Climathon, semaine 34 : dans le couloir de la mort climatique

par le jury du Climathon

Cette semaine 34 du Climathon était marquée par une date cruciale à côté de laquelle la chute de la bourse de Shangaï, l’attentat dans le Thalys ou la crise des migrants en Europe ne sont que des informations de second ordre. En effet, tenez-vous bien : nous avons franchi le délai des 100 jours qui nous séparent du début de la COP21. Symbolique majeure, point de repère de notre temps, cette date avait tout pour réveiller nos compétiteurs de leur torpeur estivale. Ça n’a pas manqué.

La victoire de la semaine revient au Figaro Madame, qui a eu l’excellente idée de mener un interview croisée d’une valeur sûre, Nicolas Hulot, notre bien-aimé Commandeur des Croyants, et d’Hindou Oumarou Ibrahim, que vous n’aviez peut-être pas l’honneur de connaître mais qui nous est présentée comme la « porte-voix des peuples sahéliens« . Ceux-ci, selon elle, « sont déjà dans le couloir de la mort » à cause du vilain gaz carbonique, une affirmation forte qui sert de titre à l’interview et qui, prononcée par ladite porte-voix en 2009, a « contribué à sceller mon engagement contre le réchauffement climatique« , nous explique le Commandeur.

Le numéro de duettistes est parfaitement rôdé : chacun tresse des lauriers à l’autre, la serveuse de soupe journaliste ne pose aucune question gênante, tout le monde est gentil. Pour cet entretien, Nicolas Hulot a manifestement repris quelques passages de son interview imaginaire de la semaine dernière dans l’épisode 13 du Référendum maudit (en accès libre), l’assortissant en outre de délicieuses considérations sur le bon sauvage qui respecte la nature, lui.

Les duettistes s’entendent parfaitement pour dire que le réchauffement climatique cause le terrorisme, un vieux classique de propagande climatique toujours bon à prendre. Citons notre Commandeur à ce propos :

L’Afrique, je la connais bien. Ces hommes, que vont-ils faire ? Ils vont soit devenir des cibles à recruter pour les intégristes, ou bien ils vont rencontrer ces filières de migration vers le Nord, vers l’Europe. C’est ce qu’on appelle les réfugiés climatiques, même si le nom n’est pas reconnu. C’est ceux-là qu’on voit déjà en Méditerranée frapper aux portes de l’Europe. On le voit, le réchauffement a déstructuré ces sociétés et leurs modes de vie millénaires.

À Dakar en 2007, Nicolas Sarkozy s’était désolé que l' »homme africain » ne soit pas « entré dans l’histoire« . C’est donc désormais chose faite, et nous savons grâce à Nicolas Hulot que c’est à cause du réchauffement climatique.

Les accessits de la semaine

Les grosses écuries n’ont pas manqué l’occasion des « cent jours » et se sont empressés de commenter avec gourmandise les récentes données alarmistes publiées par l’Agence météorologique américaine sur les sept premiers mois de l’année. C’est à une belle surenchère de chiffres apocalyptiques que se sont livrées nos têtes de gondoles moyennant quelques approximations bien légitimes au vu de l’enjeu. Nos médias ont également célébré triomphalement le retour du messie El Niño, qui se manifeste enfin à quelques mois des échéances tant attendues. Pour éviter que certaines personnes mal intentionnées considèrent El Niño comme un phénomène uniquement naturel, il convenait bien sûr de démontrer qu’à défaut de provenir entièrement des activités humaines, au moins allait-il en s’amplifiant avec le réchauffement climatique. Et pour une tâche aussi ardue, c’est Fanny Agostini qui s’y colle avec sa vidéo quotidienne intitulée pour les besoins de la cause « Pourquoi El Niño se renforce-t-il avec le réchauffement climatique ». La démonstration est plutôt succincte, on y apprend que « Dans un climat qui se réchauffe, on peut s’attende à des épisodes d’El Niño beaucoup plus fréquents et beaucoup plus intenses ». CQFD. Merci Fanny, nos vacances auront vraiment été plus ensoleillées grâce à vous.

Désireux de se démarquer de Fanny Agostini et de ses minauderies présentations joyeuses, le Journalderéférence a lui choisi de se mettre en quête du prix de l’article le plus conventionnel. Le Monde se fend d’un nouvel opus écrit en pilotage automatique complet : chiffres-qui-font-peur-d’une-agence-américaine, expert français puis autorité moralo-climatique incontestable s’y succèdent, servis par un vocabulaire enflammé : « juillet proprement torride », « hot list », « mois le plus caniculaire », « fournaise » de 1998, « régime de surchauffe »… L’article multiplie ad nauseam les chiffres apocalyptiques sur la terrifiante montée des températures, à base de records battus (de peu, voire pas battus du tout) et de comparaisons à la moyenne des températures du XXe siècle (histoire de donner des écarts plus grands que quelques centièmes de degré).

Suivant la construction logique de ce type d’article, intervient alors le « climatologue à Météo-France » qui évoque le fort El Niño 2015 et la robustesse des modèles. L’auteur souligne d’ailleurs que le « record de chaleur » de 2014 était particulièrement « remarquable » en l’absence d’El Niño, sans se rendre compte que cela relativise considérablement les éventuels nouveaux « records » de 2015. Voilà ce qui arrive quand on écrit sans réfléchir…

Enfin, tel le torero Escamillo « qui vient terminer tout, qui paraît à la fin du drame et qui frappe le dernier coup », l’inévitable Jean Jouzel plante la banderille fatale en assénant que le réchauffement « ne marque aucune pause ». En bon scientifique qui sait se mêler de politique quand c’est nécessaire et ne pas manquer les bonnes occasions (il en rate peu), il insiste sur la nécessité de « diviser par deux ou trois les émissions entre 2020 et 2050 » pour rester sous le nombre d’or climatique de 2°C. « On en est encore loin », conclut l’auteur, fataliste. Du classique bien construit et bien écrit, donc, mais le jury du Climathon rappelle qu’à trois mois du dernier rendez-vous pour éviter l’apocalypse thermique, il attend davantage du Journalderéférence. Audace, originalité, engagement, souffle : c’est à ce prix que la planète sera sauvée. « On en est encore loin ».

Blâme

Le jury du climathon se désole de devoir une nouvelle fois adresser un blâme à un media suisse, à la très respectable Radio Télévision Suisse qui plus est. RTS info relaie en effet de manière inique les propos d’un chercheur en production végétal qui considère que les évolutions climatiques sont « globalement bénéfiques pour la qualité de la production de la vigne Suisse » en garantissant une « meilleure maturation, notamment pour les cépages tardifs ». Il est tout à fait regrettable que les journalistes Helvètes se désolidarisent une nouvelle fois de leurs confrères hexagonaux en publiant ce type d’informations et ne fassent pas preuve du même professionnalisme et de la même déontologie que ces derniers. On voit bien qu’ils n’ont pas une COP21 à préparer, eux !

Cependant, quelques dérapages sont malgré tout également à déplorer sur le territoire national, et c’est même le plus grand quotidien régional qui se fait surprendre en flagrant délit de franchissement de la ligne jaune. Ouest France se penche en effet sur le phénomène d’érosion du littoral qui frappe les côtes de l’ouest et conclue en s’appuyant sur des travaux d’experts que cette érosion des côtes est davantage le fait « des activités de l’homme que du réchauffement climatique ». Ouest France va même bien au-delà de son titre évocateur en laissant entendre aux âmes simples que le réchauffement climatique ne serait pas d’origine anthropique, en citant des chercheurs qui considèrent que l’érosion marine est d’abord un « phénomène naturel », « récurent et millénaire », « le trait de côte ayant toujours connu des fluctuations ». Et le journal, qui pointe la responsabilité de l’urbanisation des côtes, enfonce le clou :

Aujourd’hui, l’élévation du niveau de la mer n’est pas assez rapide pour causer une érosion des côtes suffisamment importante pour qu’elle soit observable de manière évidente.

Espérons que cette remise en cause des textes sacrés (en l’occurrence les conclusions du rapport sur le sujet remis pas Jean Jouzel à Ségolène Royal) ne restera pas sans conséquence. Pour l’instant, c’est sous la forme d’un blâme que le grand jury manifeste à Ouest France sa très forte réprobation.

14 réflexions au sujet de « Climathon, semaine 34 : dans le couloir de la mort climatique »

  1. Connaissant le catastrophisme climatique habituel de Ouest-France son article est en effet vraiment étonnant. En temps normal un tel article éxonérant l’influence du RCA ne serait pas passé. Les responsables de la rubrique « climat » doivent être en vacances.

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  2. Le changement climatique cause de la prostitution de rue en Italie, mais au moins le plus vieux métier du monde est largement décarboné, donc pas de rétroaction positive ici.

    En revanche, la guerre civile est encore bien trop carbonée avec des pick-up Toyota et des avions avec du carburant non bio qui bombardent des civils avec des bombes non certifiées durables. Tout ça va faire plein de rétroaction qui pourrait bien être proportionnelle, donc conduire à un réchauffement exponentielle, pour ce qu’on en sait. (On n’en sait rien, donc on peut affirmer tout. Sans « mentir ».)

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  3. La rubrique :  » Blâme  » du climathon peut servir de mine d’informations pour les réchauffistes qui pourraient créer leur propre climathon.
    Ceux-ci commenceraient par piquer les articles à notre auteur favori : Mr Rittaud, qui est le  » Père Fondateur « de cet honorable institution qu’est le climathon.
    Mr Rittaud pourrait donc légitimement réclamer des droits d’auteur !
    A méditer !
    Climatiquement vôtre. JEAN

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  4. Il n’y a pas à dire, quand il s’agit de brocarder ceux qui ne partagent pas ses idées Benoît Rittaud est un maitre en la matière, par contre quand il s’agit d’émettre un argument scientifiquement pertinent soutenant le fait que nous ne sommes pas responsables du réchauffement actuellement constaté, il n’y a plus personne.

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    • Tiens, bonjour Robert !
      Heureusement qu’il reste des personnes comme vous pour soutenir le climathon.
      Et surtout pour apporter une vision novatrice sur le rôle de l’Homme dans les « changements climatiques ».
      A ce propos, avez-vous quelques arguments irréfutables sur cela ?
      Je continue à chercher de mon côté, sans succès…

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  5. Petit problème (chiffres simplifiés) :
    La planète ayant 5 milliards d’années, combien de temps faudra-t-il à l’homme pour en épuiser les ressources, sachant qu’il en consomme par an deux fois plus que ce que la Terre peut produire ?
    Qu’en déduire, connaissant l’évolution à long terme du soleil ?

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