Trump/Clinton : l’argument du nombre de voix

Parmi les explications proposées à la victoire inattendue de Trump sur Clinton, il en est une en forme de baume au cœur : le nouveau président ayant totalisé moins de voix que son adversaire, la réalité de sa victoire en serait amoindrie (c’est ce qu’a glissé en douce Laurent Joffrin avant-hier, par exemple). Pas besoin d’apprécier Trump pour reconnaître que l’argument ne tient pas.

Alors que vous vous apprêtez à traverser la rue, vous constatez que le feu piéton est vert. Vous vous avancez donc sur la chaussée pour gagner le trottoir opposé. Qui ira vous dire que votre attitude vous aurait valu un accident si le feu avait été rouge ? Personne, bien sûr, car il est bien évident pour tout le monde que, dans cette autre hypothèse, vous n’auriez pas traversé.

On peut trouver des défauts au système américain du « winner takes all » (le fait que le candidat arrivé en tête dans un État rafle tous les grands électeurs de cet État), toujours est-il que c’est dans ce système que l’élection s’est tenue, ce qui a logiquement orienté la manière de chaque candidat de faire campagne. En particulier, dans certains États, l’écart entre les intentions de vote était tel qu’il n’était pas nécessaire de s’y déplacer, contrairement aux fameux swing states qui ont été l’objet de toutes les attentions. Si le système électoral avait été différent, la campagne elle-même aurait nécessairement été différente, et donc avec des résultats différents. Nul ne peut dire lequel des candidats, dans une élection majoritaire, aurait le mieux su en profiter. C’est d’autant moins possible que, en pourcentage, les résultats de l’élection sont particulièrement serrés : 47,41% contre 47,72%.

En passant, on aimerait être sûr que ceux qui se lamentent qu’une candidate soit battue tout en ayant le plus de voix ont bien eu la même réaction lors de situations similaires qui ont à l’époque profité à Anne Hidalgo à Paris en 2014, à Bertrand Delanoë à Paris en 2001 ou encore, la même année, à Gérard Collomb à Lyon, villes qui élisent également leurs maires par un système de « grands électeurs » (les conseillers d’arrondissement). Le système électoral de ces deux villes (ainsi que de Marseille) a toutefois ceci de distinctif que ceux qui élisent le maire sont eux-mêmes des élus (alors que les grands électeurs du système américain ne servent qu’à désigner le président), ce qui permet que la campagne ait bien lieu partout, car les « grands électeurs » potentiels ont un intérêt personnel direct à être désignés. Voilà peut-être ce qui pourrait constituer un début de piste pour réformer en douceur un système qui en a peut-être effectivement besoin.

17 réflexions au sujet de « Trump/Clinton : l’argument du nombre de voix »

  1. tl; dr
    Et si ma tante en avait… la loi fédérale lui permettrait d’utiliser les toilettes hommes, mais pas la loi de l’état, mais la loi du comté oui, mais pas le règlement intérieur de l’établissement, enfin je crois.

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  2. « On peut trouver des défauts au système américain du « winner takes all » »

    On peut aussi exiger un minimum de cohérence méthodologique à ceux que ce genre de choses bouleverse : tous les systèmes d’élection par secteur où on choisit un candidat pour représenter le secteur sont une forme « winner takes all » (avec all = 1). Ce qui donne des résultats aberrants quand certaines tendances sont universellement présentes dans un pays mais nul part regroupés en nombre, comme la tendance « écolo », ce qui fait que ces partis ne sont représentés que via des accords (issus de minables discussions de marchands de tapis) avec des partis mieux représentés.

    Ces systèmes électoraux « each winner takes one » sont « justifiés » par le fait de constituer des « majorités fortes » et éviter « le règne des partis », ce qui est drolatique quand ces élections se font sur la base de tractations électorales entre partis.

    Ce qui donne des plateformes mixtes (productiviste+décroissanciste) encore plus manifestement incohérentes que celle du parti de l’âne (bâté) qui a des tendances anti-capitalistes mais dont la boussole est la bourse, qui veut faire bondir le salaire minimum dans les mêmes proportions que Mélenchon tout en exposant la démonstration mathématique que sans l’immigration (illégale) à très bas salaire des activités à très forte intensité de MO (travail aux champs) ne sont plus possibles économiquement, ou alors avec une inflation énorme, et qui donc fait d’énormes efforts pour convaincre le public de la nocivité de ses propres idées.

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  3. J’ai beaucoup de mal à lire cet articulet pitoyable (même pour ce journal), je mange par petits bouts! Juste un fragment de phrase :

    « Passons sur le paradoxe qui consiste à transformer un héritier milliardaire en emblème des classes pauvres »

    Je ne savais pas que les gens pouvaient être des « emblèmes », passons.

    D’après « Capital » (bien nommé dans ce cas!) :

    « Comme l’an dernier, le plus fortuné de nos ministres est… Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, avec un patrimoine net de 5,23 millions d’euros, dont 3,955 millions rien que pour ses biens immobiliers. Ce fils de marchands d’art détient par ailleurs 340.000 euros de meubles et d’objets.
    (…)
    Le gouvernement Valls compte 4 autres ministres millionnaires. »

    Source : http://www.capital.fr/a-la-une/patrimoine-des-elus/ministre-par-ministre-le-patrimoine-du-gouvernement-decortique-944623

    Peut-on alors dire que les ministres socialistes sont des « emblèmes » ou même des « représentants » des « classes laborieuses » ou des « pauvres », ou des « ouvriers »?

    Ou simplement des personnes dont le patrimoine est acquis légalement et qui ne méritent pas une disqualification politique sur cet unique fondement?

    Il me semblait qu’on considérait qu’en France une personne n’était pas exclue de la « gauche » juste parce qu’elle était assujettie à l’ISF! Peut-être que ce n’est pas valable pour ceux qui n’ont pas la bonne carte du bon parti?

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  4. « il prévoit la suppression de l’Obamacare, »

    Cela s’appelle ACA.

    Affordable Care Act; « Obamacare » est un surnom!!!

    En vertu de quoi, le prix de la plupart des assurances subit une augmentation « à deux chiffres ». Et cela pourrait continuer, vu que le machin n’est pas du tout à l’équilibre économique – il y a des aides d’état et une dette.

    « qui assure une couverture maladie à tous les Américains »

    Qui oblige tous les Américains à en avoir une, sous peine d’amende, ce que certaines préfèrent payer plutôt que de payer aux assureurs un produit considéré comme presque sans valeur à un prix prohibitif.

    Je m’étonne qu’un éditorialiste puisse ignore cela puisque c’était un des sujets de fond les plus importants abordés dans la campagne et notamment lors des débats télé (Hillary Clinton est bien obligée d’admettre qu’il y a des problèmes sérieux avec « Obamacare »). Mais c’est vrai qu’officiellement, aucun sujet de fond n’a été abordé lors des débats!

    La propagande patine un peu. Est-ce que ces éditocrates ont seulement regardé les débats télévisés?

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  5. Plus fondamentalement, au delà des développements péremptoires, cet édito illustre la méthode des « fact checkers », en clair des éditorialistes singeant des scientifiques. Un fait pour un « fact checker » pouvant être absolument n’importe quoi, une « donnée » sortant un chapeau, une assertions sortant d’on ne sait où, une collection « d’avis » de gens autorisés qui s’autorisent à penser des trucs, d’expertises d’experts en expertologie.

    Ici il s’agit d’affirmations par définition invérifiable sur qui a voté pour qui, sachant que le vote est SECRET, généralement basées sur des sondages qui par ailleurs se sont royalement plantés :

    « Mais on doit surtout constater, à rebours des idées reçues, que les classes riches ont davantage voté Trump que les classes pauvres »

    L’affirmation étant tellement vague qu’on ne pourrait de toute façon pas la réfuter, la définition de pauvre étant parfaitement arbitraire (un « pauvre » d’un pays riche peut facilement vivre mieux qu’une personne « aisée » ou « privilégiée » dans un pays pauvre), et « davantage » n’étant pas mieux défini : parle-t-on de 5% en plus? 15%? 30%?

    On peut tout imaginer.

    D’ailleurs, c’est but : cet article était un pur exercice d’écriture créative.

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    • « en clair des éditorialistes singeant des scientifiques »

      En parlant de singeries :

      Geda est un habitué des pronostics. Ce petit singe de 5 ans qui vit dans un parc de loisirs du sud de la Chine avait déjà prévu en juillet dernier la victoire du Portugal en finale de l’Euro-2016. Cette fois, le primate a été interrogé sur la présidentielle américaine. « Après mûre réflexion » selon un communiqué du parc, il a délaissé Hillary Clinton et choisit Donald Trump. Tellement séduit par la photo du candidat républicain, Geda l’a même embrassé « sur la bouche ».

      http://www.ledauphine.com/insolite/2016/11/07/le-singe-geda-predit-la-victoire-de-trump-a-la-presidentielle-americaine

      Ce genre d’oracle est certainement moins coûteux que l’armée de commentateurs et autres experts en expertise!

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  6. « Qui ira vous dire que votre attitude vous aurait valu un accident si le feu avait été rouge ? »

    Des gens qui ne comprennent pas le concept de TEMPS. Ou bien qui le nient. Les négationnistes du temps en fait!

    Comme les gens qui pensaient que Donald Trump était sérieux quand il suggérait à la Russie de pirater le serveur qui ne contenaient plus les emails qui avaient été effacés, serveur qui était isolé et à l’abris des attaques via Internet.

    De façon générale, des gens qui pensent que le passé peut être fluctuant. Que Barry Soetoro peut avoir été né au Kenya puis être né à Hawaï.

    Donc même si le feu était vert, il peut avoir été rouge. Et inversement. Ou bien il n’y avait pas de feu et vous avez traversé l’autoroute à l’heure de pointe les yeux fermé. Peut-être.

    Et les sondeurs n’ont pas su modéliser les votants à cause du système de vote, qui n’a pas changé depuis plus d’un siècle. Parce qu’ils prétendent lire dans les pensées des électeurs, savoir ce qui les influencent, mais ignorent la règle écrite?!!

    Le système obsolète, étrange, ringard, des grands électeurs DOIT être supprimé… pour faciliter le travail des sondeurs, des analystes, des experts, des gens autorisés, évidemment.

    Ce même système avait empêché de prévoir le brexit!

    Ah non, on m’informe que ça n’a rien à voir, le brexit était décidé à la majorité des votes. Bon alors c’est à cause du climat anglais qui a détraqué les ordinateurs, en raison de l’humidité un truc du genre. Vite, la pub. Et la météo. Bref parlons d’autre chose.

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  7. Coucou,

    Ce qui est fort de cafe quand ^même c’est que le vainqueur profite du « systeme », alors qu’il menaçait de ne pas reconnaitre sa défaite !

    Autre commentaire
    « Jocelyne Robert
    mardi

    Il a insulté les infirmes, il a insulté les immigrants, il a insulté les pauvres, il a insulté les femmes, il a insulté les minorités sexuelles, il s’est vanté de ne pas avoir payé d’impôt depuis 18 ans, il est accusé d’agressions sexuelles par 12 femmes… et il est sur le point de remporter la présidence des Etats-Unis.

    Qu’on ne vienne pas me dire le contraire: ce peuple aura préféré élire une ordure plutôt qu’une femme. »

    De jocelyne sur twitter.

    Moi, la dessus, je reste coi .

    Bonne soirée

    Stéphane

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    • Les réactions de Donald Trump n’ont pas lieu dans le vide intersidéral, elles ont lieu dans un contexte précis. J’espère qu’il ne faut pas rappeler ce contexte crapoteux. En l’occurrence, son annonce qu’il contesterait un résultat douteux était parfaitement légitime.

      Le Système est horriblement corrompu, les énergies « renouvelables » inefficaces n’en sont qu’un exemple.

      Si le Système fonctionnait normalement, il n’est pas contestable que Hillary Clinton aurait été considérée comme une des pires candidates de l’histoire, tout comme Ségolène Royal. Le fait qu’elles soient des femmes de gauche n’est sans doute pas un hasard, le Système est particulièrement permissif avec les femmes sauf quand elles sont de droite. De même qu’il n’est pas contestable que c’est uniquement le fait d’être « noir » (ou plutôt métisse, mais c’est suffisant) qui a protégé Obama de la question parfaitement légitime d’avoir à justifier de l’affirmation extraordinaire qu’il est né aux USA alors qu’il était notoirement né en Afrique. Mais les forces du politiquement correct sont tellement oppressives qu’on ne peut pas questionner son passé douteux sans être accusé de racisme et de complotisme.

      Avec cette élection, l’accusation de complotisme a perdu toute saveur. Non, se demander si Hillary Clinton a de sérieux problèmes de santé n’est en rien équivalent à émettre des doutes sur les missions Apollo, vu qu’elle même utilise les pertes de mémoire pour échapper aux questions légitimes!!!!

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      • Bravo, vos propos sont conformes en tous points à ceux de votre champion.
        Un gouvernement formé par un magnat de l’immobilier sera, nul n’en doute, irréprochable sur le plan de la corruption.
        On pourrait apprendre, dans quelque temps peut être, de belles promotions pour un certain directeur du FBI.

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      • Ah ah, mon champion…

        Trump n’est pas parfait, mais il peut être plus efficace contre la véritable mafia de « l’environnement ». Ce que le Parti républicain prétend faire depuis longtemps : supprimer tous les machins qui n’ont pas lieu d’être, à commencer par l’agence de l’environnement (il faudrait faire de même en Europe et en France).

        Donald Trump étant un homme d’affaire, on peut penser qu’il comprend la différence entre ce qui marche à ce qui juste joli mais qui ne sert à rien sauf à frimer. Il suffit de couper les subventions des machins à frime pour que la machine se bloque.

        De toute façon, il était plus que temps, si on écoute les propagandistes qui nous vantent ces nouvelles sources d’énergies : elles ont tellement gagné en efficacité qu’elles sont moins chères que les énergies fossiles! Alors, c’est pas une blague? Elles sont réellement compétitives? On essaie?

        Tout le monde à égalité. Dans le grand bain et sans bouée canard.

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      • « On pourrait apprendre, dans quelque temps peut être, de belles promotions pour un certain directeur du FBI. »

        Promu pour quoi, précisément?

        Avoir distribué des immunités (ou proche) comme des friandises à Halloween?

        Avoir laissé tomber l’enquête?

        Avoir recommandé de ne pas poursuivre? (ce qui n’est pas et n’a jamais été le rôle du FBI ou de toute autre service de police)

        Avoir donné un certificat d’innocence à une candidate d’une malhonnêteté effarante?

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    • « alors qu’il menaçait de ne pas reconnaitre sa défaite ! »

      Bon voilà, Jill Stein a (miraculeusement) récolté des millions de dollars (venant d’on ne sait où) pour contester des résultats, alors qu’elle autour de 1% au mieux.

      Et Hillary Clinton se joint à la contestation des résultats!

      Ce qui il y a quelques semaines était une inadmissible atteinte à la démocratie, au processus électoral, aux institutions et à tout ce qui est respectable, quand le candidat républicain avait l’honnêteté de ne pas promettre à l’avance qu’il n’émettrait aucune objection (ne sachant pas à l’avance s’il y aurait des anomalies lors du vote ou dans les dépouillements, il ne pouvait évidemment rien promettre de tel) est devenu tout à fait normal quand c’est au tour d’Hillary la malhonnête de le faire!!!

      Hillary Clinton ne pensait pas pouvoir perdre, et donc elle pensait pouvoir faire un chèque en blanc en acceptant des résultats inconnus! Ce qui est aussi stupide que d’annoncer à l’avance qu’on ne va porter réclamation pour erreur manifeste d’arbitrage pour un match qui n’a pas encore eu lieu. Le seul cas où une personne peut raisonnablement annoncer ça c’est le cas où le match est truqué en sa faveur et qu’elle sait qu’elle ne peut pas perdre.

      Mais tout ceci est évidemment grotesque et le conduira à rien d’autre que de faire perdre du temps et de tenter de jeter le doute pour délégitimer le vainqueur, ce qui est le but de l’establishment qui cautionne cet activisme absurde.

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  8. re-coucou,

    PS Oui je sais, on a elu le même il y a dix ans, et en plus, …

    Non, non, pas ce cauchemar !

    Aucune leçon à donner à nos amis amércains .

    Bonne soirée

    Stéphane

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  9. Ping : Trump/Clinton : l'argument du nombre de voix ne tient pas | Contrepoints

  10. Bon, j’ai ENCORE entendu « gagné le vote populaire ». Même sur la Fox.

    Il n’y PAS de victoire de quelque chose qui n’est pas en jeu, qui n’est pas compté selon la règle :
    – on ne dit pas « telle équipe n’a pas marqué de but, mais elle a gagné le nombre d’occasions de marquer »; on dit « telle équipe a eu le plus d’occasions de marquer un but, occasions qu’elle n’a pas su transformer »
    – on ne dit pas « tel joueur de tennis a gagné en terme de total de jeux remportés mais perdu le match », on dirait à la rigueur « tel joueur a perdu le match mais remporté de nombreux jeux » (en fait on ne dit rien vu à quel point c’est ridicule).

    Un décompte qui n’est pas décisif ne donne pas des victoires ou des défaites. On ne « gagne » pas quelque chose qui ne compte pas en premier lieu.

    On ne détermine pas ce qui va être compté après la fin du match.

    Tout cela n’est qu’une minable tentative de délégitimer le vainqueur. Certains universitaires de gauche vont même jusqu’à dire que les grands électeurs doivent ignorer le vote de leur état et tenir compte d’autre chose! Les mêmes trouvaient tout à fait normal qu’Hillary Clinton soit choisie à la primaire avec l’appui des « super délégués » qui ne sont pas tenus de suivre le choix populaire!

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