Trois événements viennent peut-être de faire prendre un tour nouveau à la controverse sur le climat. Trois événements qui ne sont pas des nouvelles données d’observation, des articles de recherche originaux, ou même le lancement de projets innovants pour comprendre le climat — ça, c’était dans la science d’avant.
À l’approche de la conférence Paris Climat de décembre, les trois événements de ces derniers jours ont tout pour rendre fébrile et alimenter les soupçons les plus variés. Prenons-les par ordre d’importance. Le premier d’entre eux est la « révélation » made in Greenpeace de ce qu’un scientifique climatosceptique, Willie Soon, aurait été financé par l’industrie pétrolière sans l’avoir mentionné en bonne et due forme comme potentiel conflit d’intérêt dans ses publications.
Comme d’habitude lorsque Greenpeace est impliqué, la subtilité de l’attaque évoque celle d’une division de panzers. À la décharge de l’ONG, il faut reconnaître que salir la réputation d’un climatosceptique, fût-ce en montant une affaire pratiquement de toutes pièces, c’est tentant : c’est à la fois plus simple que de s’attaquer au contenu de ses articles scientifiques (qui n’est pas en cause), et médiatiquement, c’est payant. Voici donc le scoop : Soon est un employé du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. Cette institution scientifique a obtenu un financement de la Southern Company Services (les méchants pétroliers). Et donc, Soon aurait du dire qu’il recevait des sous du pétrole, plutôt que de bêtement se contenter de dire qu’il était employé du Smithsonian Center. La lapidation journalistique n’a pas traîné, vous la trouverez sans peine en version française sur le site du Journalderéférence.
On aurait bien envie d’objecter que Soon n’avait pas à déclarer de conflit d’intérêt, puisqu’il n’a pas reçu le moindre chèque de l’industrie du pétrole. C’est son employeur qui a signé le contrat et reçu les fonds. Ceux-ci pouvaient bien servir à financer Soon, dont les projets de recherche ont effectivement été mis dans la balance pour le contrat entre le Smithsonian et la Southern. En déduire que Soon est coupable de n’avoir, dans ses publications, dévoilé que le nom de son employeur et non celui des partenaires de cet employeur, c’est pour le moins chercher les poux dans la tête de quelqu’un. Mais comme c’est un méchant, n’attendez pas une enquête journalistique honnête qui ferait la part des choses : elle risquerait de conclure qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat, alors que tout est bon à prendre pour casser du climatosceptique.
D’ailleurs, il n’y a même pas besoin d’être climatosceptique pour avoir des ennuis. Si vous n’êtes pas avec nous, alors vous êtes contre nous : telle est la devise en vogue chez certains — pas tous, heureusement —, et dont la dernière victime est un autre scientifique américain, Roger Pielke Jr., désormais sous le coup d’une investigation pour avoir affirmé devant le Sénat américain qu' »il est incorrect d’associer les coûts croissants des catastrophes naturelles aux émissions de gaz à effet de serre ».
Pour mémoire, Roger Pielke Jr est un carbocentriste sans équivoque. Il est, entre autres, partisan d’une taxe carbone. Mais dans la réalité binaire de la controverse, il n’y a plus de place pour la nuance. Si l’on ne croit pas à tout, c’est qu’on n’est pas un vrai croyant. Un bon petit soldat sauveur de planète doit donc relayer toute la propagande, faute de quoi il devient non-fiable. Laissons Pielke commenter lui-même ce qui lui arrive :
Ces attaques et diffamations incessantes sont en effet efficaces — je me suis déjà détourné de toute question climatique dans mon travail universitaire. Je ne lance désormais plus de recherche nouvelle ou d’articles sur le sujet, et utilise ailleurs le temps, en diminution régulière, que je consacrait à bloguer sur la question. Je suis un professeur titulaire, il n’est donc pas nécessaire de s’en faire pour moi — je continuerai à être au mieux, car il y a plein de choses intéressantes à faire liées à des questions d’intérêt public pour m’occuper. Mais je ne peux pas imaginer le message qui est envoyé au jeunes chercheurs. En fait, si, je peux : « quand les gens font une recherche conforme au consensus scientifique, il n’y a aucune justification à une chasse aux sorcières ».
Le troisième événement, enfin, est celui de la démission du président du GIEC, Rajendra Pachauri, accusé de harcèlement sexuel. En tant que telle, cette accusation ne remettrait pas plus en cause les travaux du GIEC que celles de Greenpeace à l’encontre de Willie Soon ne remettent en question le contenu de ses publications. Il est tout de même un point de cette affaire qui intéresse directement la controverse. On le trouve dans la lettre de démission de Pachauri, qui indique notamment ceci :
Pour moi, la protection de la Planète Terre, la survie de toutes les espèces et la durabilité de nos écosystèmes est davantage qu’une mission. C’est ma religion et mon dharma.
J’ai assez critiqué la mission du GIEC pour ne pas en faire aujourd’hui un modèle de neutralité. Pourtant, même le caractère partial de la mission du GIEC apparaît ici comme un modèle d’objectivité scientifique comparé à l’état d’esprit affiché du président démissionnaire :
Le GIEC a pour mission d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Les rapports du GIEC doivent rendre compte des différentes orientations de façon impartiale, tout en traitant avec objectivité les facteurs scientifiques, techniques et socio-économiques sur lesquels reposent ces orientations.
Bas les masques, est-on tenté de dire. Pachauri vient de dire tout haut ce que les scientifiques du GIEC tentent si souvent d’ignorer : le GIEC n’est pas un organisme d’experts comme les autres, qui aurait pour seul objet de dire l’état de l’art sur un domaine donné. Le GIEC est en réalité un groupe militant qui, sous couvert de science, promeut une certaine vision du monde, assez bien résumée d’ailleurs par Pachauri : une sorte de religion païenne postmoderne.
Beaucoup de scientifiques, à l’intérieur comme à l’extérieur du GIEC, croient sincèrement que cet organisme est dédié à la science. Puisse cet aveu de Rajendra Pachauri les aider à prendre conscience que ce n’est pas le cas.
« contenu de ses articles scientifiques (qui n’est pas en cause), » vraiment?
Voyez ce qu’en pense Gavin Schmidt : http://crooksandliars.com/2015/02/how-often-do-climate-scientists-have (…However, a valid question is whether the science that arose from these funds is any good?…etc)
« contenu de ses articles scientifiques (qui n’est pas en cause), » vraiment?
Voyez ce qu’en pense Gavin Schmidt : http://crooksandliars.com/2015/02/how-often-do-climate-scientists-have (…However, a valid question is whether the science that arose from these funds is any good?…etc)
Quant à Pachauri il a été nommé par Busch junior afin de décrédibiliser le GIEC, à mon avis vous ne devriez pas vous réjouir de le voir partir, son remplaçant pourrait être plus « punchy »
Quant à Pachauri il a été nommé par Busch junior afin de décrédibiliser le GIEC, à mon avis vous ne devriez pas vous réjouir de le voir partir, son remplaçant pourrait être plus « punchy »
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Mano, veuillez réfléchir avant de commenter. L’affaire qui sort concernant Soon concerne un mode de financement, pas un contenu scientifique : c’est ça dont il est question ici. Quant à Pachauri, je ne vois pas ce qui vous permet de dire que je me réjouis de son départ – à part bien sûr votre attitude constante consistant à me prêter des intentions.
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WordPress est une horreur quand on veut poster des commentaires…
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Mano, j’ai supprimé votre dernier commentaire injurieux à mon égard. Au prochain coup, je vous bannis.
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Pachaury…. le boulet… tout comme Soon…. La science n’a pas besoin de ça mais bon c’est le jeu médiatique
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