Bravo à Libération et son interview de José Bové titrée « les zadistes sont les enfants de Grothendieck » pour parvenir à repousser encore les limites de la décence, que le Monde avait déjà bien reculées en classant dans la rubrique « Planète » un article sur la grenade ayant tué Rémi Fraisse.
Alexandre Grothendieck est l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle. Sa vie a été métamorphosée à la fin des années soixante par un désir, apparemment soudain, de militer pour le pacifisme et l’écologisme politique. Ces deux aspects de sa vie (mathématiques et militantisme) sont radicalement différents et même difficiles à concilier (la recherche, ça prend du temps et ça se fait avec calme et humilité ; faire le coup de poing contre un projet de centrale nucléaire ne se décrit pas par le même genre de qualificatifs). Lorsqu’on s’appelle Libération, l’on devrait sans peine trouver un vrai spécialiste pour étudier de quelle manière ces deux aspects auxquels Grothendieck s’est dévoué avec tant de passion ont pu être réunis en un seul individu. Un historien des mathématiques, un spécialiste de l’écologisme ou du pacifisme post-68, un vrai proche de Groethendieck (et non quelqu’un qui, comme Bové, s’est contenté de le croiser il y a quarante ans), ça se trouve, non ?
Les propos de José Bové sont ridicules, car c’est avant tout par les mathématiques que le nom de Grothendieck est et mérite de rester célèbre. Son militantisme fut certes remarquable par son caractère extrême, mais si Groethendieck n’avait pas été le mathématicien que l’on célèbre aujourd’hui, son idéalise assez irrationnel et presque infantile (pour les besoins d’un travail en préparation, j’ai lu il y a peu tous les numéros de Survivre et vivre ainsi qu’une bonne partie de Récoltes et semailles) aurait été noyé dans l’oubli depuis bien longtemps.
Les enfants de Grothendieck ? Ceux qui ont porté son œuvre mathématique et la prolongent aujourd’hui. Certainement pas un rebelle professionnel devenu député européen.
la page de Foucart dans le Monde est elle plus juste ?
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Foucart est moins mauvais, mais il faut dite que ce n’est pas difficile. Sa nécro est voisine de celle de Douroux dans Libé, on peut soupçonner que l’un et/ou l’autre ont simplement adapté un texte préparé à l’intention des journalistes.
Ce qui est consternant, c’est que Foucart ne fait aucune place à l’œuvre mathématique elle-même de Groethendieck. (Bon, Douroux qui s’y essaye avec ses tableaux de Monnet, c’est encore pire.) Que les journalistes soient obligés de ne citer que Récoltes et semailles plutôt que de raconter un peu ce qui vaut à Groethendieck une renommée mondiale en dit long sur le niveau scientifique des « journalistes scientifiques ».
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