Encore mieux qu’Al Gore : France 4

Le documentaire dont je vous ai parlé vendredi va être diffusé ce soir. Il se trouve qu’on peut le suivre en avant-première ici, j’ai donc pris mon courage à deux mains pour aller voir ça.

Je n’ai pas été déçu. Vous avez aimé la propagande d’Al Gore dans Une Vérité qui dérange ? Alors vous allez a-do-rer la propagande made in France qui vous sera offerte ce soir sur France 4, avec 2 degrés avant la fin du monde.

Œuvre chimiquement pure de propagande climatico-idéologique, ce documentaire est un concentré de contre-vérités et de présentations tendancieuses qui va jusqu’à inventer des courbes et des chiffres pour mieux asséner son message. Ainsi pour les catastrophes naturelles qui auraient « plus que triplé » depuis les années 1960 (3’10), ou bien de cette courbe à l’inquiétante allure exponentielle (4’05) tout droit sortie de l’imagination d’un infographiste pour nous faire peur avec la hausse du niveau des mers.

Les cinq premières minutes rassemblent une quantité particulièrement impressionnante de faussetés de ce genre, assénées sur un rythme frénétique qui a pour effet d’assommer le spectateur sous un déluge de chiffres et de couper court à toute réflexion intelligente.

Le pire, c’est qu’ils ont l’air fiers de provoquer ce genre d’effet : la société qui réalise le documentaire s’appelle en effet « Data Gueule ». C’est l’anti-science dans toute sa splendeur, celle qui se pare de chiffres pour impressionner et construire un discours idéologique sans aucun rapport avec la rationalité.

Jamais je n’avais encore observé (mais il faut dire que je n’ai plus la télé) à quel point les merveilles de l’infographie peuvent être mises au service d’une entreprise audiovisuelle d’assassinat de la pensée. Dans un colloque il y a trois ans, je m’étais inquiété de la tendance toujours grandissante à remplacer les raisonnements par les « chiffres », les seconds se substituant de plus en plus aux premiers et étant de plus en plus invoqués non pas à l’appui d’une démonstration, mais à la place. Je citai alors comme exemple les rubriques « le chiffre du jour » de certains journaux, bien loin de savoir combien timide m’apparaîtrait cet exemple à peine trois ans plus tard.

Un spectacle d’anti-pensée : voilà ce qu’a concocté « Data Gueule » et que diffusera le service public français de télévision ce soir même. Quand Nabilla avait lâché son ridicule « allô », qui avait fait un buzz aussi planétaire qu’inoffensif, un éditorialiste avait cru bon d’invoquer Guy Debord et sa Société du spectacle pour parler carrément de totalitarisme — comme quoi le ridicule ne tue pas. Parmi les penseurs du même calibre qui seront de service télévisé ce soir, combien verront que le vrai totalitarisme se loge bien plutôt dans les cinq minutes introductives de ce documentaire, qui visent à un conditionnement autrement profond que quelques phrases insolites lâchées au hasard d’une émission de divertissement ?

Ah mais, dira-t-on, il faut tout faire pour éveiller les consciences… L’abrutissement généralisé par la soumission aux « chiffres », voilà sûrement un beau programme pour une chaîne de télévision qui se veut tournée vers la jeunesse.

Le reste du documentaire est de la même eau, avec des interviews d’experts coupées à la hache pour accélérer le discours et, tel un gaveur d’oies, faire entrer un maximum de peur dans l’esprit du spectateur en un minimum de temps, sans lui permettre de reprendre son souffle. L’évolution des comportements animaux ? le changement climatique. Boko Haram ? le changement climatique. Les difficultés d’accès à l’eau ? le changement climatique. Les inégalités sociales ? le changement climatique.

À 27’00, le documentaire donne tranquillement la parole à Laurent Fabius, pour permettre à notre Bien-aimé Ministre de défendre l’action gouvernementale pré-COP21. Cette séquence est une sorte d’hommage à ces techniques plus classiques de propagande dans lesquelles le Chef Protecteur apparaît au moment opportun pour montrer qu’il agit pour nous tous, qu’il nous aime et que nous pouvons avoir confiance en lui pour tenir bon dans la tempête qui menace.

La suite nous désigne les méchants traditionnels (la société de consommation, les industriels, la finance, le « système », les politiques…) et lance l’exhortation classique à la transition énergétique, au bio, au retour au bon vieux temps, à la sobriété, à « faire évoluer les démocraties représentatives ». Sans oublier la dose réglementaire d’homme nouveau.

L’interview que j’avais accordée place de la République pour ce documentaire n’a pas été retenue. Au vu des procédés employés pour matraquer le message, j’aime autant.

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7 réflexions au sujet de « Encore mieux qu’Al Gore : France 4 »

  1. Ce qui est incroyable c’est que nous sommes matraqués de discours « écologistes » (enfin, pas moi. Je ne suis pas en France…) aussi bien sur les OGM, les pesticides, le nucléaire, le climat… tous aussi peu objectifs, et les écologistes ne font tout compte fait qu’à peine 1,5% aux élections.
    Les journalistes ne devraient ils pas s’interroger sur leur crédibilité ?

    Aimé par 1 personne

    • coucou,

      On est surtout bombardé par … non je deconne.
      S’interroger sur des technoques nouvelles, sur la conscience de la science, moi je suis plutôt pour .
      Pour moi, Le problème, c’est l’opinion toute faite, l’indignation a priori ou automatique, le catastrophisme ineluctable….

      Cà me rappelle une manchette du canard:

       » toute la vérite sera feinte »

      vive la complexité

      hihi

      bonne journée

      Stéphane

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  2. On a surtout envie de ne jamais regarder ce document…
    Au final, et pour ne jamais se décourager, il n’est presque pas d’exemple dans l’histoire où de tels procédés de propagande ne finissent par se retourner contre leurs promoteurs.
    L’ivresse même de leur arrogance finira par les perdre, sans doute sans trop attendre…

    Aimé par 1 personne

  3. Bon… jusqu’à 28′ toujours pas la parole aux contradicteurs, ce que des esprits sains considéreront comme de la propagande et non de l’information. J’arrête c’est naze.

    A noter que jusque là, le monde réel filmé est très urbain (passants de la Place de la République), les litanies apocalyptiques se projettent sur de belles image de nature, quelques clichés éculés, et les discours des théoriciens se projettent sur un fond noir absolu, souterrain.

    Où est la réalité? Mais où est passé orbi, dirait Nino Ferrer (et B Rittaud) ?

    Aimé par 1 personne

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