À Washington

Les 23 et 24 mars derniers à Washington s’est déroulée la 12e conférence internationale sur les changements climatiques (ICCC12), organisée par le Heartland Institute. L’association des climato-réalistes y a envoyé deux représentants : son chargé des relations internationales (Pierre Bouteille, celui d’entre nous qui parle bien anglais, quoi), et son président (moi-même, qui fait de son mieux).

Évacuons pour commencer la question qui, à n’en pas douter, taraude déjà certains lecteurs : le Heartland étant un très très méchant think tank américain pro-Trump ultra-libéral néo-conservateur turbo-réactionnaire, comment ne pas avoir été saisi de honte à l’idée même d’aller en rencontrer des membres ?

Réponse : l’inscription à l’ICCC12 n’obligeait pas à militer pour Trump, à se réjouir du Brexit, ni même à avoir un avis sur le nouveau film de Christian Clavier. La raison pour laquelle nous y sommes allés est que c’est le Heartland qui porte les idées climato-réalistes au niveau le plus élevé, et qui dispose de la meilleure expérience dans le domaine. Nous avons beaucoup à en apprendre, et d’ailleurs nous en avons beaucoup appris. Pensez ce que vous voulez de ses positions sur d’autres sujets, mais ne mélangeons pas tout : sur le climat ils font du bon boulot (même si j’apprécierais qu’eux-mêmes évitent de mélanger certains genres, voilà, c’est dit).

Les Américains de la conférence montrent un optimisme prudent pour ce qui est de l’évolution à prévoir de la politique climatique des États-Unis. D’un côté, les premiers décrets manifestent un clair changement par rapport à la politique antérieure : autorisation du pipeline Keystone XL, baisse du budget de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et autres remises en cause du Clean Air Act. Si la prudence reste de mise sur la question climatique, c’est à la fois parce que certains parmi l’entourage proche du président ne sont pas sur la même ligne que lui (notamment Ivanka Trump et Rex Tillerson, tous deux très influents), mais aussi parce qu’il s’avère que le détricotage complet des lois, décrets et initiatives sauveuses de climat de l’administration précédente prendra de toute façon un temps considérable. Pour fixer les idées, plusieurs orateurs (dont Myron Ebell, qui fut le responsable de l’EPA pendant la période de transition) a dit qu’on n’en verrait le bout qu’à la fin d’un second mandat Trump (applaudissements dans la salle, gêne de votre serviteur).

Une des questions qui se posent à la Maison-Blanche (à 5 minutes à pieds de la conférence du Heartland, mais Donald n’est pas venu) est de savoir quoi faire de la promesse du candidat Trump de se désengager de l’accord de Paris. L’arme atomique consisterait non pas à se retirer de l’accord lui-même (ce qui pourrait être délicat pour des questions de forme) mais carrément de la CCNUCC, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ce vénérable machin onusien créé en 1992 dans la foulée du Sommet Intergalactique Sauveur de Planète de Rio. Les spécialistes pensent que ce serait un coup plus simple à réaliser (du point de vue juridique, s’entend), qui aurait pour effet de retirer de facto les États-Unis de l’accord de Paris sans avoir à passer par les fourches caudines disposées à l’intention des pays qui décideraient finalement de regimber à l’application de l’accord.

Chris Horner, ce criminel climatique bien connu, demande lui à ce qu’on parle du traité de Paris (et non de l’accord), en raison de la signification juridique précise que revêt ce terme. Selon lui, malgré les efforts de John Kerry à l’époque de la COP21 (le fameux « shall » remplacé par un « should« ), il s’agit techniquement d’un traité, avec pour conséquence qu’il ne peut être ratifié par les États-Unis sans l’aval du Congrès (autant dire jamais, vu l’essaim de climatosceptiques qui s’y trouve), et que la ratification d’Obama n’a donc pas de base légale solide. Du coup, Trump pourrait décider de soumettre la ratification au Congrès, comme ça, l’air de rien, juste pour voir. On rigolerait bien.

Mais on n’est pas là pour rigoler. Les climato-réalistes n’auraient sans doute rien contre un éventuel coup d’éclat, mais l’efficacité d’une action ne se mesure pas toujours à la joie immédiate que celle-ci procure. Et les hésitations de l’Administration américaine à passer à l’acte tiennent aussi à des raisons tactiques : garder une place à table pour torpiller le processus de l’intérieur pourrait se révéler plus efficace que de le laisser vivre sa vie de son côté.

On devrait avoir la réponse d’ici un mois et demi, le président américain ayant annoncé qu’il prendrait sa décision d’ici fin mai. Comme Judith Curry l’a écrit il y a déjà quelque temps, il est probable que Trump n’a aucune idée lui-même de ce qu’il va faire, ou même envie de faire, sur le sujet… C’est ainsi que, si la conjoncture n’a jamais été aussi favorable, les détails révèlent comme toujours que rien n’est simple et qu’un match n’est jamais fini avant le coup de sifflet final (et un coucou à Yanarthus, un !).

L’organisation de la conférence de Washington a été extrêmement professionnelle (on peut regarder les exposés sur ce lien), et tout le monde était content de se retrouver. Nous y rendre s’est révélé une excellente occasion de confirmer à tous que les climato-réalistes français existent et sont actifs, mais aussi de rencontrer des personnes que nous ne connaissions jusque là que de nom, comme par exemple Susan Crockford qui tient l’excellent blog Polarbearscience (dont on ne saurait trop recommander la lecture) et  qui nous a fait un bel exposé sur cette espèce animale qui réussit l’exploit d’être menacée vulnérable en même temps que sa population augmente.

Le Heartland a cette force qu’il ne se contente pas de dénoncer le carbocentrisme et les politiques afférentes (notamment énergétiques) : il propose une feuille de route pour un désengagement. (Voir ici et  ; les points 1 à 13 Energy & Environment sont déjà en cours d’exécution (executive orders) à divers degrés, comme il est apparu dès la semaine suivante.) Sans doute devrions-nous nous inspirer de cette pratique et tâcher de réunir aussi chez nous, sous une forme à définir, des professionnels qui nous aideraient à constituer une feuille de route crédible et explicite à l’intention des décideurs disposés à rompre avec les politiques climatiques qui ont cours actuellement en France et en Europe.

Nos contacts ont été tout spécialement renforcés avec les Allemands d’EIKE, également présents à la conférence. Il a été convenu avec eux que la Contre-COP23 (dont, j’espère, personne ne doutait de la tenue fin 2017) serait un événement « européen au sens de l’Eurovision », a indiqué Wolfgang Müller, « c’est-à-dire susceptible d’inclure des pays tels que l’Australie ». L’Independent Committee on Geoethics qui avait organisé la conférence de Londres de septembre dernier s’est joint à l’initiative. Qu’on se le dise donc dès à présent : la Contre-COP23 devrait se tenir les jeudi 9 et vendredi 10 novembre à Düsseldorf. L’événement fera ainsi concurrence directe à la COP23 elle-même, qui se tiendra du lundi 6 au vendredi 17 novembre à Bonn (à 45 minutes de train de Düsseldorf). Save the date!

17 réflexions au sujet de « À Washington »

  1. Même si ça peut sembler illogique, une espèce peut être menacée même avec une population en augmentation, sans que ce soit un exploit… La tendance d’une population n’est pas le seul critère pour définir le niveau de menace sur une espèce

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  2. L’espece est classée VU (Vulnerable) et non menacée. Elle est uniquement placé dans cette categorie sur la base des projections de hausse de temperature présenté par le GIEC et des hypothéses sur l’impact de cette hausse sur l’Ours Blanc et son environnement.
    Si l’evaluation avait été faite sur des données purement objectives (croissance de la population , etat de santé des individus , pression anthropoliques directes comme la chasse ou l’industrialisation du Grand Nord) et non supputatives , l’Ours Blanc n’aurait meme pas eté classé VU …. Mais il s’agit d’un embleme ….
    Il faut remarquer egalement que la pression mediatique sur les scientifiques s’occupant de ce sujet (PBSG) semble suffisamment forte pour qu’ils stoppent de publier sur Internet leurs etudes/papier afin de retrouver un peu de sérénité . ( un des scientifiques du PBSG a temoigné dans ce sens …)

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  3. Mr Rittaud, pour la contre-COP 23 à Düsseldorf les 8 et 9 novembre, y aura t’il une traduction simultanée en français, des intervenants ? Ou faudra-t’il que j’apprenne l’allemand d’ici-là ?
    Sinon, pourra-t’on voir les vidéos sur internet, traduites en français bien sûr, après la contre-COP ?
    Je viens de lire votre livre — et dédicacé par vous, s’il vous plait ! Ca n’est pas rien ! —  » La peur exponentielle » ; très intéressant ! Il m’a fait comprendre ,entre autre, la dérive de la science climatique, par le biais d’un calcul mathématique seul ; alors que la réalité est forcément beaucoup plus complexe !
    Climatiquement et Respectueusement vôtre. JEAN

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