start uppers, et des créatures qu’il appel “anginas” (= “engineers” en Macronspeak) américains de le rejoindre à Paris…

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  6. Bonjour,

    Magnifique édito qui me dispense de lire tous les autres. Pour le côté vide de l’accord de Paris, que beaucoup s’ingénient à nier, le petit article de l’avocat Gilles Devers, jamais aussi bon que lorsqu’il disserte sur le juridique, est à lire: « Trump quitte sans contrainte l’Accord de Paris… qui n’était pas contraignant !…- Donc, ça a été une mise en scène, pour se fiche de nous – Oui, tout à fait – Mais une telle duperie, c’est pas moral… » (http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2017/06/02/trump-quitte-sans-contrainte-l-accord-de-paris-qui-n-etait-p-936979.html). Il y souligne entre autres la duplicité du prédécesseur du nouveau président américain.

    Pour les suites de cette prise de position salutaire, wait and see.

    Bonne journée

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  7. On n’a pas entendu de slogans lacrymaux et dénonciateurs, mais des avalanches d’exagérations, de mensonges et de prédictions apocalyptiques. Ils se battront bec et ongles pour conserver leurs illusions. Ce sont des lemmings.

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  8. ce ne sont pas des lemmings (ce ne serait pas grave dans ce cas ..) .. mais des fanatiques religieux . Je compare la situation actuelle a l’ emergence du christianisme dans l’ Empire Romain . Les Empereurs romains ont bien crus pouvoir sauver leur pouvoir et privileges en se convertissant au christianisme. Mais les valeurs intrinseques du christianisme n’ etaient pas compatibles des structures sociaux-culturelles de l’ Empire Romain et le Christianisme a de facto provoqué l’ effondrement de l’ Empire plongeant l’ Occident dans les ages sombres.
    Aujourd’ hui les dogmes ecologiques ne sont evidemment pas compatible de nos techno -sociétés qu’importe nombre d’ activiste appellent de leur voeux a l’ effondrement de cette société qu’ ils haissent quelqu’ en soit le cout humain …

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    • La comparaison religieuse est un leitmotif de l’analyse du climato-catastrophisme. Je viens de faire une reflexion semblable à

      Adieu, Paris!


      Mais il y a des différences. Le christianisme (et peut-être l’Islam?) sont les seules religions sur les origines desquelles on a des informations à peu près fiable, grâce à Tacite et la version armenienne de Flavius Josephus. Il fallait 3 siècles pour passer de l’histoire de Jésus à l’adoption du christianisme comme religion d’état, et il n’y a pas eu une personne equivalente à JC dans l’histoire de l’environnementalisme (même si certains membres de l’EELV se voient dans ce rôle.) Peût-être le spectacle des derniers 24 hrs resemble plutôt à un fête paien, comme les saturnales, pendant lesquelles tous les débiles mentales pouvaient faire semblant d’être les empereurs. On verra.

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  9. Je pense que, finalement, le retrait de Trump à l’accord de Paris arrange nos OC(Obsédés Climatiques).
    L’application de l’accord étant, de toute façon, irréalisable, nos OC se trouveront l’excuse qu’un Trump irrespectueux de la planète, n’a pas permis l’aboutissement des objectifs.
    Quoiqu’il en soit, de même qu’un consensus auto-proclamé de la part de nos OC a annoncé que la planète courrait à sa perte à cause de l’homme ; à l’avenir, un autre consensus auto-proclamé par ces mêmes OC, annoncera que la planète s’en est sorti in-extrêmis…..même si rien n’a été fait !
    Facile de s’inventer une catastrophe, pour se targuer ensuite de l’avoir éviter grâce à un remède…….que l’on a soi-même mis au point !
    Climatiquement vôtre. JEAN

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  10. En 1209, les albigeois massacrent les cathares à Béziers. En 1614, on brûle les sorcières à Cassis. Le rationalisme des Lumières nous a-t-il sortis de l’obscurantisme moyenâgeux? Pas si sur, car c’est sur la base d’incantations scientifiques que l’on cloue au pilori les non-alignés. Le grand prêtre Al Gore déclare que ‘the science is settled’, ce qui divise le monde en croyants et en mécréants. Quiconque réfute le fait indiscutable que la mer est en train de monter de sept mètres à cause des véhicules 4×4 est un criminel qui doit être combattu. Panurge et ses troupes (politiciens, média, show-biz, profiteurs) baissent l’échine et font allégeance. Mr Rittaud et quelques autres tentent héroïquement de nager à contre courant mais l’extrême puissance de celui-ci, alimentée par de généreux trillions volés aux contribuables, rend leur entreprise improductive. Ce jusqu’au 1er juin 2017. Enfin, un gros calibre, l’homme le plus puissant de la planète, s’empare du haut parleur et dit ‘stop’. Al Gore avale son chewing gum, Elon Musk refait ses calculs, Laurent Fabius revit en cauchemar sa condamnation pour complicité d’empoisonnement. La Raison se serait-elle échappée de la cellule blindée dans laquelle les nouveaux pères des peuples l’avaient enfermée? Oui, et c’est une excellent nouvelle, que j’ai arrosée en m’abreuvant d’un vin pétillant de bulles de CO2. Le reflux vient de commencer. Les lecteurs de Mr Rittaud vont savourer bien davantage ses contributions dans ce monde post climatus-interruptus que Donald Trump, dans une superbe grandeur, vient d’ouvrir pour nous.

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    • Vu le niveau de l’hystérie ambiante, ça se terminera mal. Je suis d’accord avec Nivon. Trump servira de victime expiatoire. Sur LCI, un climatologue a accepté de dire que, de toutes façons, les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris n’aurait pas d’effet ou presque, et que le gros des efforts viendrait après 2030. Mais il n’a pas eu le courage de préciser que même en maintenant les engagements de 2030 à 2100, l’effet, selon les modèles du GIEC, ne dépasserait pas 0,3°C.
      Accuser Trump de crime contre l’humanité pour une fraction de dixième de degrés? Ils osent tout.

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    • Non seulement le retrait de Trump ne relance pas le débat, mais nos OC en rajoute une couche par des déclarations encore plus débiles — il n’y a pas d’oppositions, de toute façon –.
      Si les OC sont de moins en moins crédibles, Trump, en revanche, va nous paraître de plus en plus sympathique.
       » C’est Dallas », comme on dit. Sauf que le feuilleton climat dure depuis plus longtemps !
      Climatiquement vôtre. JEAN

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