JO 2016 : jour 7, monsieur deux cinquièmes

Les chroniques des JO de Yanarthus ressemblent de plus en plus à une sorte de Climathon. (La preuve : il commence à parler du « jury »…) Mise en garde pour certains malcomprenants : il y a parfois de l’humour un peu subtil qui se glisse dans le texte. Pour les autres (nombreux au vu des stats) : profitez bien. Ben.

JO 2016 : jour 7, monsieur deux cinquièmes

par Yanarthus

Depuis quelques jours, on nous serine que Michael Phelps est « une légende », « un mythe », l’athlète le plus médaillé (27 médailles aujourd’hui) de l’histoire des Jeux Olympiques, ce qui est vrai, mais aussi de plus grand sportif de l’histoire des Jeux Olympiques, ce qui est notoirement faux. Et c’est facile à prouver.

Quantifions la légende de Michael Phelps, comme ça, pour voir…

Il a déjà été démontré ici même qu’il y a trop de médailles attribuées à la natation aux Jeux Olympiques : le fait que le sportif le plus médaillé soit un nageur n’est qu’une conséquence mécanique de la boursouflure de cette discipline. Pour caractériser le succès d’un sportif, plutôt que le nombre de médailles, il est beaucoup plus logique de considérer le taux de réussite aux épreuves qui lui sont accessibles.

Michael Phelps a été médaillé dans des épreuves où il a nagé des distances de 100 m, 200 m et 400 m et ce dans toutes les nages (libre, brasse, dos, papillon). Les courses qui lui sont accessibles sont donc les 100 m, 200 m et 400 m nage libre, les 100 m et 200 m en brasse, dos et papillon, les 200 m et 400 m quatre nages, les relais 4*100 m et 4* 200 m nage libre et 4*100 m quatre nages : cela fait donc au total 14 courses auxquelles Michael Phelps peut participer, à chaque JO. Or il a participé à tous les Jeux depuis Sydney 2000 : cela fait donc 70 médailles accessibles. À l’instant où j’écris ces lignes, la finale du 4*100 m quatre nages n’a pas encore eu lieu et je compterai donc 69 médailles accessibles. Or Michael Phelps a obtenu 27 médailles, soit un taux de réussite de 39 % (il atteindra 40 % s’il est médaillé cette nuit au relais 4*100 m quatre nages) ce qui, on en conviendra aisément, n’a rien de mirobolant.

Entre Phelps et Bolt, il n’y a pas de match

Dans une sorte de compétition entre mythes, Michael Phelps est parfois comparé à Usain Bolt, star mondiale du sprint en athlétisme. Les courses accessibles à Usain Bolt sont les 100 m, 200 m et relais 4*100 m, il a participé pour l’instant à deux éditions des Jeux Olympiques (2008 et 2012, les épreuves d’athlétisme de 2016 n’ont pas encore eu lieu), d’où 6 médailles possibles. Or Usain Bolt a obtenu 6 médailles, toutes en or, soit un taux de réussite de 100 %. Et quand bien même il n’obtiendrait aucune médaille en 2016, son taux de réussite serait au pire de 67 %.

Ce calcul prouve sans ambiguïté qu’Usain Bolt est un bien plus grand athlète que Michael Phelps. De toutes façons, ça, il y avait une autre façon de le prouver : Usain Bolt répond toujours aux interviews de Nelson Monfort et Michael Phelps, jamais.

Et en France ?

Les sportifs français n’ont rien à envier à Michael Phelps non plus. Par exemple, Tony Estanguet ne peut participer à chaque JO qu’à une épreuve, le canoë monoplace slalom. Au cours des quatre éditions des Jeux Olympiques auxquels il a participé (de 2000 à 2012), il a obtenu 3 médailles (toutes en or, lui aussi), soit un taux de réussite de 75 %, près de deux fois supérieur à celui de Phelps. Autre exemple, le footballeur Jean-Louis Zanon a obtenu la seule médaille d’or possible aux seuls Jeux Olympiques auxquels il a participé (1984), d’où un taux de réussite de 100 %. On peut donc affirmer sans contestation que Jean-Louis Zanon est un sportif olympique deux fois et demi plus grand que Michael Phelps.

Le partage des médailles

La natation, encore elle, a aussi une habitude étrange : ne pas départager les nageurs « dans le même centième de seconde », alors qu’elle dispose des outils techniques pour avoir une bien plus grande résolution temporelle : à la vitesse des nageurs, un centième de seconde correspond à environ 2 cm et ce n’est pas si petit que ça. Ainsi, lors de la finale du 100 m féminin, la canadienne Penny Oleksiak et l’américaine Simone Manuel ont toutes les deux été classées premières en 52,70 s, d’où l’attribution d’une médaille d’or à chacune des deux nageuses.

Mais soyons sérieux : le but des Jeux Olympiques est d’avoir plus de médailles que les autres, il est donc aussi important de prendre des médailles aux adversaires que d’en gagner. Par exemple, en 2012, lorsque l’équipe de France de handball masculin a gagné son quart de finale sur un but à deux secondes de la fin du match, le feel good moment était certes dû à la qualification de l’équipe de France, mais aussi (et surtout ?) à l’élimination d’un pays usurpateur récurrent dans tous les sports.

On ne saurait donc se contenter de cette solution consistant à attribuer les 5 points de la médaille d’or deux fois : la Canadienne n’a pas réussi à empêcher l’Américaine d’être première et ne mérite donc pas les 5 points (et inversement) ! De plus, ce protocole consistant à attribuer plusieurs médailles identiques pourrait être à l’origine d’arrangements entre nageurs, celui de tête en laissant revenir un autre sans en subir de conséquences. Le jury a donc décidé de partager les points des médailles d’or et d’argent : 3,5 (une médaille d’électrum, en quelque sorte) à chaque nageuse. Pour les mêmes raisons, il a rétrospectivement partagé la médaille de bronze du 100 m dos féminin entre une chinoise et une canadienne.

Cette disposition permet de maintenir un total de 8 points à chaque épreuve : il n’y a pas de raison pour que certaines compétitions rapportent plus de points que d’autres. Afin d’être cohérent, le jury a également décidé que, dans les disciplines attribuant deux médailles de bronze (boxe et judo), ces deux médailles vaudraient chacune 0,5 point, de façon à être toujours à 8 points par épreuve.

Avec ces amendements sur les règles, le début du classement après la septième journée s’établit ainsi :

  1. États-Unis 378
  2. Chine 243
  3. Japon 165
  4. Russie 162
  5. Royaume-Uni 155
  6. France 149
  7. Corée du Sud 121
  8. Australie 111
  9. Allemagne 99
  10. Italie 92

3 réflexions au sujet de « JO 2016 : jour 7, monsieur deux cinquièmes »

  1. C’est toute la difficulté (pour ne pas dire l’inanité) de vouloir à tout prix comparer l’incomparable. Mais évidemment, il faut bien que les journalistes fassent assaut de superlatifs, sinon on s’ennuierait.
    L’exemple de Jean-Louis Zanon illustre une nouvelle fois le problème insoluble de prétendre traiter des situations à écarts-types très différents, comme ce que montrait déjà Yanarthus l’autre jour en rapportant le nombre de médailles d’un pays à sa population.

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