Les impératifs du full disclosure m’obligent à préciser que je connais l’auteur du livre dont il va être question. Mais je n’ai pas trop envie de vous dire tout de suite pourquoi, vous le saurez à la fin et j’ai bon espoir que vous trouverez que ce n’est pas très important.
Peau vive, c’est l’histoire d’Ève, une femme qui souffre de la pathologie de ne pas supporter le contact physique avec autrui. Se trouvant par hasard au mauvais endroit au mauvais moment, elle est victime d’un attentat dans un cinéma parisien. Elle en survit, mais le traumatisme lui donne l’occasion d’une introspection à l’issue de laquelle elle décide de se lancer dans un voyage symbolique et initiatique à Berlin, de l’autre côté d’un Mur encore intact en cette année 1988. Ce tragique mur séparateur doit lui révéler, pense-t-elle de façon confuse mais pressante, le secret de la barrière qu’est sa propre peau, elle aussi un terrible empêchement, un interdit catégorique de s’élancer vers l’autre.
Il m’est difficile de trouver les mots adéquats pour rendre compte de l’expérience que ce livre m’a fait vivre en cette matinée récente où je l’ai lu d’une traite. Devant la délicatesse, la fragilité de la plume de Gérald Tenenbaum, je me découvre de gros doigts boudinés sur le clavier, tout à fait incapables de se montrer à la hauteur. La description de Berlin-Est est saisissante. Quant à la fin du livre, elle frise la perfection. Décidément, notre monde nous offre parfois de bien beaux moments.
J’ai d’abord connu Gérald Tenenbaum comme mathématicien. Gérald dispose d’une belle notoriété dans le milieu, comme théoricien des nombres. Il y a quelques années, nous avons participé ensemble à une soirée littéraire. J’y avais parlé de mon recueil de nouvelles, L’Assassin des échecs (Le Pommier, 2004), et lui d’un autre de ses romans, L’Affinité des traces (Héloïse d’Ormesson, 2012). Cet autre roman m’avait également plu au point que, lors de cette soirée, j’avais dit à Gérald que j’aimerais bien savoir écrire comme lui moi aussi, un jour, quand je serais grand. Dans son regard doux avait percé la joie de recevoir un compliment, puis il m’avait répondu que oui, au vu de ce qu’il avait lu de moi, il y avait de quoi penser que si je me mettais vraiment au travail… Quand je mesure le chemin à parcourir, je peux vous dire que c’est pas encore gagné.
Peau vive, La Grande Ourse, 2014, 236 p., 18 €. (Amazon)
http://www.parislibrairies.fr/ est un site où on commande des livres pour aller les chercher chez un libraire. Altenative aux e-commerçants et à leur logistique.
Mais je ne lis pas de roman, cette forme littéraire où le challenge de l’auteur et du lecteur est de croire et faire croire à la réalité de choses impossibles et que ni l’un ni l’autre n’ont pu expérimenter, notamment ce à quoi pensent « des autres » qu’eux.
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Moi non plus, je ne lis plus de roman depuis longtemps ; mais là, il semble qu’il y ait une autre dimension, et qu’on ne soit pas dans la « les choses impossibles », mais dans l’évocation d’un cheminement intérieur qui peut faire écho chez beaucoup. Peut-être la forme du roman (pour laquelle je ne suis plus sensible) permet-elle d’approcher avec délicatesse ces interrogations et mouvements profondéments humains ; sinon, pour parler de cela, on serait dans l’approche clinique ? en tout cas, la description me donne vraiment envie de le lire, ce livre
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