Le site la Menace théoriste a mis en ligne une étrange interview d’un certain Jacques Grimault dans l’émission La Tronche en Biais. Le discours de l’interviewé est une remarquable synthèse de ce que peut produire la pseudoscience, alliant considérations délirantes sur les pyramides d’Égypte, affirmations consternantes sur les nombres (selon lui, π est un nombre rationnel !) ou encore conceptions incohérentes de géographie. Ce qui est intéressant dans cette interview fort longue (plus de deux heures) est moins ce délire pseudoscientifique que la façon dont la discussion se déroule avec l’intervieweur. Il est remarquable en effet de voir à quel point celui qui pose les questions, Acermendax, ne parvient à aucun moment à susciter chez son invité le moindre commencement de doute. Ce dernier est capable de raconter n’importe quoi pendant des heures sans jamais se départir de son aplomb. Les objections les plus ravageuses n’entament jamais sa suffisance hautaine. Cette émission de radio nous transporte en fait dans le Gorgias de Platon, et plus précisément dans la troisième partie du dialogue, où Socrate échoue complètement à faire accepter à Calliclès les règles d’un vrai débat et ne reçoit que railleries en guise de réponses à ses questions.
Dans le cadre qu’il s’est fixé, Acermendax fait un travail admirable. Hormis une utilisation naïve du critère de Popper et une fausse candeur surjouée, son interview est un sans-faute, son propos respectueux et son calme olympien face aux insultes n’ont d’égal que son énorme boulot de préparation en amont de l’émission. Pourtant, le scientifique ne peut absolument rien contre le sophiste qui lui fait face. Alors que ce dernier n’a rigoureusement aucun argument sérieux, les commentaires de la vidéo que l’on peut lire sur Agoravox montrent qu’il est quand même parvenu à faire illusion chez plusieurs spectateurs.
Cette expérience montre combien il est vain de combattre la pseudoscience avec uniquement des arguments rationnels : les vrais ressorts de l’adhésion à des théories pseudoscientifiques sont ailleurs. Peut-être dira-t-on que c’est l’honneur de la zététique que de s’en tenir aux réfutations d’ordre scientifique (malgré la définition plus large qu’elle se donne : « questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai »).
D’un côté, quand ce qui est en jeu ne dépasse pas le mystère de la Grande pyramide, tout cela n’est pas bien grave. Le pyramidologue du jour était l’invité d’un dîner de c…, il a été à la hauteur de ce qu’on attendait de lui et la Terre peut continuer de tourner.
D’un autre côté, il est des cas de pseudosciences beaucoup plus installées et potentiellement dangereuses qui demandent, elles, des réponses efficaces. Cette vidéo (et les commentaires signalés plus haut) est l’utile démonstration des limites des armes offertes par la méthode scientifique hypothético-déductive. Si la zététique veut être cohérente avec elle-même, il me semble que cette expérience de radio doit la pousser à reconnaître que, même face au discours pseudoscientifique le plus caricatural, elle n’a pas, ou pas encore, saisi les véritables ressorts de la croyance.
Oui, le nombre pi est bien un rationnel,….dans un mode de numération à base pi, ou 2 pi, ou k x Pi, ou r x Pi avec r rationnel, oeuf corse.
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Plus exactement : en base pi, l’écriture de pi est finie (il s’écrit 10). On dit que pi est un pi-entier, mais attention : ça ne fait pas de pi un rationnel pour autant, cette propriété étant indépendante du système de numération utilisé. Si on veut, on peut aussi dire que pi appartient à l’extension Q(pi) – là c’est correct, et en plus, ça en jette…
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Vraie et importante interrogation.
Mais cela concerne surtout « l’opinion » et ceux qui la suivent (dont les politiques).
Le travail de fond fait par les climato réalistes doit viser les gens qui savent compter leur argent ou leurs décisions. Il me semble qu’à voir les décisions réelles prises par quantité de gouvernements ou d’investisseurs (pas tous, bcp ont l’obligation de tenir compte de l’opinion),
les cibles possibles sont nombreuses, y compris en France.
Tôt ou tard, brutalement, la nudité des Giecquiens deviendra une évidence pour l’opinion (et une bulle crevée pour les imbéciles ou ceux qui croient pouvoir danser jusqu’à la dernière mesure de la musique).
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Peut être vos louanges sur AcerMandax seront moindres après le visionnage de la ‘tronche en biais , la méthode hypercritique’ (à 12 minutes).
En ce qui concerne les élucubrations sur les dimensions des pyramides, j’ai toujours trouvé surprenant de mettre en évidence que telle mesure était un multiple remarquable d’une autre mesure. Ce multiple, exprimé dans une autre base, n’a plus rien de remarquable. Ainsi dire qu’un angle est exactement une minute ou une seconde d’arc devient particulièrement risible quand en France on exprime les angles en grades et non en degrés.
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Quand on se lance dans des « échanges » (pour réfuter des propositions populaires mais fausses), on tombe parfois sur des énormités largement pires que celle qu’on était parti pour réfuter. Par exemple, en essayant d’expliquer les émissions des centrales nucléaires n’était pas aussi dangereuses qu’on le raconte, je me suis vu opposer : les centrales conduisent à la centralisation de la production et donc tu n’es pas autonome en énergie et l’Etat peut venir te couper ton alimentation en énergie.
Je ne sais toujours pas si c’est un argument ou une attaque. Si c’est un argument on pourrait tenter d’expliquer que ça n’a aucun sens, mais alors on ferait probablement face à une croissance exponentielle des arguments débiles venant à la rescousse des arguments débiles initiaux.
Il s’agit d’une attaque, d’un crachat. Les « arguments » n’ont pas besoin d’avoir un sens. Le point de vue combattu est méchant donc tout est bon.
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